Le 16 novembre dernier, le gouvernement de la CAQ a dévoilé en fanfare son Plan pour une économie verte (PEV), aussi appelé « plan vert ». « Le Plan pour une économie verte 2030 représente un geste fort de notre gouvernement pour répondre aux nombreux défis collectifs que nous pose l’urgence climatique », s’est félicité le ministre de l’Environnement Benoit Charette. Présenté comme un plan ambitieux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du Québec, le PEV est-il vraiment à la hauteur du défi posé par la crise écologique?
Un plan flou
Le PEV prévoit 6,7 milliards de dollars d’investissement sur 5 ans, ce qui correspond à la première période de mise en œuvre du plan, entre 2021 et 2026. Le principal but est de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec de 37,5% par rapport au niveau de 1990, et ce d’ici 2030. Tout ceci s’inscrit dans l’objectif global d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Parmi les mesures annoncées pour remplir cet objectif, le gouvernement de la CAQ prévoit un vaste projet d’électrification du réseau de transport, des bâtiments et des industries, des investissements dans les filières vertes, ainsi que des efforts pour améliorer l’efficacité énergétique.
Si ces mesures semblent relativement modiques, ce n’est pas qu’une mauvaise impression. En effet, le PEV prévoit pour le moment des mesures qui permettent de couvrir seulement 42% des objectifs de réduction pour 2030. Quant aux 58% restants, pas un mot dans le plan. Le ministre Charette s’est défendu en expliquant qu’il est prévu que le plan soit mis à jour chaque année, et donc « [qu’il] faut se permettre d’avoir un plan évolutif. » La CAQ n’a donc qu’un demi-plan à présenter aux Québécois.
Or, en matière de lutte contre les changements climatiques, il faut plus que des vœux pieux. La situation est urgente. Le gouvernement avait déjà annoncé l’année passée que l’objectif de réduction des émissions pour 2020 ne serait pas atteint puisque, selon les données les plus récentes (2017), le niveau d’émissions n’a diminué que de 8,7% (il a même augmenté entre 2015 et 2017), alors que l’objectif est une diminution de 20% par rapport à 1990. Legault lui-même a reconnu : « On ne va pas dans la bonne direction. » Mais ce n’est visiblement pas avec le plan de la CAQ qu’on changera de direction.
Cela ne devrait surprendre personne. En matière environnementale, le bilan de la CAQ est peu glorieux. D’une part, l’objectif fixé par la CAQ en matière de réduction des GES pour 2030 est en dessous des recommandations du GIEC pour limiter le réchauffement mondial à 1,5°C (37,5% contre les 45% nécessaires). D’autre part, la CAQ a mis la hache dans les mesures de protection de l’environnement depuis qu’elle est au pouvoir.
L’année passée seulement, le gouvernement a reporté un projet visant à protéger le caribou forestier, une espèce menacée de disparition, afin de ne pas déranger les entreprises qui pourraient être impactées par les mesures de protection. Le ministre des Forêts Pierre Dufour avait aussi annoncé vouloir encourager les coupes forestières, ce qui va à l’encontre des recommandations scientifiques. Le ministre Charrette préparait également un assouplissement de la loi sur la protection des milieux humides, pourtant essentiels à la lutte contre les changements climatiques. Et c’est sans parler du projet de loi 66, adopté sans bruit le 10 décembre, qui allège les règles environnementales pour accélérer 180 projets d’infrastructure.
Traitement de faveur pour les entreprises
Afin d’encourager l’électrification des transports, le gouvernement prévoit d’interdire la vente de véhicules à essence neufs d’ici 2035. Mais il précise que cette interdiction s’appliquera seulement pour les véhicules à usage personnel. Les véhicules utilisés à des fins commerciales et industrielles en seront exclus. Il y a donc une règle pour les particuliers, et une autre pour les entreprises! Difficile de justifier cette disparité de traitement aux nombreux travailleurs qui n’ont pas d’autre choix que de prendre leur automobile pour se rendre au travail.
