Cet article est l’éditorial du dernier numéro du magazine de nos camarades américains, Socialist Revolution. Les processus décrits sont pratiquement les mêmes ici au Canada, surtout si l’on considère à quel point les Canadiens suivent la politique américaine. Ici aussi, des millions de travailleurs et de jeunes sont désillusionnés par l’incapacité des soi-disant « socialistes » du NPD et de Québec solidaire à remettre en question le statu quo capitaliste en faillite – et se tournent donc vers le communisme. 


Dans le numéro de février de Socialist Revolution, nous écrivions :

Les communistes arrivent en effet. Et ils arrivent, non pas pour réformer le capitalisme, mais pour l’abolir. Ils arrivent par un, par deux, par dizaines, par centaines et par milliers, façonnés par leur vécu dans ce système. La Tendance marxiste internationale s’efforce de les organiser et de les former à la théorie marxiste et aux méthodes bolcheviques. L’histoire est de notre côté et nous n’avons rien à cacher. Nous sommes fiers de rejeter le statu quo et de lutter pour un avenir meilleur pour l’humanité.

Quelques mois plus tard, après un été marqué par des catastrophes climatiques, une guerre impérialiste meurtrière, des grèves virulentes et une instabilité politique et économique croissante, la conscience s’est encore transformée. Toute une génération de jeunes travailleurs cherche désespérément un moyen de sortir de l’impasse. Désillusionnés par la lâcheté et les tergiversations des « socialistes » libéraux collaborationnistes de classe comme Bernie Sanders et AOC, des millions de personnes cherchent des solutions beaucoup plus radicales.

Des sondages récents ont révélé la profondeur et l’étendue de ce sentiment, 28% de la génération Z et 22% des milléniaux exprimant une opinion favorable du « communisme » et un plus grand nombre encore considérant le « marxisme » de manière positive, selon la Victims of Communism Memorial Foundation. Et selon l’Institut Fraser, 20% des 18-34 ans pensent que « le communisme est le système économique idéal ». Des commentateurs réactionnaires comme Sam Abodo, du Washington Examiner, déplorent que « les jeunes Américains qui voient le communisme d’un bon œil sont soit ignorants, soit sans cœur ». Il accuse un « raté pédagogique » d’être à l’origine de ces changements d’opinion. Mais la cause de ces tendances n’est pas un raté pédagogique, c’est l’échec du capitalisme.

Ces sondages ne sont pas simplement anecdotiques; ils révèlent une vision du monde en profonde transformation. Derrière ces pourcentages se cachent des millions de jeunes qui bouillonnent de mécontentement et se demandent en masse : « Est-ce vraiment tout ce que la vie a à offrir? » Trois ans après la défaite de Black Lives Matter, le désespoir désenchanté se transforme en rage de classe et en un désir brûlant de faire quelque chose. Pas de faire n’importe quoi, d’ailleurs, mais de renverser l’ordre établi, rien de moins.

La force de ces nouvelles forces réside dans leur nombre, leur combativité et leur volonté de briser tous les obstacles pour changer le monde. Cependant, si le capitalisme crée des communistes, l’expérience montre que la spontanéité et l’élan révolutionnaire ne suffisent pas, et que le manque d’organisation et de formation théorique peut être fatal face au pouvoir centralisé des capitalistes et de leur État.

Dans les années qui ont suivi la trahison de Bernie Sanders, les démagogues populistes de droite ont rempli le vide là où devrait se trouver une politique de classe combative. Cela a ses limites et la droite ne peut pas tenir ce terrain indéfiniment. Cependant, si une option bolchevique viable n’est pas construite dans la période à venir, des millions de personnes pourraient basculer vers le naufrage d’un « communisme » d’ultra-gauche. En devançant trop rapidement le reste de la classe, même une organisation de 100 000 personnes pourrait se retrouver isolée des masses et incapable de jouer le rôle de catalyseur révolutionnaire, ce qui aurait des conséquences désastreuses. La TMI vise à briser cette dynamique en organisant et en formant énergiquement des milliers de jeunes révolutionnaires aux idées et aux méthodes du communisme authentique. Si nous voulons canaliser toute cette énergie vers un changement révolutionnaire, nous devons nous présenter comme les critiques les plus audacieux du capitalisme, tout en proposant des solutions et une organisation révolutionnaires de lutte de classe.

Pour cela, nous avons besoin de clarté politique, en commençant par comprendre ce qu’est le communisme et ce qu’il n’est pas, ainsi que sa relation avec le socialisme. Bien que le socialisme soit devenu un courant à la mode ces dernières années, son contenu réel a été édulcoré, rendu insipide et vague par ceux qui pensent que le capitalisme peut être rafistolé et réformé sans abolir la propriété privée des moyens de production. Au lieu de cela, ils émoussent le fil du rasoir et brouillent les lignes de la collaboration de classe. À sa manière inimitable, Lénine fustigeait ces ennemis du socialisme authentique et de la lutte des classes :

La dialectique de l’histoire est telle que la victoire du marxisme en matière de théorie oblige ses ennemis à se déguiser en marxistes. Le libéralisme, pourri à l’intérieur, tente de reprendre vie sous la forme de l’opportunisme socialiste. La période de préparation des forces pour les grandes batailles, ils l’interprètent comme une renonciation à ces batailles. L’amélioration de la condition des esclaves en vue de la lutte contre l’esclavage salarié se fait, selon eux, au prix de l’abandon pour un sou, par les esclaves, de leur droit à la liberté. Ils prêchent lâchement la « paix sociale » (c’est-à-dire la paix avec l’esclavagisme), la renonciation à la lutte de classes, etc. Ils ont de nombreux partisans parmi les parlementaires socialistes, les différents fonctionnaires du mouvement ouvrier et les intellectuels « sympathisants ».

