Grève pour la rémunération des stages : mouvements ouvrier et étudiant, même combat!

En date du 16 novembre, autour d’une trentaine associations étudiantes de Montréal, de Québec, de l’Outaouais et d’ailleurs ont adopté des mandats de grève pour revendiquer la rémunération de tous les stages à tous les niveaux d’étude. Les mandats de grèves prendront effet au cours de la semaine du 19 au 23 novembre. Selon le […]

  • La Riposte socialiste étudiante
  • ven. 16 nov. 2018
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En date du 16 novembre, autour d’une trentaine associations étudiantes de Montréal, de Québec, de l’Outaouais et d’ailleurs ont adopté des mandats de grève pour revendiquer la rémunération de tous les stages à tous les niveaux d’étude. Les mandats de grèves prendront effet au cours de la semaine du 19 au 23 novembre. Selon le mandat adopté, les étudiants débrayeront entre un à cinq jours. Au total, 60000 étudiants ont un mandat de grève la semaine prochaine.  La semaine de grève s’inscrit dans une série d’actions entamées par les Comités unitaires sur le travail étudiant (CUTE) qui doivent culminer avec une grève générale illimitée à l’hiver 2019. Maintes associations étudiantes ont déjà adopté un plan d’action engageant les étudiants à tenir une assemblée générale de grève générale illimitée lors de la session de l’hiver 2019 pour obtenir la rémunération de tous les stages.

Un appel a été lancé il y a un mois par des étudiantes et étudiants afin d’appuyer la lutte pour la rémunération de tous les stages. La Riposte socialiste étudiante appuie sans réserve cette lutte et invite ses sympathisants à participer activement aux activités entourant la grève du 19-23 novembre.

Lutte contre l’exploitation, lutte de classe!

Au Canada, environ 500 000 jeunes accomplissent un stage non rémunéré. Le stage non rémunéré est une étape incontournable de certains domaines d’études, notamment en santé, en éducation et en travail social. De plus, il semblerait que le phénomène des stages non rémunérés soit en croissance. Selon Sean Geobey, auteur d’un rapport intitulé The Young and the Jobless, des preuves anecdotiques indiquent que le nombre de stagiaires non rémunérés aurait bondi depuis 2008 au Canada. L’Association canadienne des spécialistes en emploi et des employeurs (ACSEE) disait remarquer « un bond important » du nombre de stages non rémunérés « en des endroits où ils étaient habituellement rémunérés ». Il n’y a pas de raison d’en douter : en cette période de crise du capitalisme et d’incertitude économique que nous connaissons depuis 2008, les entreprises cherchent par tous les moyens à réduire leurs dépenses. L’État est quant à lui forcé d’appliquer des mesures d’austérité depuis des années. Cela signifie couper les budgets du secteur public et réduire le financement du secteur communautaire. Ces secteurs, en retour, compensent leurs budgets serrés en profitant du travail gratuit des stagiaires. Dans le cas des stages en entreprise privée, l’exploitation est encore plus flagrante, alors que les salaires non payés aux stagiaires vont directement dans les poches des patrons.

Tout comme sur le marché du travail en général où les femmes gagnent systématiquement moins que les hommes, ce sont les femmes qui sont les plus exploitées par le phénomène des stages non rémunérés. En effet, 74 % des femmes qui ont à accomplir un stage dans le cadre de leurs études ne sont pas rémunérées pour le faire, alors que c’est le cas de 37 % des hommes se trouvant dans la même situation. Les domaines comme l’éducation des enfants, l’enseignement, la santé, les services sociaux, l’obstétrique, etc., sont ceux où les stages non rémunérés sont monnaie courante. Auparavant, beaucoup de travail dans ces domaines était du ressort de la femme au sein de la cellule familiale typique. Maintenant ce travail est effectué par des employées, notamment dans les secteurs public et communautaire. Mais les préjugés sexistes persistent et il est considéré comme normal que ces employées doivent passer par des stages non rémunérés. Le sexisme renforce l’exploitation, qui en retour renforce les préjugés sexistes.

Depuis des années, les jeunes en particulier se font demander d’accepter des conditions de travail moindres que leurs parents. Dans le milieu syndical, les clauses de disparité de traitement forcent les nouveaux employés à accepter des conditions moins bonnes que les anciens. À l’école, ce sont les frais de scolarité qui montent et les perspectives de bons emplois après les études qui diminuent. À mi-chemin se retrouvent les stages qui permettent d’exploiter les travailleurs en devenir et les épuisent avant même qu’ils aient commencé leur vie professionnelle. La grève des stages est une occasion de porter un coup dur à la logique du profit et aux partisans de l’austérité.

Le mouvement étudiant et le mouvement ouvrier doivent unir leurs forces!

