On ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas

Au début de l’été, le comité de rédaction d’À babord, l’une des plus importantes publications de gauche au Québec, annonçait avoir perdu un cinquième de ses revenus en raison du retrait d’une subvention que lui allouait depuis toujours Patrimoine Canada.  En cause : une pauvre question administrative, liée à la récente modification des critères d’admissibilité […]

  • François-Xavier L., Québec
  • mar. 17 sept. 2024
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Au début de l’été, le comité de rédaction d’À babord, l’une des plus importantes publications de gauche au Québec, annonçait avoir perdu un cinquième de ses revenus en raison du retrait d’une subvention que lui allouait depuis toujours Patrimoine Canada. 

En cause : une pauvre question administrative, liée à la récente modification des critères d’admissibilité à l’aide financière. Afin de toucher l’argent public, chaque périodique doit vendre un certain nombre de copies. Cette année, pour la première fois, les abonnements collectifs ne sont curieusement plus consignés dans le calcul. 

À babord, qui repose notamment sur les achats groupés des syndicats, se voit frappée de plein fouet par une telle mesure, au bonheur de la classe dirigeante canadienne, qui coupe dans le financement de la culture d’année en année – un phénomène inversement proportionnel à ses investissements militaires, d’ailleurs…

Sur son site Internet, il est écrit qu’À babord se veut un organisme « autonome ». Malheureusement, cette liberté apparente se trouve conditionnée à la générosité des institutions contre lesquelles lutte l’équipe bénévole de la revue.

Le cas d’À babord est en cela un sinistre exemple du cul-de-sac où nous mène la dépendance financière, même dérisoire, aux institutions bourgeoises. Les journalistes « proposant une révolution dans l’organisation de la société » – comme le comité éditorial de la revue l’écrit sur son site Internet – ne peuvent en vérité compter que sur leurs propres moyens.

Devant l’âpreté du travail militant, il peut être tentant de solliciter, fût-ce pour un instant, quelques poignées de dollars de la part de notre classe dominante, qui en a tant.

Mais il s’agit là d’une solution à court terme, qui se solderait un jour ou l’autre par la dissolution de notre organisation. En remplissant ainsi nos caisses, il est certain que nous en viendrions un jour à être contraints de vider nos bureaux, car les capitalistes ne financeront jamais la moindre ligne qui puisse menacer leurs intérêts. Et le moment venu de nous couper l’herbe sous les pieds, ils n’auront aucun scrupule à se débarrasser de nous. On ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas.