
La présente constitue une ébauche de document adoptée par le comité central du Parti communiste révolutionnaire. Il présente nos perspectives politiques pour 2025, alors que le Canada est confronté à la crise la plus grave de son histoire moderne. L’objectif de ce document est de présenter les grandes lignes des processus politiques et économiques et le rôle crucial des communistes dans la lutte à venir.
Nous vous invitons à nous faire part de vos commentaires sur ce document afin de préparer la discussion lors de notre prochain congrès en mai 2025.
La classe dirigeante du Canada est au bord du précipice. L’ordre mondial d’après-guerre, qui a fourni un cadre stable à l’expansion capitaliste, est en train de s’effondrer. Le Canada, qui a longtemps été le partenaire de seconde zone de l’impérialisme américain, est frappé de plein fouet par cet effondrement. La position privilégiée dont le Canada a bénéficié sur l’échiquier mondial est menacée, ce qui aura de profondes répercussions sur la politique, l’économie et la lutte des classes.
La classe dirigeante, ayant retardé l’inévitable pendant des années, sera bientôt forcée de faire payer la classe ouvrière pour la crise. La question n’est pas de savoir si cela va arriver, mais quand.
Bien qu’il soit impossible de prédire chaque revirement dans la crise qui se déploie, la trajectoire générale est claire. Alors que les travailleurs subissent les effets dévastateurs de l’effondrement du système, les partis politiques existants et leurs dirigeants seront mis à l’épreuve. Et l’un après l’autre, ils se révèleront incapables d’offrir de réelles solutions. À travers ce processus de lutte et de désillusion, la classe ouvrière fera son chemin jusqu’au communisme.
Parmi les millions de travailleurs qui seront radicalisés par la crise, une nouvelle génération de combattants révolutionnaires émergera. Le Parti communiste révolutionnaire vise à faire de ces combattants une avant-garde disciplinée, capable de mener la classe ouvrière à la victoire dans les luttes révolutionnaires à venir. C’est seulement à travers un tel parti, un parti qui repose sur les piliers inébranlables de la théorie marxiste, que la classe ouvrière parviendra à réaliser sa mission historique : le renversement du capitalisme et la mise en place d’une société socialiste.
La désintégration de l’ordre d’après-guerre
Les États-Unis ont émergé de la Deuxième Guerre mondiale en tant que superpuissance capitaliste incontestée imposant sa volonté sur l’économie mondiale. Cela a permis au capitalisme de temporairement et partiellement surmonter l’une des barrières au développement des forces productives : l’État-nation. Les barrières protectionnistes au commerce ont été démantelées, et les forces productives se sont développées rapidement.
Le Canada, en tant que partenaire de seconde zone des États-Unis, en a énormément profité. L’investissement étranger a afflué, révolutionnant la production et stimulant la productivité du travail. Les compagnies canadiennes ont bénéficié d’un accès au plus grand marché de consommation au monde.
Mais les relations mondiales ne sont pas statiques. Lorsque l’URSS s’est effondrée et que la Chine a été intégrée au système capitaliste, cela a créé une dynamique qui a bouleversé la domination américaine. La part du PIB mondial des États-Unis est passée de 40% en 1960 à 26% aujourd’hui, tandis que celle de la Chine a augmenté de 4% à 20%.
Bien que les États-Unis soient encore la puissance dominante, leur puissance montre ses limites et ils ne peuvent plus s’imposer dans le monde comme ils l’ont déjà fait. Cela érode tout l’ordre d’après-guerre alors que la Chine défie les États-Unis pour la domination économique et que diverses puissances moyennes oscillent entre les deux.
Le protectionnisme est en hausse partout et les États-Unis, qui étaient autrefois les champions du libre-échange, imposent des tarifs à leurs principaux partenaires commerciaux. Face à eux, le Canada ne fait pas le poids.
Le déclin du capitalisme canadien
Alors que toutes les puissances occidentales sont en déclin relatif, le déclin du Canada a été particulièrement brusque. La part du PIB mondial du Canada a diminué, passant de 2,9% en 1985 à à peine 2% aujourd’hui. En 2002, le PIB par habitant au Canada était 8,6% au-dessus de la moyenne de l’OCDE; aujourd’hui, il est sous la moyenne. Depuis 2014, la croissance du PIB par habitant au Canada est en moyenne de 0,6%, soit le troisième pire score parmi les pays de l’OCDE.

La pandémie de COVID-19 a exacerbé ces tendances. La reprise économique du Canada a été la cinquième plus faible dans l’OCDE, et le pays s’apprête à être rattrapé par le Royaume-Uni, malgré les difficultés de ce dernier avec le Brexit. À ce rythme, le Canada sera bon dernier d’ici une décennie.

La productivité du travail a également décliné, démontrant que ce déclin n’est pas simplement relatif, mais absolu. Depuis 2019, les secteurs de production de biens ont connu un déclin annuel de 1,5% en productivité, avec la productivité de la construction à son taux le plus bas en 30 ans. Alors que le Canada était la 6e économie la plus productive de l’OCDE en 1970, aujourd’hui il est 18e et continue de tomber.

La position privilégiée du Canada dans l’économie mondiale en tant qu’annexe de l’économie des États-Unis est maintenant devenue une faiblesse importante. Une grande part de capital a fui vers le marché américain, attirée par la faible densité syndicale, le peu de droits accordés aux travailleurs et les faibles impôts sur les entreprises. L’investissement en capital a fui le marché canadien : en 2023, 881 milliards de dollars de plus que ce qui y a été investi ont quitté l’économie.

En conséquence, l’investissement en capital par travailleur au Canada est passé de 79 cents pour chaque dollar investi par travailleur aux États-Unis en 2014, à seulement 55 cents en 2021. Cela place le Canada loin derrière la moyenne de l’OCDE, qui se situe à environ 66 cents par dollar. Ce qui est encore plus frappant est le déclin de l’investissement en capital non résidentiel par travailleur disponible, qui a plafonné au dernier trimestre de 2015. En date du deuxième trimestre de 2024, chaque catégorie d’investissement en capital avait chuté sous les taux de 2015.

Historiquement, le capitalisme a joué un rôle progressiste en poussant la bourgeoisie, à travers la concurrence, à réinvestir la survaleur dans la production. Cette dynamique a mené à une révolution constante des forces productives, augmentant dramatiquement la productivité du travail.
