Lors de la manifestation pour la fête du Travail du 4 septembre dernier, nous avons interviewé Carmelina Santoro, préposée aux machines à sous au Casino de Montréal depuis 30 ans. Elle est parmi les 1700 travailleurs et travailleuses de casinos en grève illimitée depuis le 23 juin dernier.

Cette lutte fait partie d’une tendance plus large, dans laquelle les négociations entre les syndicats et les employeurs deviennent de plus en plus longues et amères dans un contexte d’inflation persistante. Un autre exemple est le SCFP 5454, syndicat des employés de la SQDC, qui est en grève générale illimitée depuis 16 mois. Les patrons refusent d’offrir des augmentations significatives malgré la montée brutale du coût de la vie, et les travailleurs ne veulent plus accepter de s’appauvrir. 

De grandes luttes de classe s’en viennent dans tous les secteurs de la classe ouvrière. Une victoire pour les travailleurs des casinos serait une inspiration pour l’ensemble des travailleurs québécois, notamment les quelque 500 000 employés du secteur public qui préparent des grèves cet automne.

Vous pouvez lire notre analyse de la lutte dans les casinos ici

Solidarité avec les travailleurs des casinos!

Piquets de grève, on ne passe pas!

Faisons payer les patrons pour l’inflation!


La Riposte syndicale : Qu’est-ce qui vous a poussé à entrer en grève, et depuis combien de temps êtes-vous en lutte?

Carmelina Santoro : Notre lutte a commencé lorsque la négo a débuté avec des moyens de pression internes. On a essayé par tous les moyens d’arriver à une entente avec l’employeur, mais sur la table, il n’y avait que de 2,5% d’augmentation [par année] sur cinq ans. On ne peut pas accepter ça alors que le PDG de Loto-Québec s’est donné une augmentation de 46% et que les directeurs ont eu des augmentations d’environ 35%, les députés ont eu une augmentation de 30%. On dit qu’ils ont des enfants, et c’est correct qu’ils fassent de belles choses pour leurs enfants. Bien nous autres aussi les travailleuses et travailleurs on a des enfants, nous autres aussi on aimerait avoir une belle qualité de vie, et 2,5% pour s’appauvrir à tous les ans, ce n’est pas acceptable. Donc c’est ce qui a fait que nous sommes dans la rue depuis le 23 juin, en grève générale illimitée, avec cinq jours [de grève] individuels avant ça. Nous sommes toujours dans la rue. On est dans notre 11e semaine et on ne lâchera pas. On est solidaires et on va se rendre jusqu’au bout et on va la mettre la minute de plus, mais on ne peut pas accepter 2,5% par année, on n’en peut plus de s’appauvrir à tous les ans.

LRS : Comment les patrons ont-ils réagi à la grève? Où est-ce que ça bloque en ce moment? 

CS : Les patrons, je vous dirais, c’est Loto-Québec, qui évidemment reçoit ses mandats par notre cher [Conseil du] Trésor. Donc qui exactement est le responsable? Ça je vais vous laisser y penser. Mais par contre, en ce moment, la tarte dont on parle souvent en négociation, le montant global pour régler cette négociation, ce n’est pas assez. Donc tant et aussi longtemps qu’ils ne mettront pas de nouvel argent sur la table, il n’y aura pas de règlement. Parce que la dernière fois qu’on s’est assis avec eux, ils ont tenté de trouver un règlement en nous proposant quelque chose qui faisait en sorte que ce qu’ils enlevaient de la poche gauche, ils le mettaient dans la poche droite. C’est la nouvelle mode, c’est l’autofinancement, on autofinance nous-mêmes nos augmentations. Quelle sorte de théorie que c’est, ça? Moi je ne sais pas mais quand je fais mon épicerie, je ne peux pas dire je vais attendre de voir si je suis autofinancé. C’est complètement ridicule, on ne peut pas l’accepter. Les casinos du Québec, c’est une société d’État, ça appartient aux citoyens, et il faut que les citoyens soient conscients que le PDG a eu 46% d’augmentation, parce que c’est de l’argent public, et selon nous ils essaient de nous affaiblir et de nous appauvrir à chaque année avec des augmentations qui n’atteignent même pas le coût de la vie. C’est ça qui bloque en ce moment, c’est l’argent, et on s’attend à avoir au minimum le coût de la vie et avec une petite augmentation raisonnable, on ne demande pas la Lune, on veut être capable nous autres aussi de se payer du beurre et non juste de la margarine.

LRS : Quelle est la revendication salariale exacte?

CS : C’est le coût de la vie, plus un dollar.

LRS : Est-ce que les patrons utilisent des tactiques comme le recours à des briseurs de grève? 

CS : Bien écoutez, il y a toute sorte de façon de contourner malheureusement les règles « anti-scabs » qui sont valides en ce moment, parce que ces lois-là ont été votées dans les années 70, et si ma mémoire est bonne, il n’y avait pas de télétravail dans ce temps-là! Donc, le problème qu’on a aujourd’hui c’est le télétravail, les gens travaillent à l’extérieur de la bâtisse. Une accréditation syndicale, ça couvre la bâtisse. Voilà les défis qu’on a, à court terme j’espère, mais il va falloir regarder les lois des travailleurs et les lois anti-scabs, parce que le télétravail n’était pas d’actualité lorsqu’elles ont été mises en place.

LRS : Est-ce que le gouvernement de la CAQ est directement impliqué dans le conflit? 

CS : Ce que je dirais, c’est que Legault n’arrête pas de dire que le minimum des augmentations, faut que ça soit 4%, parce que le coût de la vie [l’inflation], c’est 4%. On le voit, on l’entend dans les médias qu’il n’arrête pas de dire ça, mais ça serait le fun qu’il appelle le PDG de Loto-Québec pour lui dire : « En passant, c’est 4% par année », ça serait super le fun qu’il l’appelle. Alors est-ce qu’il est impliqué? Ça serait le fun qu’il s’implique, puis ça serait le fun qu’il passe au PDG de Loto-Québec le message qu’il passe dans les médias, pour qu’on puisse régler ce conflit et qu’on puisse retrouver 1700 familles de retour au travail et non sur le trottoir. Il devrait avoir honte, avec tous les profits que Loto-Québec fait, d’avoir 1700 employés sur le trottoir, c’est honteux. 

LRS : Sentez-vous que vous avez l’appui du public? 

CS : Oui, on le ressent et le public comprend très bien que ce n’est pas parce que nous sommes des employés de l’État parapublics qu’on a des salaires de 100 000 dollars par année, ce n’est pas vrai. Même si l’autre côté ils sont sortis en disant qu’on fait des salaires épouvantables, ce n’est pas ça la réalité. Les salaires sont moyens et en bas de la moyenne. Dernièrement, les augmentations tournaient autour de 1,5% et 2%. Alors maintenant, on ne peut plus [accepter] ça, parce qu’on n’arrive plus.

LRS : L’inflation est actuellement un des effets les plus importants de la crise du système capitaliste. Dans ce contexte, quelle est la voie à suivre pour les travailleurs et travailleuses, et comment obtenir des victoires syndicales en général selon vous? 

CS : Il faut que tout le monde sorte dans la rue, c’est la seule façon de faire comprendre aux gens. Premièrement, c’est nous autres qui les avons mis là. On a eu des élections, on vit dans un système démocratique. Il faut regarder ce qu’ils sont en train de faire, et s’ils sont là vraiment pour le bien de la population ou pour leur propre bien. Il faut se poser la question et il faut voter des gens au pouvoir qui vont refléter et représenter le bien du peuple et non le bien de leurs amis.