Depuis samedi le 8 janvier et pour quatre semaines, le premier ministre du Québec François Legault a imposé un couvre-feu à partir de 20 heures. Cette annonce a suscité des inquiétudes quant à la manière dont le couvre-feu serait appliqué aux sans-abri. En réponse à cela, M. Legault a déclaré lors d’une conférence de presse mercredi : « Avec le froid, on souhaite [que les sans-abris] soient à l’intérieur. Et il y a assez de places de disponibles. » Ceux qui travaillent réellement avec la population itinérante ont démenti cette affirmation.

Amanda Moniz du Réseau communautaire autochtone de Montréal a déclaré (notre traduction) : « Il n’y a absolument pas assez de lits, et cette réponse nous prouve que le premier ministre est complètement déconnecté de la réalité. » Les affirmations de Legault ignorent également le fait que les dernières données sur l’itinérance à Montréal datent de 2018, alors que la population était estimée à 3150 personnes. Depuis lors, le nombre de sans-abri a augmenté de façon spectaculaire, notamment en raison des effets dévastateurs de la pandémie.

Le gouvernement Legault ne prévoit pas non plus que les itinérants soient exemptés des amendes de 1500 à 6000 dollars. La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a affirmé : « On veut aider, on veut accompagner la clientèle itinérante, et non pas les inonder de contraventions. Donc la tolérance sera de mise. » Essayait-elle de se faire rassurante ou de nous faire rire? Demander aux policiers, qui tuent régulièrement des itinérants, d’être « tolérants » avec eux a autant de sens que de demander à un lion d’être végétarien. Dès la deuxième nuit du couvre-feu, 122 interventions auprès de sans-abri ont été signalées, et une contravention de 1500 dollars a déjà été imposée à un sans-abri. La pandémie a déjà aggravé les mauvaises conditions de vie des personnes sans domicile fixe, et le risque d’amendes ne fera qu’empirer la situation.

D’autant plus qu’appliquer ce couvre-feu aux sans-abri est absolument contre-productif pour combattre le virus. Rassembler des gens dans des espaces clos constitue justement la meilleure façon de répandre le virus! Ainsi, forcer les personnes itinérantes dans les refuges ne fera que favoriser la propagation du virus, comme l’a montré une récente éclosion majeure de COVID-19 dans le système des refuges de Montréal. Plusieurs refuges affirment avoir eu un total de 21 cas positifs au cours de la période de 10 mois comprise entre mars et décembre, mais depuis lors, ce nombre a augmenté d’environ 96 cas.

Cette situation pose un danger particulièrement grave pour les personnes ayant des antécédents de problèmes de santé, notamment des problèmes respiratoires, déjà plus fréquents chez les personnes sans domicile fixe. Les personnes qui souffrent de toxicomanie sont également plus à risque, car elles n’ont pas la liberté de gérer leur consommation dans les centres d’hébergement, et le sevrage d’alcool et de drogues peut constituer un grave danger.

La mise en œuvre de ce couvre-feu et l’attaque qui a suivi contre la population itinérante constituent une preuve supplémentaire de l’échec de l’approche de la « responsabilité individuelle » pour stopper la propagation du virus. Le refus du gouvernement québécois d’inscrire les personnes sans domicile fixe sur la liste des exemptions au couvre-feu tout en permettant des exceptions pour les travailleurs essentiels (ou les personnes qui promènent leur chien) est une pure hypocrisie. Les données récentes indiquent que les éclosions de COVID se produisent principalement sur les lieux de travail et dans les écoles, mais la CAQ fait porter la responsabilité sur les individus en adoptant des mesures comme ce couvre-feu pour gérer la propagation du virus à la place. Cependant, on ne peut rien attendre de mieux d’un gouvernement qui place systématiquement les profits avant les vies humaines.

Pour commencer, le couvre-feu ne devrait pas s’appliquer aux sans-abri. Mais il faut souligner que le simple fait de les inscrire sur la liste des exceptions ignore le fond du problème. On ne pourrait résoudre ce problème qu’en investissant immédiatement dans des logements décents pour les sans-abri, plutôt que de les obliger à se réfugier dans des abris surpeuplés. Mais à long terme, la seule solution pour mettre fin définitivement à l’itinérance et aux problèmes de logement est de se battre pour le socialisme et de mettre fin au système qui les crée en premier lieu.