Toutefois, comme on peut le voir au Canada aujourd’hui, ce processus n’a pas seulement atteint un plateau; il recule. Cela démontre la faillite du système capitaliste. Comme Marx l’a expliqué il y a longtemps, tout système qui ne parvient pas à développer les forces productives entre dans une période de déclin terminal qui a des répercussions dans tous les aspects de la société, et qui finit par un renversement révolutionnaire du système.
Et nous voyons les premiers stades de ce processus se développer sous nos yeux. La qualité de vie chute, les services sociaux sont dysfonctionnels et les infrastructures tombent en ruines. C’est la classe ouvrière qui va souffrir de ce déclin du capitalisme canadien. Le résultat en sera la lutte des classes et, oui, des explosions révolutionnaires à un certain moment.
Trump et la guerre commerciale
Voilà le contexte dans lequel Donald Trump a été réélu au sud de la frontière. Ayant remporté une victoire retentissante, Trump est plus enhardi que jamais à rétablir la gloire de l’impérialisme américain. Toutefois, son approche marque un revirement prononcé par rapport aux stratégies précédentes des États-Unis en matière de politique étrangère.
Alors que Biden tentait désespérément de s’accrocher à l’empire américain outremer, la logique des déclarations grandiloquentes de Trump – prises dans leur ensemble – est d’abandonner les aventures militaires couteuses en terres éloignées et plutôt de consolider la puissance des États-Unis dans leur périphérie. Cela explique les commentaires provocateurs de Trump à propos du Canada, du Groenland, du Mexique et du canal de Panama. Si le Canada a évité le pire du premier mandat de Trump, il se trouve maintenant dans la ligne de mire de son programme protectionniste.
Trump est prêt à utiliser la puissance économique des États-Unis pour exporter les effets négatifs de la crise de surproduction chez ses voisins. Les conséquences pour le Canada, soit à travers l’annexion, l’assujettissement économique, ou les tarifs punitifs, seront catastrophiques. La classe dirigeante canadienne, habituée à son partenariat avec l’impérialisme américain, fait maintenant face à une crise existentielle.
Pour Trump, le Canada n’est pas un allié choyé ni un partenaire dans une « relation spéciale ». C’est simplement un autre pays à la remorque de la « grandeur » américaine. Il voit le déficit commercial avec le Canada comme une « subvention » aux industries canadiennes et il est déterminé à le renverser. Pour y arriver, il a provoqué une guerre commerciale entre deux des économies les plus interreliées dans le monde.
Des secteurs clés comme le pétrole, l’automobile et les produits du papier dépendent fortement du commerce à travers la frontière, avec des biens qui traversent souvent plusieurs fois en cours de production. Les conséquences économiques d’une guerre commerciale auront ainsi un effet domino dévastateur, perturbant les chaînes d’approvisionnement et paralysant les industries des deux côtés de la frontière.
Toutefois, ce n’est pas une relation entre égaux. Le Canada dépend beaucoup plus des États-Unis que l’inverse. Un ahurissant 77% du total des exportations canadiennes va vers les États-Unis, alors que 63% des importations proviennent des États-Unis. En comparaison, le Canada est la destination de seulement 17% des exportations américaines et les importations canadiennes représentent 13,5% de toutes les importations aux États-Unis. Certaines industries sont encore plus vulnérables : 93% des exportations automobiles du Canada et 87% de la production du pétrole sont destinés au marché américain. Les tarifs dans ces secteurs vont mener à un effondrement économique et à des licenciements collectifs.
C’est l’essence du protectionnisme : exporter le chômage et déplacer le fardeau de la crise économique sur d’autres pays. Trump a été très explicite dans ses intentions, déclarant que les emplois dans le domaine de la production automobile au Canada devraient déménager à Détroit.
Mais pour quiconque pense que les travailleurs de part ou d’autre de la frontière vont réellement bénéficier des tarifs (ou des contre-tarifs), l’histoire montre que c’est tout le contraire.
La grande époque du protectionnisme – les années 30 – s’est ouverte suite à l’effondrement du marché boursier en 1929. En tentant d’exporter les effets de la crise à d’autres pays, la classe dirigeante de chaque nation a appliqué des mesures protectionnistes. Aux États-Unis, la loi Hawley-Smoot a augmenté les tarifs sur les produits agricoles et industriels. L’objectif prétendu était de protéger les entreprises américaines et les fermiers, et cela aurait fonctionné si ça n’avait été du problème qu’aucun État capitaliste ne va permettre que son commerce soit sanctionné sans répliquer. Les partenaires commerciaux des États-Unis à l’époque, le Canada en tête, ont adopté leurs propres contre-tarifs, ce qui a transformé le krach boursier de 1929 en Grande Dépression.
À son apogée en 1933, le chômage atteignait 30% au Canada et 20% aux États-Unis. Il est facile de constater que ces mesures n’ont pas « protégé les emplois ». Cette guerre commerciale risque de déclencher une situation similaire aujourd’hui; une série de récriminations réciproques où les travailleurs seront ceux qui souffriront le plus.
Le protectionnisme pourrait aussi aggraver l’inflation. C’est parce que cela va créer une situation où des biens produits moins efficacement localement vont remplacer les biens produits plus efficacement à l’étranger. Alors que Trump continue à prétendre que les tarifs ne feront pas augmenter l’inflation, la seule façon pour que cela se produise serait qu’il y ait un effondrement économique similaire à la Grande Dépression. Cela créerait une dynamique déflationnaire due au fait que les travailleurs sont si pauvres qu’ils ne peuvent rien acheter. Les deux scénarios vont à l’encontre des promesses de Trump de faire baisser le coût de la vie et de déclencher un nouvel âge d’or du capitalisme américain.
Lignes de fracture dans la fédération canadienne
La rhétorique agressive et les politiques protectionnistes de Trump ont mis en lumière de profondes lignes de fracture au sein de la fédération canadienne. Elles prennent racine dans le développement historique du Canada en tant qu’État-nation.
Comme Marx l’a décrit dans le Manifeste du Parti communiste, historiquement, la bourgeoisie a centralisé les moyens de production, ce qui a mené à la centralisation politique. Les fiefs disparates et les provinces ont été liés au sein d’un seul marché national. Ce fut un progrès historique, puisque cela agrandissait le territoire au sein duquel les forces productives pouvaient se développer sans entraves..
