La dislocation de l’impérialisme français en Afrique de l’Ouest

Le 26 juillet, un coup d’État renversait le président nigérien Mohamed Bazoum. C’est le dernier en date d’une série de coups d’État dirigés contre des dirigeants pro-français – après le Mali, le Burkina Faso et la Guinée. L’impérialisme français est en train de perdre le contrôle de l’Afrique de l’Ouest.

  • marxiste.org
  • mer. 6 sept. 2023
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Cet article a été écrit avant le coup d’État au Gabon qui a eu lieu mercredi 30 août 2023.


Le 26 juillet, un coup d’État renversait le président nigérien Mohamed Bazoum. C’est le dernier en date d’une série de coups d’État dirigés contre des dirigeants pro-français – après le Mali, le Burkina Faso et la Guinée.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a immédiatement menacé le Niger d’une intervention militaire pour restaurer le président déchu. En retour, ces menaces ont provoqué des déclarations de solidarité avec le nouveau pouvoir de Niamey de la part des régimes putschistes du Burkina Faso et du Mali, qui bénéficient du soutien de la Russie. À l’heure où nous écrivons ces lignes, il est difficile de savoir si la menace brandie par la Cédéao va se concrétiser.

Une chose est certaine : l’impérialisme français est en train de perdre le contrôle de l’Afrique de l’Ouest. Le Niger était jusqu’alors un allié important de la France et des États-Unis dans la région. Mille cinq cents soldats français y sont stationnés, ainsi qu’une base aérienne américaine.

Oppression impérialiste

En mars 2008, l’ex-président français Jacques Chirac affirmait : « Sans l’Afrique, la France descendra au rang de puissance du tiers-monde. » En vertu de ce principe, la bourgeoisie française a maintenu un contrôle strict sur les pays d’Afrique francophone pour y défendre ses intérêts impérialistes. À cette fin, Paris a utilisé tous les moyens imaginables, depuis les pressions économiques jusqu’aux assassinats politiques en passant par les interventions militaires directes.

Les réserves monétaires de 14 pays africains ont été placées sous le contrôle direct de la Banque de France. Si l’obligation légale de placer leurs réserves à Paris a été officiellement abrogée par l’Assemblée nationale française, en 2020, la situation n’a pas véritablement changé. On estime que près de 500 milliards de dollars appartenant à des États africains sont toujours entre les mains de la Banque de France. Si ces États ont besoin de liquidités, ils sont souvent contraints d’emprunter leur propre argent à Paris.

Le gouvernement français verse des larmes de crocodile sur la violation de la « démocratie » par les putschistes du Niger. Pour être élu en 2021, Mohamed Bazoum, auparavant ministre de l’Intérieur, a dû faire rejeter la candidature de son principal opposant. Puis il a tellement bourré les urnes en sa faveur que, dans certains bureaux de vote, le taux de participation a dépassé 103%! Mais alors, Paris n’y trouvait rien à redire.

Au Tchad, Paris soutient le régime du putschiste Mahamat Idriss Déby, qui règne par la terreur et la répression. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. L’impérialisme français n’a aucun problème avec les dictateurs et les putschistes – dès lors qu’ils acceptent de lui prêter allégeance. Tout ceci explique le profond et croissant rejet de l’impérialisme français dans cette région de l’Afrique.

Une situation explosive

Les révolutions arabes de 2010-2015 ont eu un puissant impact en Afrique de l’Ouest. Les masses de la région ont commencé à se radicaliser. Au Nigéria, on a assisté au mouvement « Occupy Nigeria », qui était directement inspiré de la révolution égyptienne de 2011. En 2014, au Burkina Faso, une mobilisation de masse a renversé le dictateur Blaise Compaoré. Il y eut aussi des mouvements révolutionnaires au Togo, au Sénégal et au Gabon.

En 2011, l’intervention militaire de l’OTAN en Libye a achevé de déstabiliser la région. Des nuées de djihadistes se répandirent depuis la Libye vers le Sahel et l’Afrique de l’Ouest. Ils y furent suivis par les troupes de l’impérialisme français et de l’OTAN.

Le chaos de la guerre a accentué la radicalisation révolutionnaire des masses. Au Burkina Faso, dans le sillage de la mobilisation révolutionnaire de 2014, les massacres commis par les djihadistes ont provoqué l’apparition de structures d’autodéfense à l’initiative des masses. Malheureusement, en l’absence d’une direction révolutionnaire, la colère des masses n’a pas réussi à se cristalliser. Les militaires ont alors pu la canaliser à leur profit pour tenter de reprendre le contrôle de la situation.

C’est peu ou prou le même processus qui a mené aux coups d’État au Mali en 2020-2021 et plus récemment au Niger. Chaque fois, les militaires ont pu profiter de l’absence d’une organisation révolutionnaire pour tirer profit de la colère du peuple et se hisser au pouvoir. Ils se sont ensuite tournés vers la Russie pour obtenir un soutien diplomatique et un appui militaire. Au grand dam de Paris, l’hostilité de l’impérialisme français à ces nouveaux régimes a eu pour seul effet tangible d’élargir l’appui populaire dont ils bénéficient – à ce stade.

La radicalisation politique qui s’exprime de façon déformée à travers ces coups d’État ne pourra pas être éternellement contenue par des militaires opportunistes et qui n’offrent aucune alternative réelle. Seuls des partis dotés d’un programme, d’une stratégie et d’une direction révolutionnaires seront capables d’orienter la révolte des masses vers le renversement de l’impérialisme et du capitalisme dans toute l’Afrique de l’Ouest.