Cet article a été publié le 27 octobre dernier sur le site de Fightback. Les grèves sauvages Alberta montrent la colère qui existe à la base, et le potentiel pour une action de grève bien organisée pour riposter aux coupes de Jason Kenney. Au Québec, avec les négociations du secteur public en cours au Québec, et les employés de l’éducation et de la santé qui sont pressés comme des citrons à cause de la gestion désastreuse de la pandémie par la CAQ, nous pensons qu’il est important que la direction syndicale ici se prépare à la lutte, et mette de l’avant l’outil de la grève. 

Le 26 octobre dernier, les travailleurs des hôpitaux et des soins de santé en Alberta ont organisé des grèves sauvages dans toute la province. Le personnel d’entretien, de restauration, de bureau, de maintenance et de soutien a refusé de travailler, est resté à la maison ou a tout simplement débrayé. Des grèves ont eu lieu dans les centres de soins de santé d’Edmonton, Calgary, Lethbridge, Red Deer, Grande Prairie, Leduc, Drumheller, Fort McMurray et Fort Saskatchewan, entre autres. Près de 50 lieux de travail différents se sont mis en grève. 

Service de santé Alberta (AHS) a déjà annoncé son intention de réprimer les grévistes. Plus tard dans la journée, ils ont envoyé un courriel au personnel indiquant que toute personne se joignant aux piquets de grève « fera l’objet de mesures disciplinaires ». Le ministre des Finances du Parti conservateur uni (UCP), Travis Toews, s’est lui aussi rapidement prononcé contre les grèves. Dans un communiqué de presse, il a déclaré : « Service de santé Alberta prend des mesures immédiates avec le Conseil des relations de travail de l’Alberta pour mettre fin à cette activité illégale. Les personnes impliquées dans cette action illégale seront tenues pour responsables ». Il a déclaré qu’il s’attendait à ce que « tous les syndicats de l’Alberta respectent le processus de négociation, cessent de mettre en danger la sécurité des Albertains et se conforment à la loi ». Mais n’oublions pas l’UCP lui-même a un bilan plutôt médiocre en matière de « respect du processus de négociation ». En fait, l’UCP est actuellement dans une bataille juridique avec le Syndicat des employés provinciaux de l’Alberta (AUPE), qui a déposé une plainte contre le gouvernement pour avoir négocié de mauvaise foi!

Quelques mois seulement après son entrée en fonction, l’UCP a adopté la loi 9, ou loi sur le report de l’arbitrage salarial dans le secteur public. La loi 9 permet au gouvernement de reporter illégalement et unilatéralement l’arbitrage salarial jusqu’à un moment plus opportun pour lui. Plus récemment, l’UCP a adopté les projets de loi 1 et 32. La loi 32 rend effectivement illégaux le piquetage et les grèves, tandis que la loi 1 interdit de manifester et de bloquer des « infrastructures essentielles » – ce qui est formulé de manière suffisamment vague pour pouvoir inclure n’importe quoi. Sur la base de ces critères, si une infirmière était en retard pour son travail en dehors d’un hôpital, elle agirait à l’encontre de la loi provinciale. Il n’y a pas de négociation dans le système. L’UCP fera tout ce qu’il faut pour obtenir ce qu’il veut, écrasant tout sur son passage. 

Les débrayages ont été décidés en réponse à la décision du gouvernement provincial de couper jusqu’à 11 000 emplois dans le secteur de la santé publique par le biais de la privatisation. Ces coupes signifieraient l’élimination ou la privatisation de 10 à 16% des emplois en santé publique en Alberta. Quelques jours plus tard, lors de l’assemblée générale de l’UCP, les membres du parti ont voté de justesse en faveur de la création d’un système de santé hybride public-privé – une mesure dont le ministre de la Santé Tyler Shandro devrait bénéficier, puisque lui et sa femme possèdent une compagnie d’assurance médicale privée. Ces mesures servent également à saper les syndicats du secteur public en éliminant un grand nombre de postes syndiqués. 

