Guerre de classe au Québec : pour une grève illimitée Front commun-FIQ-FAE!

Après avoir débrayé le 8 et le 9 novembre dernier, la Fédération interprofessionnelle du Québec (FIQ) fait grève le 23 novembre, en même temps que le Front commun et la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), ainsi que le 24. Ses membres ont appuyé à 95% l’escalade jusqu’à la grève illimitée, démontrant une fois de plus le ras-le-bol des professionnelles en soins de santé et leur colère face aux conditions de travail insoutenables dans le réseau public. Avec la FAE qui entre dès le 23 novembre en grève illimitée, les infirmières et le reste du secteur public doivent faire de même pour gagner!

  • Sébastien Roy, membre de la FIQ
  • jeu. 23 nov. 2023
Partager
Crédit : FIQ Santé

Cet article est écrit par Sébastien Roy, membre de la base de la FIQ. Bien que l’article se concentre sur la lutte des infirmières, les points généraux soulevés s’appliquent pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses. Nous pensons que les syndiqués dans les trois fronts de lutte du secteur public devraient pousser pour une grève illimitée commune.


Après avoir débrayé le 8 et le 9 novembre dernier, la Fédération interprofessionnelle du Québec (FIQ) fait grève le 23 novembre, en même temps que le Front commun et la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), ainsi que le 24. Ses membres ont appuyé à 95% l’escalade jusqu’à la grève illimitée, démontrant une fois de plus le ras-le-bol des professionnelles en soins de santé et leur colère face aux conditions de travail insoutenables dans le réseau public. Avec la FAE qui entre dès le 23 novembre en grève illimitée, les infirmières et le reste du secteur public doivent faire de même pour gagner!

Offre insultante de la CAQ

Après avoir géré de façon désastreuse le réseau de la santé pendant la pandémie et avoir fait avaler une entente à rabais à la FIQ lors des dernières négociations collectives qui se sont terminées en 2021, la CAQ en rajoute avec une offre ridicule pour les travailleuses de la santé, comme le reste du secteur public.

Comme nous l’avons expliqué ailleurs, l’offre salariale de 10,3% sur cinq ans est ni plus ni moins qu’une offre d’appauvrissement collectif alors que l’inflation frôle le 5% cette année. Pour ajouter l’insulte à l’injure, la CAQ a annoncé la fin de la prime de 3,5% octroyée aux professionnelles de la santé au cours de la dernière négociation collective. De plus, le gouvernement veut s’attaquer directement aux conditions de travail en augmentant la « flexibilité » des infirmières, c’est-à-dire en les déplaçant d’un département à l’autre et se donner le droit de modifier les horaires de travail comme bon lui semble.

Cela s’inscrit dans la même ligne que les attaques qu’il y a eu au CIUSSS Mauricie-Centre du Québec l’été dernier, où l’employeur force désormais toutes les professionnelles à travailler une fin de semaine sur trois sur d’autres départements. La mesure a d’ailleurs déclenché une vague de mobilisation pour s’y opposer. Malgré tout, la direction est allée de l’avant avec son projet avec le plein soutien du gouvernement de la CAQ. Sans surprise, on voit désormais les conséquences directes de ces mesures avec une augmentation des départs et une baisse des embauches. Ceci va mettre une pression encore plus grande sur les infirmières restantes à qui on va continuer à demander d’en faire plus avec moins. D’autres CIUSSS sont apparemment aussi intéressés à faire la même chose pour régler leur manque de personnel.

Tout cela dans un contexte où le réseau de santé public se détériore à vue d’œil avec des fermetures de lits et des listes d’attente insensées. Par exemple, il manquerait plus de 4000 lits en Centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) au Québec. En ce qui concerne les chirurgies, les listes d’attente ont explosé pour atteindre un nouveau sommet de 163 463 personnes en septembre 2023. 

Le gouvernement met d’ailleurs une énorme pression sur les professionnelles afin de réduire l’attente. Conséquemment, les professionnelles ont été poussées à bout. La limite a été atteinte. 