Pourtant, ce sont les entreprises qui polluent le plus. Au Québec, le secteur des transports (excluant les automobiles) représentait 31% des émissions de GES en 2016. Selon la même étude, le secteur industriel représentait quant à lui 30% des émissions de GES. De plus, la moitié des 100 entreprises les plus polluantes du Québec polluent même plus aujourd’hui qu’il y a cinq ans!
Malgré tout, c’est aux entreprises qu’on vient donner un coup de main dans le cadre du PEV. Legault a déjà annoncé que des aides gouvernementales seront mises en place pour les entreprises, afin de ne pas les pénaliser face à la concurrence sur le marché mondial. Par exemple, le gouvernement va financer des projets en efficacité et conversion énergétiques pour les entreprises, à hauteur de 669,2 millions de dollars sur 5 ans. D’ailleurs, le projet d’électrification du réseau de transport suscite déjà l’enthousiasme des patrons, qui y voient une belle source de profits. Des compagnies québécoises, comme AddÉnergie ou LionElectric, sont en première ligne pour bénéficier d’un gigantesque marché qui s’ouvre à eux.
Cependant, le gouvernement se montre moins généreux envers les travailleurs québécois. Même si le gouvernement maintient pour le moment sa subvention à l’achat d’un véhicule électrique, il annonce déjà que cette subvention va diminuer dans les prochaines années.
Pas de plan vert sous le capitalisme
Force est de constater que le « plan vert » de la CAQ tient plus du brouillon que du plan, et ce ne sont pas les déclarations grandiloquentes sur son caractère « solide et ambitieux » qui changeront quoi que ce soit à son contenu.
Il y a un peu plus d’un an maintenant, 500 000 personnes manifestaient à Montréal pour exiger des changements radicaux en matière d’environnement. L’urgence climatique est dans l’esprit de milliers de jeunes qui savent que la catastrophe climatique nous attend si nous ne changeons pas de cap rapidement. Pour la CAQ, l’urgence semble surtout de savoir comment sauver la face en feignant s’intéresser à la question environnementale. Ceux qui s’y intéressent sérieusement auront bien du mal à trouver des réponses dans le PEV, qui ne contient que quelques mesures précises et de vagues déclarations d’intention. On ne peut avoir aucune confiance dans la CAQ pour régler la crise environnementale.
Québec solidaire, qui s’oppose avec raison au demi-plan de Legault, a toutefois comme principale critique qu’on n’y retrouve pas de mesures « d’écofiscalité », comme de taxer les VUS. Malheureusement, la direction du parti s’en prend à la mauvaise cible. Elle tombe dans le piège de défendre des mesures contraignantes qui seront perçues par bien des travailleurs comme une attaque à leur portefeuille. En effet, comme nous l’expliquions l’an dernier, c’est le propre des mesures d’écofiscalité en général (comme les taxes carbone) que de frapper davantage les plus pauvres, tandis que les grandes entreprises ont les moyens de contourner les règles.
Il n’y a aucun doute qu’il est impératif de lutter contre le réchauffement climatique dès maintenant. Pour cela, nous devons mobiliser les travailleurs et les jeunes derrière un programme qui pointe du doigt les vrais pollueurs.
La réalité est qu’une poignée d’entreprises sont responsables de l’écrasante majorité de la pollution sur terre, jouissent de traitements de faveur de la part des différents gouvernements, et ont les moyens de contourner les règles environnementales qu’on tente d’imposer. Cent entreprises sont responsables de plus de 70% des émissions de GES à l’échelle mondiale, et au Québec, 100 entreprises sont responsables de plus de 25% des GES de la province.
Une solution à la crise environnementale ne pourra être trouvée tant que nous n’aurons pas de véritable contrôle sur ces entreprises. On ne peut avoir de véritable plan vert sous le capitalisme. Suffit les traitements de faveur aux pollueurs! Nous devons défendre la nationalisation des grandes entreprises polluantes, sous le contrôle des travailleurs eux-mêmes. Une telle mesure socialiste nous permettrait d’utiliser leurs vastes richesses notamment pour financer massivement le transport en commun, ce qui ferait beaucoup plus pour faire diminuer l’achat de véhicules à usage personnel que n’importe quelle taxe. C’est en nous appropriant ces entreprises que nous pourrons entamer une authentique transition écologique.