Toutefois, le Canada n’a jamais réalisé de révolution bourgeoise comme aux États-Unis. Lorsque les États-Unis ont obtenu leur indépendance de la Grande-Bretagne, cela a déchaîné le développement des forces productives. Au contraire, le Canada a évolué plus graduellement dans le cadre de l’Empire britannique, devenant une confédération seulement en 1867. Cela a mené à un développement inégal et tardif, avec un provincialisme marqué. Aujourd’hui, il y a davantage d’entraves au commerce au sein de l’État canadien qu’entre les États européens.
La proximité des États-Unis a exacerbé ce développement. Étant pratiquement des annexes des États-Unis, chacune des provinces est plus intégrée économiquement aux États-Unis qu’elles ne le sont les unes avec les autres. Bien qu’il y ait « un seul intérêt national de classe » comme Marx l’a décrit dans le Manifeste, les capitalistes de chaque province priorisent par moments leurs propres besoins étroits aux dépens de ceux de la classe dirigeante dans son ensemble. Ces forces centrifuges ont été dévoilées au grand jour avec la réponse aux menaces de Trump.
Les provinces, étant dépendantes de leurs propres relations commerciales avec les États-Unis, ont répondu différemment à la menace des tarifs, souvent en opposition les unes avec les autres. Par exemple, l’Alberta, qui dépend fortement des exportations de pétrole, a cherché à protéger son secteur énergétique en se rapprochant de Trump, la première ministre Danielle Smith allant même jusqu’à le visiter à Mar-a-Lago. De son côté, l’Ontario, avec son économie manufacturière, a prôné une approche de confrontation, craignant la perte d’emplois dans l’industrie automobile au profit des États-Unis.
Ce provincialisme n’est rien de nouveau, mais les tarifs de Trump l’ont intensifié, révélant la fragilité de la fédération canadienne. Alors que la pression économique monte, les lignes de fracture dans la fédération s’approfondissent, ce qui a le potentiel de mener à une crise de l’unité nationale.
Pour le moment, la dislocation du pays ou l’annexion aux États-Unis semblent impossibles. Toutefois, tout peut changer sur la base d’une désintégration économique générale. Même si la tendance centripète à s’unir contre la menace extérieure domine, les tendances centrifuges ont une forte base économique et pourraient s’exprimer si les provinces sentent que l’état fédéral ne protège pas leurs intérêts.
L’hypocrisie du nationalisme canadien
Mais les capitalistes de chaque province, même s’ils protègent férocement leurs industries et leur marché, sont en réalité trop faibles et trop petits pour se tailler une place sur la scène mondiale, pris de façon individuelle. De plus, ils ne contrôlent pas les politiques tarifaires et commerciales qui sont du ressort du gouvernement fédéral. Alors, bien que les capitalistes provinciaux puissent s’opposer à cause de leurs intérêts régionaux respectifs, ils ont finalement besoin d’un gouvernement central fort pour défendre leurs intérêts collectifs contre les menaces extérieures comme les politiques protectionnistes de Trump.
Face aux tarifs de Trump, les bourgeois canadiens se démènent pour « diversifier » leurs partenaires commerciaux. Il est même question d’éliminer les barrières commerciales internes – ce qui signifie que la pression externe imposée par Donald Trump pourrait forcer le Canada à accomplir l’une de ses tâches non complétées de la révolution bourgeoise, soit la création d’un marché national uni. Le fait que l’une des tâches centrales de la révolution démocratique bourgeoise puisse s’accomplir de telle manière démontre l’étroitesse d’esprit de la bourgeoisie canadienne.
De façon prévisible, la situation a mené à un renouveau du sentiment nationaliste canadien, alors que la proportion de la population se disant fière d’être canadienne est passée de 58% à 67%. On a pu l’observer anecdotiquement lors des parties de hockey où l’hymne national américain a été hué à répétition. Cela se voit également avec la popularité de l’idée d’« acheter canadien ». Beaucoup de gens ont même annulé leurs projets de voyage aux États-Unis.
Les libéraux ont fait une remontée miraculeuse dans les sondages, réussissant à se positionner comme le véritable parti nationaliste canadien. Alors que les conservateurs menaient largement dans les sondages avant cela, le fait que Poilievre ait copié de nombreux éléments de discours de Trump et qu’il ait même reçu le soutien d’Elon Musk en ligne ne l’a pas aidé.
Un autre facteur qui a contribué à la remontée des libéraux est que, historiquement, de nombreux Canadiens plus âgés considèrent que le Parti conservateur est plus pro-américain et favorable à une intégration plus étroite avec les États-Unis. Par exemple, les conservateurs de Mulroney ont fait adhérer le Canada à l’ALENA dans les années 1980, alors que les libéraux s’y opposaient à l’époque. Les libéraux de Chrétien ont également refusé de participer à l’invasion de l’Irak, alors que les conservateurs de Harper y étaient favorables. Tous ces éléments ont contribué à ce que les libéraux soient considérés comme le principal parti nationaliste canadien.
Sur toute l’étendue du spectre politique, on prêche l’unité contre la menace extérieure. Les libéraux et les conservateurs sont rejoints par le NPD et les dirigeants syndicaux; ils unissent leurs voix au sein de ce qu’ils appellent « l’Équipe Canada ».
Quelques éléments sont en jeu ici. D’une part, les travailleurs canadiens ont des craintes réelles de perdre leur emploi ou de voir les pires éléments du capitalisme américain arriver au Canada, comme la santé privée. Mais d’autre part, ce sentiment est cyniquement utilisé par la classe dirigeante pour rallier la population derrière ses propres intérêts étroits. C’est le rôle des communistes de révéler cette supercherie.
Pour commencer, nous devons souligner l’hypocrisie crasse de ces politiciens qui prétendent se soucier de la classe ouvrière. Par exemple, alors que Justin Trudeau prétend défendre les travailleurs canadiens, un coup d’œil sur l’historique de son gouvernement démontre le contraire. Si l’on regarde seulement en 2024, Trudeau a retiré le droit de grève des travailleurs du rail, des débardeurs de Montréal et de Vancouver, et des employés de la poste – le tout sans débat ni vote au parlement! Alors que les libéraux se plaisent à dire que Trump est un dictateur, ils n’hésitent pas à utiliser de telles mesures anti-démocratiques contre le mouvement ouvrier.
Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, est tout aussi hypocrite. Il a fait parler de lui en portant une casquette de style MAGA arborant les mots « Canada is not for sale », le Canada n’est pas à vendre. Mais pour quelqu’un qui a été pris en flagrant délit à vendre des sections de la Ceinture de verdure de l’Ontario à ses amis investisseurs immobiliers et qui a privatisé les chirurgies dans la province, l’ironie et l’hypocrisie ne pourraient être plus frappantes. Oui, le Canada est à vendre, et Ford a déjà commencé à le faire!
La même hypocrisie peut s’observer au Québec. Le premier ministre François Legault répète à qui mieux mieux qu’il va « défendre le Québec ». Mais il s’est rangé du côté d’une entreprise américaine, ABI, contre un syndicat québécois lorsque l’entreprise les a mis en lockout pendant 18 mois. Cette année, le gouvernement de la CAQ a essayé de forcer Blainville à vendre une grande partie de la ville à une entreprise de traitement des déchets toxiques américaine. Le Québec est lui aussi clairement à vendre.
Derrière les déclarations floues à propos de « défendre le pays » ou de « s’unir » se cachent les intérêts de la classe dirigeante. Il est assez facile de le démontrer avec quelques exemples. Par exemple, les contre-tarifs bénéficient d’un large soutien, mais ceux-ci n’ont rien à voir avec la protection des emplois. Il s’agit simplement d’une mesure utilisée par l’État canadien pour protéger le marché et les profits des capitalistes.
De plus, les entreprises qui ont traditionnellement bénéficié le plus des protections de l’État sont parmi les monopoles privés les plus importants et les plus rapaces au pays. Plus spécifiquement, des protections sont en place pour protéger les télécommunications (Bell, Telus, Rogers et Vidéotron), les compagnies aériennes (Air Canada) et les banques (RBC, TD, CIBC, BMO et Banque Scotia).
Mais les télécommunications au Canada sont un véritable racket et c’est évident quand on se penche sur les forfaits mobiles. En 2023, les Canadiens payaient en moyenne 7,36 dollars par gigaoctet (Go) de données mobiles. C’est 26 fois plus cher qu’en France par exemple, où le prix médian est de 0,28 dollar par Go.
C’est que l’État canadien protège le marché canadien contre les géants de la télécommunication comme Verizon, qui a 146 millions d’usagers – presque quatre fois la population du Canada. Alors que Rogers et Bell ont fait tout en leur pouvoir pour s’assurer que Verizon n’entre pas dans le marché canadien, il est clair que ces mesures ne profitent pas aux consommateurs ni aux travailleurs canadiens. Elles servent à protéger leur monopole et leurs prix démesurés.
De la même manière, les banques canadiennes sont protégées de la concurrence des banques américaines. Les médias et le gouvernement ont accusé Trump de mentir lorsqu’il déclare que « le Canada ne permet même pas aux banques américaines d’y faire affaire ». Mais il y a un élément de vérité dans ce qu’il avance. Les banques étrangères peuvent seulement opérer au Canada par le biais d’une filiale – qui ne peut pas utiliser de capitaux étrangers pour fonctionner – ou d’une « succursale » – qui ne peut pas accepter de dépôts de moins de 150 000 dollars. Il s’agit manifestement d’un obstacle majeur qui protège le monopole des cinq grandes banques dans le domaine des services bancaires aux consommateurs.
Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi ces règles strictes sont en place. La plus grande banque du Canada est la RBC avec 159 milliards de dollars de capitalisation boursière. Ce n’est rien en comparaison avec JPMorgan Chase, la plus grande banque américaine, qui a 773 milliards de dollars de capitalisation boursière – 4 fois celle de la RBC! Alors, les capitalistes canadiens, comme toute classe dirigeante, utilisent l’État pour se protéger contre le mastodonte au sud.
Mais ils ne le font pas pour notre bien. En fait, comme avec les télécommunications, les cinq grandes banques canadiennes opèrent essentiellement un racket dont elles contrôlent 90% du marché. Cela leur permet de facturer parmi les plus hauts frais bancaires au monde. Une étude a comparé les frais bancaires entre le Canada et le Royaume-Uni et a démontré qu’en 2022 les banques canadiennes avaient facturé près de 8 milliards de dollars en frais excédentaires!
Les contre-tarifs jouent ultimement le même rôle que les autres mesures mises en place pour protéger les entreprises canadiennes. Elles ne servent pas nos intérêts et les travailleurs ne tirent aucun bénéfice des tarifs ou du protectionnisme, quelle que soit sa forme.
Certains diront que des tarifs sont nécessaires pour protéger la part du marché des entreprises canadiennes afin qu’elles puissent continuer leurs opérations et que dans ce sens, cela protège les emplois. Le problème avec cette idée est qu’une fois que le protectionnisme a commencé, il est difficile d’y mettre fin. Les tarifs provoquent des contre-tarifs, chaque pays tentant de se protéger. Cela peut assez facilement mener à une récession économique générale comme celle qui a eu lieu dans les années 1930.
L’ennemi principal de la classe ouvrière n’est pas Donald Trump, c’est la classe capitaliste canadienne. Donald Trump est un ennemi, mais on ne peut compter sur la classe capitaliste canadienne pour défendre nos intérêts. Elle ne se préoccupe que de ses propres intérêts restreints et va sacrifier les travailleurs à la première occasion.
Récemment, l’ancien premier ministre Stephen Harper a parlé franchement lorsqu’il a dit : « Si j’étais encore premier ministre, je serais prêt à appauvrir le pays et à ne pas être annexé, si c’était le choix auquel nous étions confrontés […]. J’accepterais n’importe quel degré de dommages pour préserver l’indépendance du pays. »
Voilà l’opinion franche de la classe capitaliste. Ces capitalistes si patriotiques sont prêts à tout pour protéger leurs profits. Ils vont forcer les travailleurs à porter le fardeau de la crise par des licenciements collectifs, des fermetures d’usines et des coupes dans les pensions et les programmes sociaux.
