Rafah : l’indignation des peuples et l’hypocrisie des impérialistes

Le bombardement d’un camp de réfugiés de Rafah, dans la nuit du 26 mai, a tué au moins 45 personnes – hommes, femmes et enfants. Deux jours plus tard, un nouveau bombardement nocturne a tué 25 civils. « Le capitalisme est une horreur sans fin », disait Lénine. À Gaza, ces mots s’écrivent en lettres de feu et de sang.

  • La rédaction
  • mar. 4 juin 2024
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Le bombardement d’un camp de réfugiés de Rafah, dans la nuit du 26 mai, a tué au moins 45 personnes – hommes, femmes et enfants. Deux jours plus tard, un nouveau bombardement nocturne a tué 25 civils. « Le capitalisme est une horreur sans fin », disait Lénine. À Gaza, ces mots s’écrivent en lettres de feu et de sang.

Depuis le début du mois de février, Benyamin Netanyahou a fait planer le spectre d’une offensive de grande ampleur contre Rafah, qui est le refuge de très nombreux Palestiniens fuyant le carnage déchaîné par Israël. La pression des impérialistes occidentaux – qui redoutent une déstabilisation de toute la région – a retardé le déclenchement des opérations. Mais le premier ministre israélien a fini par donner l’ordre à son armée de passer à l’assaut, début mai. Les troupes israéliennes ont occupé le seul point de passage reliant Rafah à l’Egypte, par lequel transitait l’aide humanitaire. Depuis, les bombes pleuvent sur la ville, semant la mort et la destruction. Et le 28 mai, les chars israéliens ont pour la première fois pénétré dans le centre de la ville.

Après des mois d’errance pour fuir les attaques israéliennes, un million de Palestiniens ont dû quitter Rafah depuis le début du mois de mai. Ils ne sont en sécurité nulle part. Le nord de la bande de Gaza a été réduit à néant par l’offensive israélienne. Au sud, la frontière avec l’Égypte a été fermée par le régime sioniste. Et comme le montrent les carnages des 26 et 28 mai, même dans les zones désignées comme « sûres » par l’armée israélienne, les réfugiés ne sont pas à l’abri des bombes.

Après le bombardement de dimanche, le porte-parole de l’armée israélienne a réagi par un mélange de dénégations et de « regrets » hypocrites. Il a prétendu que cette frappe visait « deux commandants du Hamas » et que des « mesures » avaient été prises pour éviter les dégâts collatéraux parmi les civils. Ces déclarations sont en contradiction flagrante avec le comportement des forces israéliennes depuis le début de la guerre. Les exemples de bombardements ou de frappes visant des hôpitaux, des écoles, des camps de réfugiés et des habitations civiles sont trop nombreux et systématiques pour qu’il s’agisse d’accidents. La vérité est qu’Israël mène une guerre d’extermination contre la population de Gaza.

Le cas Netanyahou

D’habitude peu enclin à se repentir lorsque des Palestiniens sont tués par ses troupes, Netanyahou a pris la parole devant le Parlement israélien, cette fois-ci, et a qualifié le bombardement d’« erreur tragique ». Cette déclaration est une conséquence de la colère qu’a provoquée ce nouveau massacre.

Le premier ministre israélien est confronté à la frustration de l’opinion publique israélienne, car cette guerre n’a permis ni de détruire le Hamas, ni de libérer ses otages. Dans le même temps, son gouvernement de coalition dépend du soutien des sionistes les plus radicaux – tels qu’Itamar Ben-Gvir ou Bezalel Smotrich. Ces derniers prônent l’extermination ou l’expulsion de tous les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie; ils menacent de faire tomber le gouvernement si le moindre pas est fait en direction d’un cessez-le-feu. Enfin, Netanyahou est au centre de plusieurs enquêtes pour corruption, dont il peut bloquer l’avancement tant qu’il reste au pouvoir. Alors qu’il est au plus bas dans les sondages et que l’opposition se prépare à convoquer des élections anticipées dès que la guerre finira, Netanyahou sait que sa survie politique dépend de la prolongation du conflit, quitte à sacrifier des dizaines de milliers de Palestiniens innocents. Son sort personnel est donc un élément central de sa politique.

Les conséquences de cet acharnement ont des répercussions bien au-delà des frontières d’Israël. Dans tout le Moyen-Orient, les masses se sentent profondément solidaires des Palestiniens. Chaque nouveau crime de l’armée israélienne fragilise l’assise des régimes bourgeois et despotiques de Jordanie, d’Égypte et d’Arabie saoudite (entre autres). Avant le 7 octobre 2023, tous ces tyrans étaient engagés dans un processus de « normalisation » de leurs relations avec Israël. Ils n’ont rien fait, depuis, pour aider les Palestiniens – quand ils n’ont pas apporté leur aide au massacre déclenché par Israël : le régime égyptien a joué les garde-chiourmes pour empêcher les Palestiniens de fuir Gaza, tandis que le royaume saoudien a aidé à intercepter des missiles tirés par les Houthis du Yémen contre Israël.

Lorsque des manifestations de soutien au peuple palestinien ont éclaté, dans ces pays, la police les a réprimées, ce qui a encore ajouté au ressentiment de la population. Si Netanyahou continue sa fuite en avant, ces régimes corrompus vont avoir du mal à contenir la révolte des masses. Chaque nouveau massacre perpétré par l’armée israélienne accroît la possibilité que la guerre s’étende à l’échelle régionale ou provoque une vague révolutionnaire comme celle qui a balayé le Moyen-Orient en 2011.

