L’élection de Trump pour un second mandat a envoyé des ondes de choc à travers les parlements et les conseils d’administration partout dans le monde. Bien que le monde entier soit sur le point d’être secoué par le tremblement de terre Trump, le Canada, lié comme il l’est aux États-Unis, risque d’être ébranlé plus violemment que la plupart des autres pays.
Même avant l’élection de Trump, le Canada faisait face à un certain nombre de problèmes « internes » : de la baisse de la productivité à la dégradation des infrastructures, en passant par l’aggravation de la crise des surdoses. Son élection accélérera l’effondrement des fondations déjà fragiles du Canada – avec toutes les conséquences politiques et sociales que cela implique.
Le commerce
L’impact le plus important d’une présidence Trump sur le Canada concernera peut-être le commerce. Trump a déjà menacé d’imposer des droits de douane de 25% sur toutes les importations canadiennes si le gouvernement canadien échouait à « sécuriser » sa frontière avec les États-Unis contre « le fentanyl et tous les immigrants clandestins ».
Si mises en place, ces mesures auraient un impact dévastateur sur les exportations canadiennes, 77% desquelles sont destinées au marché américain – l’un des taux d’exportation les plus élevés au monde vers un seul pays. Selon certaines estimations, cela pourrait entraîner une baisse du PIB de 5% ou plus, ce qui plongerait le Canada dans une crise économique.
Le protectionnisme aux États-Unis n’est pas propre à Trump et à ses républicains. Obama et Biden ont tous deux imposé des droits de douane sur le bois d’œuvre canadien pendant leur mandat, ce qui a fait perdre plus de 9 milliards de dollars aux producteurs canadiens rien que depuis 2017. En ce qui concerne la Chine, Biden a maintenu la quasi-totalité des droits de douane introduits par Trump, et en a même renforcé certains.
Toutefois, en tant que fervent isolationniste, Trump est plus disposé que ses prédécesseurs à imposer des droits de douane sur tous les produits, y compris ceux provenant d’alliés des États-Unis comme le Canada. Trump a un jour qualifié le mot « tarif » de « plus beau mot du dictionnaire ». Ce n’est certainement pas le genre de choses que les exportateurs canadiens veulent entendre.
L’immigration et les dépenses militaires
La promesse de Trump d’expulser tous les immigrants en situation irrégulière aux États-Unis, estimés à environ 11 millions de personnes, est une autre source d’anxiété à Ottawa. Qu’il soit ou non en mesure de tenir sa promesse, il est à prévoir que de nombreuses personnes tenteront d’échapper à l’expulsion en traversant la frontière du nord pour se rendre au Canada. Une telle chose s’est déjà produite lorsque Trump a supprimé le statut de protection pour les réfugiés haïtiens en 2017.
En réponse, le gouvernement Trudeau s’est empressé de rassurer Trump sur leur « intérêt commun » à sécuriser la frontière contre les réfugiés, y compris ceux qui se dirigent du Canada vers les États-Unis. Le gouvernement a été rejoint par des personnalités comme le premier ministre du Québec, François Legault, et le syndicat représentant les gardes-frontières du Canada, qui ont demandé qu’un plus grand nombre de gardes soient déployés à la frontière et sur une zone plus étendue que celle qu’ils patrouillent actuellement. Le coût de ces mesures pour les contribuables n’a bien sûr pas été mentionné.
En comparaison, l’élite canadienne a très peu parlé de la cruauté inouïe des actions de Trump, qui menace de briser des familles et de déraciner ceux qui vivent et travaillent aux États-Unis depuis des années. Le message délivré est le suivant : « Vous voulez expulser 11 millions de personnes, d’accord, mais s’il vous plaît, ne les envoyez pas ici. » Tant pis pour #BienvenueAuCanada.
Les dépenses militaires du Canada deviendront également un point de discorde. Le Canada est désormais l’un des rares pays de l’OTAN à ne pas atteindre son objectif de dépenses de 2% du PIB, ce qui constitue une constante source d’irritation pour les États-Unis, et pour Trump en particulier.
Ces derniers jours, le ministre de la Défense, Bill Blair, a laissé entendre que le Canada devrait maintenant accélérer ses dépenses en matière de défense. Le Conseil canadien des affaires, un club de grandes entreprises canadiennes, est allé plus loin encore, suggérant que le Canada devrait viser à dépenser 3% de son PIB dans ses forces armées afin d’apaiser Trump.
Toutefois, même pour atteindre la cible des 2%, il faudrait dépenser environ 40 milliards de dollars par an, en plus de ce que le Canada consacre déjà à la défense. Cela ne pourrait se faire qu’en procédant à des coupes douloureuses dans des domaines tels que les soins de santé, les programmes sociaux et les dépenses d’infrastructure. Les répercussions sont tellement énormes que même Pierre Poilievre a évité de proposer un échéancier pour atteindre l’objectif de l’OTAN. Cependant, refuser de le faire risque d’attirer les foudres de Trump, qui est prêt à utiliser des droits de douane et d’autres mesures pour forcer le Canada à rentrer dans le rang.
Entre le marteau et l’enclume
L’élite canadienne aime se vanter de sa « relation spéciale » avec les États-Unis. Toutefois, cette relation a toujours été plus spéciale pour elle que pour ses homologues américains. À vrai dire, le Canada est une puissance mineure qui n’a pas les moyens économiques ou militaires de désobéir à ses maîtres américains. De plus, le Canada est une puissance en déclin rapide et ne peut même plus se vanter d’être le premier partenaire commercial des États-Unis (une place qui revient au Mexique depuis 2023). Plus que jamais, le Canada obéit aux États-Unis au doigt et à l’œil.
L’élection de Trump place la classe dirigeante canadienne entre le marteau et l’enclume. Si elle résiste aux mesures de Trump, elle s’expose à des représailles incalculables de la part du marché américain, beaucoup plus puissant, qui se traduiront par des fermetures d’usines, des licenciements et une récession. Si elle accepte les propositions de Trump, elle devra supprimer des dizaines de milliards de dollars de services indispensables pour les consacrer à l’armée et à la protection des frontières. L’état déjà désastreux de l’économie canadienne ne fait qu’amplifier les conséquences dans un sens ou dans l’autre. Quoi que la classe dirigeante canadienne fasse, cela sera désastreux, et des millions de personnes en souffriront.
Cependant, il y a encore une autre conséquence de ces développements : leur impact sur la conscience. L’état déjà désastreux de la vie au Canada a fait naître chez les gens ordinaires un sentiment de rage à l’égard des pouvoirs en place. La crise du capitalisme engendre inévitablement la lutte des classes, et Trump provoquera une accélération de ce phénomène.