Comme disait Marx, les travailleurs n’ont pas de patrie. La solution n’est pas de nous unir avec « nos » capitalistes, qu’ils soient canadiens, albertains, québécois, ontariens, etc. On ne peut pas faire confiance à notre classe dirigeante ni à une quelconque aile provinciale de cette classe dirigeante.
Le Canada n’est pas une pauvre nation opprimée, dominée par l’impérialisme. Ainsi, les appels à « défendre la souveraineté canadienne » n’ont aucun contenu progressiste et reviennent à soutenir les barons voleurs impérialistes de notre côté de la frontière.
Le Canada a été l’un des plus fidèles alliés dans l’alliance impérialiste la plus réactionnaire que le monde ait jamais connue. Ce n’est pas parce que le maître porte des coups à son complice qu’on doit apporter notre aide à ce dernier.
Dans le contexte actuel, les communistes ont pour tâche d’avancer une analyse et une approche de classe internationaliste. Les travailleurs des États-Unis, du Mexique, du Canada et du Québec ont intérêt à s’unir contre leurs classes dirigeantes. L’histoire de nos classes ouvrières est profondément liée. Nous devons dénoncer toute tentative de rallier les travailleurs à « leurs » exploiteurs.
Un gouvernement de crise
Un nouveau gouvernement fédéral sera formé cette année et qu’il s’agisse de Mark Carney ou de Pierre Poilievre, on peut facilement affirmer que ce sera un gouvernement de crise.
L’ordre d’après-guerre s’écroule sous nos yeux, et avec lui, le prétendu « modèle canadien » – le capitalisme à visage humain – est insoutenable. Alors que les politiciens évitent la question, ils seront bientôt forcés de faire face à la réalité. Le capitalisme canadien ne peut plus progresser comme il l’a fait par le passé. Les réformes obtenues à la dure dans la période de l’après-guerre sont sur la sellette. La classe dirigeante a besoin de transformer le pays en un bar ouvert pour le capital si elle veut demeurer concurrentielle sur le marché mondial.
L’ampleur de la crise à laquelle la classe dirigeante canadienne fait face devient rapidement apparente si l’on examine le budget fédéral de 2024. Le gouvernement enregistre des revenus de 459,5 milliards de dollars et des dépenses de 521,4 milliards, ce qui entraîne un déficit ahurissant de près de 61,9 milliards. En même temps, 46,5 milliards ont été dépensés simplement pour couvrir les intérêts de la dette gouvernementale – un chiffre qui s’élèvera à 52,1 milliards de dollars en 2025.
Poilièvre a dit qu’il éliminerait le déficit « aussi tôt que possible ». Mark Carney s’est engagé à éliminer le déficit d’ici 2028. Mais la question demeure : comment vont-ils y arriver?
Les dépenses militaires, qui s’élèvent aujourd’hui à 44,1 milliards de dollars, s’apprêtent à monter en flèche sous la pression de l’impérialisme américain. Atteindre les cibles de l’OTAN d’ici 2032 nécessiterait de doubler ces chiffres à 82 milliards de dollars annuellement. Pourtant Carney et le ministre de la Défense Bill Blair proposent des cibles encore plus agressives, avec Carney qui suggère 2030 et Blair qui suggère que cela pourrait être fait d’ici 2027.
Le Conseil canadien des affaires, qui représente l’élite économique de la nation, est allé plus loin, plaidant pour une cible de 3% du PIB, ce qui équivaut à un ahurissant 120 milliards de dollars par année, ou près d’un quart du budget fédéral en entier!
Cela signifie qu’en plus d’éliminer le déficit, le gouvernement aura besoin de trouver des dizaines de milliards de plus pour financer cette ambition militaire. Un simple calcul mathématique montre que cela représente un trou de plus de 100 milliards de dollars.
Les subventions aux entreprises, qui totalisaient 40 milliards de dollars en 2024, vont aussi vraisemblablement augmenter alors que la guerre commerciale s’intensifie. Le Programme d’aide au commerce extérieur de 5 milliards de dollars du gouvernement libéral n’est que le début de ce qui va sans aucun doute devenir une source abondante de cadeaux aux grandes entreprises.
Mais bien sûr, les dépenses pour la GRC (20 milliards de dollars) et pour la sécurité à la frontière (3 milliards de dollars) restent sacrées et intouchables pour la classe dirigeante et pourraient même augmenter sous la pression de Trump.
Alors où le couperet tombera-t-il? À la fois Carney et Poilièvre ont vaguement mentionné vouloir « éliminer les dépenses inutiles » et « couper dans la bureaucratie ». Mais le plan de Poilièvre d’éliminer 17 000 emplois fédéraux ne sauverait qu’un maigre 2 milliards, un rien. Les coupes à Radio-Canada qu’il réclame bruyamment n’économiseraient que 1,4 milliard de dollars. Ces mesures ne sont qu’un écran de fumée qui sert à détourner notre attention des coupes importantes dans les programmes sociaux qui approchent.
Les transferts fédéraux en santé et en éducation, qui totalisent 140 milliards de dollars, et l’assurance chômage, à 20 milliards, représentent 35% des dépenses gouvernementales. De plus, le gouvernement fédéral a dépensé 81 milliards de dollars dans la Sécurité de la vieillesse en 2024. Tôt ou tard, ces programmes vont y passer.
En même temps, les deux candidats se sont engagés à éliminer la taxe carbone et à annuler l’augmentation de la taxe sur les gains en capital promise par Trudeau. Cette dernière devait rapporter près de 20 milliards de dollars sur cinq ans et la taxe carbone a rapporté 32 milliards en cinq ans. Le revenu de l’impôt sur les sociétés, qui s’élevait à 82 milliards de dollars en 2024 seulement, est aussi menacé : sous la pression des baisses d’impôts de Trump aux États-Unis, le Canada pourrait se voir forcé de faire la même chose.
Le résultat est un cocktail explosif : une récession économique imminente et une pression de plus en plus forte pour augmenter les dépenses militaires, donner des subventions aux entreprises et couper les impôts des entreprises. Le gouvernement sera forcé de couper les programmes sociaux et mettra la hache dans les emplois du secteur public. Cela, combiné aux licenciements collectifs dans le secteur privé en raison de la récession économique entraînée par la guerre commerciale, prépare une explosion de la lutte des classes.