Les inquiétudes des impérialistes

Les impérialistes occidentaux le comprennent bien et sont de plus en plus inquiets. La dernière chose qu’ils souhaitent est une extension régionale de la guerre contre Gaza ou une vague révolutionnaire dans les dictatures arabes, qui pourraient menacer leurs intérêts au Moyen-Orient. Ils redoutent notamment qu’un embrasement régional ne précipite l’économie mondiale, déjà très fragile, dans une nouvelle récession.

Par ailleurs, les dirigeants impérialistes sont inquiets des conséquences de la guerre dans leurs propres pays. Depuis sept mois, le mouvement de solidarité avec Gaza a pris une ampleur mondiale. Ces mobilisations ont été la cible d’une campagne de répression policière et de calomnies médiatiques, alors même que le gouvernement israélien tourne en ridicule les principes élémentaires du « droit international ». Tout cela n’a fait qu’approfondir la colère des travailleurs et des jeunes à l’échelle mondiale, qui comprennent de mieux en mieux l’hypocrisie de la soi-disant « démocratie » bourgeoise : les libertés d’expression et de manifestation ne sont tolérées qu’à condition de ne pas menacer les intérêts fondamentaux des impérialistes et de leurs alliés. Les scènes d’horreur à Rafah n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu de la colère des masses.

Peu de temps auparavant, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé un mandat d’arrêt pour « crimes de guerre » contre Netanyahou et son ministre de la Défense, Yoav Gallant.

Les dirigeants israéliens ont répondu en accusant la CPI d’être « antisémite ». De même, après que les gouvernements d’Espagne, d’Irlande et de Norvège ont décidé de reconnaître l’État palestinien, Tel-Aviv a affirmé que cela revenait à « récompenser le terrorisme ».

Si Joe Biden s’est précipité pour défendre Israël, condamner la CPI et critiquer la décision de Madrid, Dublin et Oslo, il n’en reste pas moins que l’impérialisme américain est de plus en plus exaspéré par le comportement d’Israël, son principal allié au Moyen-Orient. Malgré toutes les remontrances de Washington, Netanyahou continue de bombarder Rafah. Le fait est que les Américains ne sont pas prêts à aller plus loin que des remontrances envers Israël. Et ils ne sont pas les seuls. Malgré toutes les larmes de crocodile qu’ils versent sur les morts de Rafah, les gouvernements occidentaux – y compris ceux d’Espagne, d’Irlande et de Norvège – continuent d’armer et de financer la guerre contre Gaza. Aucun d’entre eux n’est prêt à rompre avec le régime sioniste et meurtrier de Netanyahou.

Leurs déclarations larmoyantes de ces derniers jours sont destinées à l’opinion publique occidentale. Gaza est devenu un élément important dans plusieurs campagnes électorales, y compris aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Biden se dirige vers une défaite dans plusieurs États clés où le vote des jeunes et des musulmans, désormais, ne lui est plus acquis. Au Royaume-Uni, les conservateurs comme les travaillistes ont soutenu Israël pendant des mois, mais se disent aujourd’hui « préoccupés » par la situation à Gaza. En France, Macron exprime la même inquiétude hypocrite, tout en continuant à réprimer le mouvement de solidarité avec la Palestine.

Il faut renverser ces hypocrites!

Cette répugnante hypocrisie s’explique par le fait que dans le cadre de la crise générale du capitalisme, la Palestine est devenue un catalyseur de la colère des masses dans toute une série de pays. Des millions de gens peuvent constater le double discours de ce système qui, d’un côté, prétend défendre la « démocratie » et le « droit », mais de l’autre jette ces principes aux orties dès que ses intérêts sont menacés.

Si des bombardements comme ceux qui ont frappé Rafah, les 26 et 28 mai, avaient touché un camp de réfugiés, une école ou un hôpital en Ukraine, la Russie aurait été immédiatement et unanimement accusée de « crimes de guerre » par la presse et les dirigeants occidentaux, qui auraient multiplié les appels à « sanctionner » sévèrement la Russie. Mais à Rafah, Israël peut se contenter de proférer de vagues excuses – avant de continuer son massacre, tout en recevant des puissances occidentales quantité d’armes, de munitions et d’argent.

Les attaques du 7 octobre ont été utilisées jusqu’à la nausée par la presse occidentale. Les journaux ont été remplis de récits détaillant à l’infini les atrocités commises par le Hamas – dont certaines ont été purement et simplement inventées, comme l’histoire des « 40 bébés décapités » du kibboutz Kfar Aza. Il s’agissait alors de préparer l’opinion publique aux représailles israéliennes contre le peuple palestinien, puis de les justifier, en dépeignant l’ensemble de la population de Gaza comme des « animaux humains », selon les termes du ministre israélien Yoav Gallant.

Aujourd’hui, les atrocités commises par l’armée israélienne à Rafah ne peuvent plus être dissimulées. Mais peu importe la profondeur des souffrances des Palestiniens : les classes dirigeantes occidentales continueront à soutenir le régime sioniste, car c’est leur principal allié au Moyen-Orient.

Pour aider les Palestiniens, la jeunesse et les travailleurs doivent s’attaquer à leur propre classe dirigeante. Ils doivent l’empêcher de soutenir Israël. Une campagne coordonnée de grèves ciblant des industries clés, et préparant une grève générale politique, pourrait isoler la machine de guerre israélienne. De manière générale, seule une lutte révolutionnaire, au Moyen-Orient et dans le monde entier, pourra libérer les Palestiniens de l’horreur qu’ils subissent – et mettre fin au système capitaliste qui est la cause ultime de leurs souffrances.