L’UCP a tenté de justifier ces coupes en affirmant que la majorité des licenciements concernent actuellement des postes auxiliaires dans le secteur de la santé, comme les laboratoires, la buanderie, le ménage et les services alimentaires. Dans le passé, Shandro a promis qu’il n’y aurait pas de licenciements de personnel de première ligne pendant toute la durée de la pandémie. Aujourd’hui, Shandro a changé d’avis et a déclaré que les licenciements de personnel de première ligne seront « minimes ». Les conférences de presse de Shandro ainsi qu’un projet de plan de l’AHS ayant fait l’objet d’une fuite en juillet contredisent cette affirmation. Celui-ci propose de supprimer 16 700 emplois à temps plein et à temps partiel, dont des centaines d’infirmières. Même sans la pandémie, ces coupes seraient un désastre; mais la COVID-19 rend le tout encore pire. Si elles étaient appliquées, elles seraient non seulement dévastatrices pour les milliers de travailleurs qui perdraient leur emploi, mais aussi pour l’ensemble du système de santé. 

Jusqu’à présent, la direction du NPD a hésité à soutenir ces grèves. La cheffe du parti provincial, Rachel Notley, les a décrites comme « profondément préoccupantes » et qualifie continuellement les piquets de grève de « chaos ». Elle a demandé à l’UCP de « revenir à la table des négociations avec les travailleurs de l’Alberta », mais cela soulève la question : Quelle table de négociations? L’UCP a fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter les négociations dès son entrée en fonction. Rien n’indique qu’il est prêt à changer d’approche. 

De telles déclarations ne font que renforcer la position de l’AHS et de l’UCP, qui ne veulent rien d’autre que mettre fin aux grèves le plus rapidement possible. Il ne devrait y avoir aucune ambiguïté ou hésitation à ce sujet. Notley et le reste de la direction du NPD doivent soutenir sans équivoque les travailleurs de la santé en grève et leurs syndicats. Le sort des soins de santé universels gratuits est en jeu. Si Kenney et Shandro obtiennent ce qu’ils veulent, les soins de santé seront entièrement vidés de leur substance et privatisés au point que le seul financement public sera constitué d’allégements fiscaux pour être couvert par l’assurance médicale privée de Shandro! Heureusement, après une vague de pression publique, Notley est revenue sur sa position et a apporté son soutien aux grévistes. À l’avenir, il ne peut y avoir cette même hésitation. 

La grève jusqu’à la victoire!

Jason Kenney et ses laquais de l’UCP n’ont apporté que des coupes et le chaos aux travailleurs de l’Alberta. On ne peut pas les laisser gagner sans opposition. Nous ne pouvons pas attendre trois ans de plus jusqu’aux prochaines élections tandis qu’ils rendent la vie dans cette province insupportable pendant ce temps. Ces piquets de grève doivent être considérés comme le point de départ pour faire tomber le gouvernement de l’UCP. La première étape consiste à étendre les grèves. Au sein de chaque hôpital, tous les travailleurs non impliqués dans les services d’urgence doivent être mobilisés, y compris le personnel infirmier.

Par-dessus tout, l’AUPE doit agir de manière décisive dans les semaines à venir. Le syndicat doit canaliser cette énergie explosive et lui donner un caractère organisé. Le président Guy Smith et le reste de la direction du syndicat doivent s’inspirer de cette initiative de grève sauvage. La prochaine étape consiste pour l’AUPE à appeler à une action de grève générale illimitée dans toute la province et dans tous les secteurs. 

Mais plus encore, ces travailleurs ont besoin de l’appui le plus large possible des secteurs autres que celui des soins de santé. Déjà, les travailleurs du centre de détention provisoire d’Edmonton ont manifesté leur appui même s’ils ne sont pas menacés par la privatisation. C’est un développement fantastique qui doit être étendu. La Fédération du travail de l’Alberta doit mobiliser ses membres par des grèves de solidarité pour soutenir ces grèves sauvages. 

Il est essentiel que les dirigeants syndicaux de toute la province donnent une direction claire. Aucun travailleur ne peut être laissé en grève dans l’incertitude, se demander si c’est le bon moment pour se mobiliser. Toute ambiguïté menace de laisser se dissiper cette incroyable énergie. Le moment est venu d’agir, et nous devons agir avec force. 

Pour une grève contre la privatisation!

Faisons tomber Kenney!