Il faut se préparer à la guerre des classes
Analysant sobrement la situation, le gouverneur de la Banque du Canada Tiff Macklem a affirmé qu’« une nouvelle crise est à l’horizon ». Et il n’a pas tort. Étant donné la fragilité de l’économie canadienne, la guerre commerciale – ou même simplement sa menace continue – aura des effets désastreux. En réponse, plusieurs entreprises envisagent de déménager au sud de la frontière pour éviter les tarifs et garder leurs liens avec le marché américain.
Par exemple, Allied Gold Corporation a déposé une demande pour être cotée à la Bourse de New York. Le géant du commerce électronique Shopify vient de transférer son siège social principal à New York. Mark Bristow, le PDG de Barrick Gold, l’une des plus grandes entreprises minières dans le monde, a dit qu’il envisageait de déménager son siège social aux États-Unis, citant directement les politiques de Trump comme l’une des raisons.
Tout cela arrive après que l’entreprise de camionnage basée à Montréal, TFI International Inc., la plus grosse entreprise de camionnage au Canada, ait annoncé qu’elle allait déménager son siège social, avant d’être forcée de reculer en raison des réactions négatives. Il est aussi intéressant de noter que Brookfield Asset Management Inc., dont le chef du Parti libéral Mark Carney a déjà été le président, a décidé de déménager son siège social de Toronto à New York juste l’an dernier.
Jusqu’à 56% des entreprises sondées ont déclaré qu’elles procéderaient à des licenciements si les tarifs étaient appliqués.
Et les licenciements ont déjà commencé. Des centaines d’emplois ont été supprimés par le Groupe Transformation des Métaux Canada dans ses usines du Québec et de l’Ontario. Meubles South Shore, au Québec, a supprimé 115 emplois, tandis que Sheertex a licencié 40% de ses 350 employés. Le fabricant de meubles Prepac Manufacturing Ltd. a fermé l’une de ses usines, supprimant 170 emplois, en invoquant directement « les changements dans l’environnement économique ».
Toutefois, le licenciement le plus important à ce jour est la liquidation de la Compagnie de la Baie d’Hudson, une institution de 355 ans, qui a cité la guerre commerciale comme l’une des raisons qui l’ont poussée à mettre la clé sous la porte après un long déclin. Cela représente 9500 emplois perdus.
Selon la Banque Toronto-Dominion, « C’est devenu une crise existentielle pour le Canada alors qu’il s’agit probablement seulement du début de la migration vers le sud ». Cette situation signifiera des pertes d’emplois massives.
On ne saurait trop insister sur la gravité de cette crise économique, dont les conséquences seront considérables.
Le programme communiste pour combattre la crise
Si 40% des travailleurs au Canada ont peur de perdre leur emploi, le gouvernement canadien s’intéresse d’abord à protéger les profits des entreprises.
Les libéraux ont déroulé le tapis rouge pour les entreprises. En février, ils ont annoncé le Programme d’aide au commerce extérieur, qui représente 5 milliards de dollars de prêts à faible coût et de subventions pour aider les exportateurs. En mars, ils ont ajouté un autre 1,5 milliards de dollars pour soutenir les entreprises et exploitations agricoles canadiennes affectées négativement par la guerre commerciale. Au total, ça fait déjà 6,5 milliards de dollars pour les patrons!
Ils ont aussi temporairement modifié le Programme de travail partagé, ce qui permettra aux entreprises d’obtenir qu’une partie de leurs salaires soit payée par l’Assurance emploi. Mais il ne s’agit pas d’une réelle solution quand des industries entières sont menacées.
Il est urgent que le mouvement ouvrier élabore une stratégie juste pour mobiliser la classe ouvrière afin de lutter contre le désastre qui se profile à l’horizon. Ce n’est que pas l’action indépendante de la classe ouvrière que nous pourrons nous protéger.
Le premier enjeu est celui des dépenses sociales. À travers le monde, tous les grands partis politiques, qu’ils se prétendent de gauche ou soient de droite, prêchent la retenue face aux soi-disant « excès » et appellent à couper « le gaspillage et la bureaucratie ». Le représentant le plus en vue de ce message est certainement Elon Musk, mais Keir Starmer et Macron disent la même chose – de même que Poilievre et Carney.
Nous devons dire ouvertement ce que cela signifie : des coupes brutales dans les services sociaux, des licenciements dans le secteur public, etc. Le Parti communiste révolutionnaire rejette toute tentative de transférer le fardeau de la crise sur le dos des travailleurs par le biais de coupes dans les programmes sociaux. Notre société est plus qu’assez riche pour financer pleinement les besoins de base de la population.
Dans le contexte actuel de désintégration économique, l’inflation menace de devenir endémique à mesure que la division internationale du travail est détruite, que les chaînes d’approvisionnement sont disloquées et que les marchandises sont frappées de droits de douane. C’est pourquoi le PCR se bat pour que chaque convention collective garantisse que les salaires soient indexés sur l’inflation. C’est le seul moyen de garantir que les travailleurs seront toujours en mesure de payer les factures.
Les licenciements collectifs menacent des communautés entières. Face à cette catastrophe, le mouvement syndical doit élaborer un plan concret de lutte contre les licenciements. Nous ne pouvons compter ni sur les gouvernements provinciaux ni sur le fédéral. La seule façon de protéger les emplois est de lancer un mouvement de masse de grèves et d’occupations. Il faut empêcher toute usine de fermer ses portes ou de délocaliser sa production. C’est la seule façon de sauver les emplois.
En temps de crise, les capitalistes individuels, qui ne pensent qu’à eux, utilisent la crise pour attaquer les syndicats, augmenter les prix et procéder à des licenciements ou à des réductions d’avantages sociaux. On ne peut pas attendre de nous que nous fassions aveuglément confiance aux patrons lorsqu’ils prétendent qu’ils n’ont pas d’autres options. Le Parti communiste révolutionnaire dit : ouvrez les livres de comptes! Toute entreprise qui licencie ou ferme ses portes doit dévoiler sa comptabilité afin que nous puissions observer la situation réelle.
C’est le premier pas vers un véritable contrôle ouvrier. Avec un accès total aux livres de comptes, c’est toute la supercherie de l’exploitation capitaliste qui sera mise à nu. Les travailleurs seront en mesure de dévoiler tous les accords passés en coulisses, de démontrer l’immense inefficacité de la production capitaliste et de montrer la voie à suivre.