Les militants de la campagne des CUTE et les coalitions régionales pour la rémunération des stages de Montréal, de l’Outaouais et de Sherbrooke, revendiquent, à juste titre, la rémunération de tous les stages. Comme le réclame depuis longtemps le mouvement ouvrier, « à travail égal, salaire égal ». Ce qu’il faut maintenant, c’est préciser la revendication. Nous pensons que les stagiaires devraient non seulement être rémunérés, mais qu’ils devraient l’être au même salaire et avec les mêmes droits et avantages que les employés permanents. Tous les stagiaires devraient profiter de la représentation syndicale et des avantages qui y sont reliés.

La grève des stages est un bon début. Toutefois, les stagiaires qui feront grève sont dispersés entre de nombreux employeurs. De plus, l’histoire démontre que les grèves étudiantes ont un impact limité comparativement aux grèves ouvrières. Les travailleurs et travailleuses ont un pouvoir que les étudiants n’ont pas : celui de paralyser la production et les services, ce qui a des répercussions immédiates. Le mouvement pour la rémunération des stages doit donc activement s’orienter vers les travailleurs et les travailleuses et les entraîner dans la lutte. Cela peut commencer avec les syndiqués des entreprises accueillant des stagiaires. L’impact de la grève serait certainement décuplé si les collègues permanents des stagiaires débrayaient également.

Quelques efforts ont déjà été tentés à cet effet. Par exemple des militantes des CUTE ont récemment participé à une soirée de réflexion sur la rémunération des stages avec le Conseil central du Montréal métropolitain – CSN. Les efforts en ce sens devraient être accrus. Pour gagner l’appui des travailleurs, il est nécessaire d’aller à leur rencontre, sur leurs milieux de travail. Il faut expliquer que les stages non rémunérés sont une attaque contre tout le mouvement ouvrier. Le travail gratuit, en plus d’être une forme d’exploitation, nuit à l’ensemble de la classe ouvrière en dévalorisant le travail des employés rémunérés, ce qui exerce une pression à la baisse sur les salaires de tout le monde.

Beaucoup de travailleurs et de travailleuses ont eux aussi dû passer par le stress et l’exploitation des stages non rémunérés. Ils seraient certainement ouverts à appuyer activement le mouvement. De plus, les syndicats, en particulier ceux du secteur public, possèdent une riche tradition de luttes combatives. Comme exemples, on peut mentionner la grève illégale des infirmières de 1999 ou celle des professeurs de cégep lors du 1er mai 2015. La Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui regroupe 34 000 enseignants, a fait la grève pendant trois jours en décembre 2015 malgré le recul de la direction du Front commun intersyndical devant le gouvernement libéral. Ces exemples montrent le potentiel qui existe pour que le mouvement s’étende aux travailleurs salariés. Le mouvement disposerait ainsi d’une plus grande force de frappe et aurait bien plus de chance de parvenir à obtenir la rémunération de tous les stages.

La semaine de grève du 19 au 23 novembre fournit l’occasion pour les militantes et les militants de la lutte pour la rémunération des stages d’établir un plan de mobilisation pour aller chercher les travailleurs. Nous devrions établir une liste des assemblées générales ou rencontres syndicales où nous pouvons aller argumenter en faveur d’actions concrètes de solidarité avec les stagiaires pouvant aller jusqu’à la grève. Nous devrions établir des listes de milieux de travail employant des stagiaires où nous pouvons aller parler aux travailleurs et travailleuses et les inviter à rejoindre le mouvement.

Lors de la grève générale illimitée de 2012, l’augmentation des frais de scolarité universitaires pouvait aisément être présentée comme un enjeu concernant l’ensemble de la population étudiante et la mobilisation se faisait plus facilement.  La non-rémunération des stages ne concerne directement qu’une petite partie de cette population. La construction d’un rapport de force dépend encore plus qu’en 2012 de notre capacité à lier ouvertement cette lutte particulière à la lutte plus large contre l’austérité, contre la diminution des conditions de travail en général, et pour une véritable égalité entre les hommes et les femmes. Également, nous pourrons mobiliser davantage de gens en liant ce combat à la lutte contre le nouveau gouvernement de la CAQ. Une victoire des stagiaires représenterait une victoire pour tout le mouvement ouvrier et étudiant contre ce parti des patrons. Nous devons expliquer  comment les stages non rémunérés exercent une pression à la baisse sur les conditions de travail des travailleurs et des travailleuses en général. Nous devons expliquer qu’à l’origine de l’oppression et de l’exploitation des salariés et des stagiaires se trouvent le même cancer, le système capitaliste lui-même.

Pour la rémunération de tous les stages! Pour des salaires de syndiqués avec représentation syndicale!

À travail égal, salaire égal!

Pour une lutte commune du mouvement étudiant et du mouvement ouvrier contre ce gouvernement des patrons!