Dans la République de bananes du Québec, le politburo règne en maître. Depuis les bureaux du Journal de Montréal, celui-ci détermine le cadre du débat politique acceptable. Quiconque ose sortir des limites de la pensée unique est immédiatement désigné ennemi public numéro un et attaqué par tous les médias et toutes les institutions au service du régime.
Voilà le sort qui est tombé sur Haroun Bouazzi, qui a commis le crime le plus grave qui soit : insinuer que l’Assemblée nationale est raciste.
Il ne lui restait plus de choix que de faire son autocritique et d’être humilié par tout l’establishment politico-médiatique.
Sous la pression de la direction de Québec solidaire, qui s’est tortillée devant les journalistes comme des vers sous le soleil, il a dû présenter ses excuses. « Je ne considère pas que l’Assemblée nationale et ses membres sont racistes ». « Le fond de mon propos […] n’a jamais consisté à cibler des personnes ».
Oubliez ce que j’ai dit, aucune institution ni aucune personne n’est raciste au Québec, passons au prochain sujet!
Le cirque des derniers jours est absolument délirant. Cette indignation chorégraphiée apparaît encore plus ahurissante quand on considère que les politiciens et chroniqueurs québécois enchaînent les déclarations grossières contre les immigrants et les musulmans depuis des décennies.
Où était l’indignation quand le ministre Jean Boulet a déclaré que 80% des immigrants n’adhèrent pas aux valeurs québécoises? Où était l’indignation quand François Legault a affirmé que les immigrants temporaires sont à 100% la cause de la crise du logement? Où était l’indignation quand Jean-François Lisée a dit qu’il y avait « des hijabs partout » autour de nos enfants?
Ceux qui veulent clouer Haroun Bouazzi sur le pilori pour avoir osé parler du racisme à l’Assemblée nationale sont les mêmes qui défendaient bec et ongles leur droit à dire le « mot en N » au nom de la liberté d’expression.
Dans ce contexte, c’était une erreur pour Bouazzi de s’excuser, et c’est absolument pathétique et déplorable de la part de la direction de QS d’avoir plié sous la pression.
Chaque capitulation face à ces chiens enragés ne fait que les encourager. Chaque recul de la part de QS et de la gauche en général confirme à la droite qu’elle domine le terrain politico-médiatique et qu’elle peut déterminer le cadre du débat public.
Les députés solidaires, alors qu’ils se faisaient attaquer de toutes parts, ont fait des pieds et des mains pour réitérer leur respect de la sacro-sainte Assemblée nationale et de leurs « collègues » des partis du statu quo.
Ce que le leadership du parti semble incapable de comprendre, c’est que QS ne sera jamais accepté par l’establishment.
Le parti sera constamment sous la pression des médias et des partis bourgeois pour aseptiser son discours, se conformer aux règles du jeu. Et ce ne sera jamais assez.
Sans surprise, les excuses de Bouazzi d’hier n’ont pas fait taire la meute.
En réalité, derrière la charge contre Bouazzi se trouve une charge contre toute la gauche. Leur objectif est de la faire taire, et de s’arroger le droit de dire ce qu’ils veulent.
Il est temps que la gauche se dote d’une colonne vertébrale et passe à l’offensive.
Mais cela ne peut se faire qu’avec une perspective de classe. Si les politiciens de droite réussissent à faire taire la gauche ainsi, c’est que celle-ci s’accroche depuis des années à une perspective libérale discréditée. Quand la gauche se concentre sur des mesures purement symboliques, des changements de langage, et des condamnations moralistes de comportements individuels, elle se rend facile à caricaturer par la droite.
L’ensemble de la classe dirigeante québécoise, qui contrôle tout l’appareil politico-médiatique, n’a aucune solution aux problèmes que le capitalisme engendre. Elle ne peut pas régler la crise du logement, la crise des services sociaux, la crise du coût de la vie, car cela nécessiterait de s’attaquer à ses propres intérêts de classe. Elle a donc besoin de se servir des immigrants, des musulmans et autres minorités comme boucs-émissaires.
Seule une perspective de classe peut démasquer ces clowns comme des ennemis des immigrants et des travailleurs québécois en général. Une telle perspective de classe permet de recadrer le débat vers la source réelle des problèmes : les patrons et leur système en banqueroute. Tant que QS n’offrira rien de tel, ils se feront passer sur le corps comme c’est le cas depuis une semaine, incapables de répondre aux attaques des partis de l’establishment.