Au Canada, le capitalisme est déjà sous respirateur artificiel. Les gouvernements canadiens, tant provinciaux que fédéraux, accordent déjà plus de 50 milliards de dollars de subventions aux entreprises chaque année. Mais ce transfert massif de l’argent des contribuables vers les coffres des entreprises ne fait rien pour protéger les emplois. Le secteur automobile, fortement subventionné, a continué à fermer des usines, entraînant la perte de centaines de milliers d’emplois au fil des décennies.
La réalité est qu’on ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas. La position du Parti communiste révolutionnaire est que toute entreprise qui est forcée de fermer à cause de la crise doit être expropriée, rééquipée et intégrée dans une vaste chaîne de production pour produire ce dont nous avons besoin. C’est la seule façon de sauver les emplois. Aucune compensation ne doit être versée, car la plupart de ces entreprises ont reçu des dizaines de milliards de dollars des contribuables au fil des ans.
Beaucoup de gens, même au sein de la soi-disant « gauche », qualifieront nos demandes d’irréalistes – parce que ce qu’ils considèrent comme « réaliste » est ce qui est réaliste pour le capitalisme. Nous n’acceptons pas cette logique. Dans cette situation, il n’y a aucun moyen de protéger à la fois les emplois et les profits des capitalistes.
Par exemple, Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada, s’est jusqu’à présent contentée d’appeler à des « changements dans l’assurance-emploi », ce qui signifie qu’elle accepte que ces travailleurs soient licenciés. Les dirigeants syndicaux et néo-démocrates « réalistes » ne proposent aucune mesure concrète pour sauver les emplois. En réalité, leur programme revient à dire aux travailleurs qu’ils ne peuvent pas faire grand-chose.
Mais il y a ici un argument qui vaut la peine d’être examiné. Une usine gérée par les travailleurs ne pourrait jamais survivre seule dans un océan de capitalisme. C’est pourquoi cette guerre commerciale met à nu l’ensemble du système et met à l’ordre du jour la transformation socialiste de la société. Ce qu’il faut, c’est un vaste mouvement d’occupation d’usines, reliant des dizaines ou des centaines d’usines et d’entrepôts.
Il n’y a pas de chemin facile. Quiconque promet une solution facile et rapide ment. Toute « solution » qui respecte la propriété bourgeoise sacrifie inévitablement les travailleurs d’une manière ou d’une autre. Il n’y a pas de troisième voie, c’est littéralement le socialisme ou la barbarie.
Il incombe aux communistes d’expliquer patiemment la gravité de cette situation et de plaider en faveur de méthodes de lutte de classe pour combattre les fermetures d’usines, les pertes d’emplois, les coupes dans les prestations sociales, etc. Le point de départ d’une politique correcte ne peut être une position nationaliste, qui finit par défendre les intérêts des capitalistes d’un côté ou l’autre de la frontière. On ne peut non plus défendre l’idée de revenir à ce qui existait auparavant. Le libre-échange capitaliste a été un cauchemar pour les travailleurs, des millions d’entre eux ayant perdu leur emploi dans les centres manufacturiers de l’Ontario et des États-Unis depuis la signature de l’ALENA.
En fin de compte, ce n’est pas le protectionnisme ou le libre-échange, mais seulement un plan de production socialiste qui peut garantir les emplois en produisant pour les besoins humains plutôt que pour le profit capitaliste. Nous prônons l’indépendance de classe et la mobilisation des travailleurs pour protéger les emplois et toutes les réformes progressistes que les travailleurs canadiens ont gagnées au fil des ans. C’est pour cela que le Parti communiste révolutionnaire se bat.
La crise de la gauche
Avec la crise profonde du système capitaliste et des millions de travailleurs qui cherchent des réponses, on pourrait penser que c’est l’heure de gloire de la gauche. Mais peu importe où l’on regarde, on retrouve une gauche dans un état lamentable, en train de s’effondrer, incapable de gagner le soutien des travailleurs, et dépassée par les populistes de droite.
Or, rien de tout ça n’est surprenant. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le mouvement syndical et la gauche en Occident ont été dominés par le réformisme. Au lieu de la révolution et de la lutte des classes pour le socialisme, on nous a proposé de lentes et graduelles réformes par le biais du parlement.
En fait, cela a constitué l’un des principaux appuis au règne de la bourgeoisie. À maintes reprises, la dernière ligne de défense des capitalistes a été la direction syndicale, qui oriente la colère des travailleurs dans des canaux sécuritaires pour le système capitaliste.
Mais ces méthodes perdent de plus en plus leur efficacité. En effet, pour que les classes collaborent et parviennent à un compromis, le capitalisme doit avoir quelque chose à offrir. Mais de plus en plus, le système capitaliste a perdu la marge de manœuvre qui permettait à la classe dirigeante d’offrir des concessions aux travailleurs. Les dirigeants syndicaux ont négocié convention collective après convention collective contenant des reculs et érodant les salaires.
La crise du capitalisme a produit une crise du réformisme.
L’exemple le plus clair est celui du Nouveau Parti démocratique. Alors que la crise réduit les conditions de vie à peau de chagrin, les grands stratèges au sommet du NPD ont pensé que c’était un coup de génie de s’allier au capitaine du navire en perdition.
Ils récoltent aujourd’hui ce qu’ils ont semé en soutenant Trudeau pendant deux ans et demi au cours de la pire crise du coût de la vie depuis des générations. Ils ont soutenu le gouvernement alors que l’inflation montait en flèche et que les libéraux soutenaient le régime génocidaire d’Israël, augmentaient les dépenses militaires et enlevaient le droit de grève aux débardeurs, aux cheminots et aux postiers.
Alors que la haine contre les libéraux grandissait, Singh et le NPD ont été vus comme complices et n’ont donc pas profité de l’effondrement des libéraux. En fait, Poilievre, qui a transformé le Parti conservateur en un parti anti-establishment, a grignoté une grande partie des électeurs traditionnellement néo-démocrates. Un récent sondage d’Abacus data a montré que Poilievre était le premier choix chez les travailleurs syndiqués, tandis que le NPD, auquel de nombreux syndicats sont affiliés, n’arrivait qu’en troisième position, derrière les libéraux. Les sondages montrent également que les conservateurs sont en tête parmi les électeurs âgés de 18 à 29 ans, ce qui constitue un renversement stupéfiant des tendances précédentes.