Comme Marx l’a expliqué, le socialisme n’est que la « première » phase ou la phase « inférieure » de la société communiste, la période de transition qui fait le lien entre le monde actuel du capitalisme et le communisme sans classe et sans État de l’avenir. Et comme l’a dit Trotsky dans ses commentaires sur le Manifeste du Parti communiste, le socialisme n’est qu’une « première phase » ou une « phase inférieure » de la société communiste :

« Une fois que, dans le cours du développement, les différences de classe ont disparu et que toute la production est concentrée aux mains des individus associés, le pouvoir public perd son caractère politique. » Autrement dit l’État dépérit. Il reste la société, libérée de sa camisole de force. C’est cela le socialisme. Le théorème inverse, la monstrueuse croissance de la contrainte d’État en U.R.S.S. démontre que la société s’éloigne du socialisme.

Contrairement à la fiction colportée par les réformistes pro-démocrates, le véritable socialisme ne consiste pas en une modeste redistribution dans les limites du capitalisme. Il est révolutionnaire et internationaliste et représente une rupture fondamentale avec les relations de propriété capitaliste et le statu quo. Alors que la propriété personnelle de la grande majorité ne sera pas touchée, l’épine dorsale de l’économie doit devenir propriété publique et être planifiée démocratiquement et rationnellement. C’est sur cette base que nous pourrons construire un monde où le principe directeur de la société sera « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ».

Ceux qui ont usurpé et détourné les termes « communiste » et « marxiste-léniniste » ajoutent à la confusion. Nous devons être clairs sur le fait que le stalinisme, sous ses différentes formes, était une aberration contre-révolutionnaire et une impasse historique ne menant qu’à la restauration du capitalisme. Le véritable communisme, c’est la libération humaine et la surabondance matérielle, et non les privilèges bureaucratiques, la terreur policière et la pénurie.

Heureusement, la plupart des jeunes générations ont dépassé cette ineptie et sont attirées par la véritable essence du communisme, et non par sa caricature totalitaire. Néanmoins, certains se font encore des illusions sur cette forme de collaboration de classe menchevique-libérale sous des vêtements radicaux, et ne comprennent pas vraiment les événements qui se sont produits après la mort de Lénine. Dans son exposé classique, « Bolchevisme contre stalinisme », écrit au plus fort des purges staliniennes, Trotsky a remis les pendules à l’heure au sujet de ces fossoyeurs de la révolution :

Certes, dans le sens formel, le stalinisme est sorti du bolchevisme. Aujourd’hui encore, la bureaucratie de Moscou continue à se nommer parti bolchevik. Elle utilise simplement la vieille étiquette du bolchevisme pour mieux tromper les masses. D’autant plus pitoyables sont les théoriciens qui prennent l’écorce pour le noyau, l’apparence pour la réalité. En identifiant stalinisme et bolchevisme, ils rendent le meilleur service aux thermidoriens et, par là, jouent un rôle manifestement réactionnaire. 

[…] L’épuration actuelle trace entre le bolchevisme et le stalinisme, non pas un simple trait de sang, mais tout un fleuve de sang. L’extermination de toute la vieille génération des bolcheviks, d’une partie importante de la génération intermédiaire qui avait participé à la guerre civile et aussi de la partie de la jeunesse qui avait repris le plus au sérieux les traditions bolchevistes, démontre l’incompatibilité, non seulement politique, mais aussi directement physique du stalinisme et du bolchevisme. Comment donc peut-on ne pas voir cela?

Quant au marxisme, il s’agit d’une vision révolutionnaire du monde qui analyse scientifiquement la nature et la société dans leur mouvement contradictoire, leur changement et leur développement. Être un véritable marxiste, c’est être un communiste révolutionnaire et un ennemi implacable de l’exploitation et de l’oppression sous toutes leurs formes. Cela signifie avoir confiance dans la classe ouvrière et dans son potentiel à transformer le monde. Le trotskisme n’est que la continuation du bolchevisme révolutionnaire et du communisme dans la période de l’entre-deux-guerres. Ce n’est pas un hasard si Trotski a été assassiné sur ordre de Staline, avec des milliers d’autres dirigeants et participants à la révolution d’octobre.

La TMI est fière de faire remonter sa lignée politique aux auteurs du Manifeste du parti communiste, en passant par Trotski et Lénine. La boucle de l’histoire s’est bouclée au cours des 175 années qui se sont écoulées depuis la publication de ce document fondateur, et ce à un niveau bien supérieur. Les conditions objectives de la révolution socialiste et du communisme sont non seulement mûres, mais pourrissent, et le facteur subjectif se développe rapidement. De tels moments historiques ne durent pas éternellement, et nous ne pouvons pas nous permettre de rater d’autres moments à la George Floyd. Alors que le rythme de l’histoire s’accélère, l’humanité s’approche de la croisée des chemins, et nous devons avoir un sentiment d’urgence! Heureusement, les communistes sont déjà là et nous vous invitons à rejoindre nos rangs.