Voici la rançon de la capitulation réformiste. Tout comme le libéralisme de l’establishment, le réformisme à la botte du statu quo laisse le champ grand ouvert pour que les populistes de droite volent la vedette. Seule une gauche véritablement révolutionnaire peut fournir une solution de rechange et canaliser la colère vers la gauche.
Dans le cadre de la guerre commerciale, Jagmeet Singh et le NPD ont, sans surprise, défendu avec virulence les entreprises canadiennes, les contre-tarifs, le « acheter canadien » et autres politiques destinées à protéger le capitalisme canadien. La résurrection des libéraux sous la direction de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, fait mal au NPD. Celui-ci est en voie de perdre plus de la moitié de ses sièges aux prochaines élections.
Les choses ne vont pas mieux chez Québec solidaire, le parti de gauche du Québec.
On pourrait penser que les dirigeants de Québec solidaire verraient ce qui se passe avec le NPD dans le Canada anglais, et tireraient la conclusion qu’ils devraient changer de cap.
Malheureusement, Gabriel Nadeau Dubois (GND) et une clique de carriéristes autour de lui ont tout fait pour transformer QS, autrefois un parti anticapitaliste de la rue, en un parti parlementaire « raisonnable » qui collabore avec les autres partis bourgeois, dans le but d’en faire un « parti de gouvernement ».
Il est profondément ironique que les réformistes comme GND et Singh ne réussissent avec leur soi-disant « réalisme » qu’à produire l’effet exactement contraire. La base de membres de QS s’est gravement érodée, et le parti n’arrive plus à susciter l’enthousiasme de quiconque cherchant une solution de rechange aux partis de l’establishment. Il est en fait virtuellement impossible à distinguer du PQ. QS est maintenant en cinquième position dans les sondages, derrière le saugrenu Parti conservateur mené par le libertarien Éric Duhaime. Après avoir vidé Québec solidaire de sa substance et l’avoir mené bon dernier, GND a annoncé sa démission comme porte-parole du parti! Les huit ans de GND à la tête de QS représentent un cas clinique de l’échec lamentable de la modération réformiste.
Les réformistes comme Singh et Nadeau-Dubois sont pris dans le passé. Ils sont complètement inadaptés à l’époque actuelle et c’est pourquoi le NPD et QS n’inspirent personne. Ils désirent ardemment que les choses reviennent à ce qu’ils considèrent comme « la norme ».
Mais l’histoire ne recule pas, elle avance, et il y a une nouvelle norme à laquelle nous devons faire face – une époque de crises profondes, de guerres, de révolutions, de contre-révolutions, avec des changements abrupts dans l’opinion publique alors que les masses cherchent une solution.
Dans cette situation, toutes les organisations, toutes les tendances et tous les dirigeants seront mis à l’épreuve. Les gens sont dégoûtés par le crétinisme parlementaire opportuniste et c’est précisément pour cette raison que l’on assiste à une montée en popularité des figures populistes dans le monde entier. Il y a un élément progressiste dans ce rejet de l’establishment. Les travailleurs sont instinctivement sceptiques à l’égard de l’État bourgeois et toute personne qui lui est trop étroitement associée est vue avec méfiance.
La classe ouvrière a besoin de dirigeants qui ont une colonne. Pas de ces politiciens professionnels payés des salaires exorbitants qui capitulent à chaque occasion aux pouvoirs en place. La classe ouvrière a besoin d’un véritable programme, un programme socialiste, qui met les intérêts de la classe ouvrière au premier plan.
Les communistes révolutionnaires relèvent le défi
Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, la bourgeoisie exultait, déclarant que le capitalisme était le meilleur de tous les systèmes et que c’était « la fin de l’histoire ». Mais ces idiots satisfaits d’eux-mêmes avaient parlé trop tôt.
À l’époque, Ted Grant, l’un des plus grands marxistes de tous les temps et fondateur de notre Internationale, avait prédit que « rétrospectivement, la chute du stalinisme sera considérée comme le simple prélude à un drame historique encore plus grand : la crise terminale du capitalisme ».
Cela est maintenant entièrement confirmé. Ce puissant système qui a conquis le monde entier subit des convulsions massives. Et ce n’est que le début.
Avec du recul, la situation politique d’un pays comme le Canada après la Seconde Guerre mondiale apparaît comme une étrange anomalie. Cette période, due aux résultats particuliers de la guerre, ne reviendra pas. Un nouvel âge d’or du système, contrairement à ce que prétend Trump, n’est pas à l’ordre du jour.
Les politiciens bourgeois continueront à se démener pour sortir de cette impasse. Mais ce faisant, ils seront incapables de satisfaire à la fois les travailleurs et les capitalistes. Une confrontation est inévitable.
Aucun des vieux partis et tendances politiques ayant émergé dans la période précédente n’est habitué à cette nouvelle situation. Ils ne comprennent pas la signification de ce qui se passe et sont détruits par la tempête des événements, l’un après l’autre.
Les libéraux et les réformistes imbus d’eux-mêmes, nombreux au Canada, seront écartés par les millions de travailleurs et de jeunes à la recherche d’une solution de rechange. Les populistes de droite, qui auront peut-être leur heure de gloire, n’ont pas de solution à la crise du capitalisme. Ils seront eux aussi discrédités et jetés aux oubliettes.
Des virages brusques et des changements soudains, ainsi que des revirements rapides de l’opinion publique, se profilent à l’horizon. Dans ce contexte, les conditions se feront de plus en plus favorables à la construction d’un parti communiste de masse. Cette mission s’avère des plus urgentes.
La « vieille taupe de l’histoire » est tapie dans la psyché collective des masses et tente de remonter à la surface. Le Canada, dont l’histoire n’est pas marquée par les révolutions, sera secoué de fond en comble par des événements révolutionnaires sans précédent.
Voilà à quoi nous nous préparons. Notre temps est venu.
Rejoignez le Parti communiste révolutionnaire et aidez-nous à construire le parti qui mènera les travailleurs à la victoire et mettra fin à ce système pourri, une fois pour toutes.