Les demandes mises de l’avant par la FIQ sont entre autres des augmentations de salaire de 18% sur trois ans avec indexation à l’inflation, des ratios sécuritaires, la fin du temps supplémentaire obligatoire (TSO) et d’autres mesures visant à améliorer la conciliation travail-famille. La CAQ ne veut évidemment rien savoir de les satisfaire.

Lancement de la grève

La pression des membres pour l’adoption d’un plan de grève était devenue impossible à ignorer.

La colère dans le réseau de la santé se fait sentir depuis des années avec des sit-in d’infirmières par centaines à travers la province, sans compter les menaces de démissions massives et les manifestations qui éclatent régulièrement. 

Depuis la grève illégale de 1999, la direction de la FIQ avait évité comme la peste l’idée de refaire une grève, mais les négociations étant dans une impasse avec la CAQ, elle s’est retrouvée sans autre option. 

La vague de soutien à la grève a été monumentale. Jamais plus on pourra dire que les infirmières ne sont pas intéressées par la grève. Le Front commun et la FAE ont connu la même vague de mobilisation en soutien à des moyens de pression combatifs.

Les premières journées de grève de la FIQ, les 8 et 9 novembre, ont cependant montré des faiblesses importantes. Dans certains CIUSSS, la mise en place des horaires de grève s’est faite avec beaucoup de difficultés. Je n’ai moi-même pas reçu d’horaire de grève à l’avance et on a dû organiser avec mes collègues notre propre horaire de grève.

La communication était aussi difficile, car les problématiques étaient si nombreuses que l’exécutif s’est retrouvé inondé de courriels et d’appels téléphoniques. La direction syndicale n’apparaissait pas prête pour une grève.

De leur côté, les directions des établissements ont cherché activement à compromettre la grève en refusant de diffuser les horaires de grève et même en embauchant des briseurs de grève à travers les agences.

Le Front commun a d’ailleurs dénoncé publiquement sur les réseaux sociaux l’utilisation de briseurs de grève au Centre d’hébergement Saint-Eusèbe.

Ce qui est certain, c’est que l’employeur ne subira pas les mêmes conséquences pour le non-respect de la loi sur les services essentiels et pour l’embauche de briseurs de grève que si ça avait été les travailleuses syndiquées qui avaient défié la loi. Le cadre législatif actuel est surtout un moyen de l’État pour limiter notre droit de grève. Les professionnelles en soins seraient tout à fait capables d’organiser elles-mêmes leur grève tout en s’assurant de ne laisser aucun patient souffrir. 

Naturellement, le gouvernement et les médias tentent de monter la population contre les infirmières et les autres grévistes. Mais leurs attaques contre les travailleuses de la santé et de l’éducation en disant qu’elles prennent la population « en otage » avec la grève ne trouve pas d’écho chez les autres travailleurs. Selon un sondage Léger commandé par la FIQ, 71% des Québécois soutiennent la grève! Tout le monde sait qui sont les vrais responsables de la détérioration du réseau public : ils sont assis en costard cravate au gouvernement et au Conseil du patronat.

Frapper ensemble

Les deux premières journées de grève n’ont pas fait bouger la CAQ. On doit dès maintenant organiser une grève illimitée et emboîter le pas avec la FAE. 

Pour gagner, la FIQ doit agir de façon unie avec le Front commun et les autres syndicats. On ne peut pas continuer à faire face à la CAQ de façon isolée. Les 550 000 travailleurs du secteur public ont tout à gagner d’être solidaires dans la lutte. Tous devraient refuser de signer une entente avant que tous aient obtenu satisfaction de leurs revendications.

Malheureusement, jusqu’à présent, rien ne laisse entendre que la FIQ rejoindra la FAE dans la GGI. De même, les dirigeants du Front commun mettent leur foi dans la conciliation et refusent d’annoncer de nouvelles journées de grève. C’est une erreur que nos directions syndicales doivent corriger au plus vite. Tous ont un mandat de grève illimitée – il faut frapper ensemble!

Le spectre d’une loi spéciale

Maintenant que les grèves du secteur public prennent de l’ampleur, l’adoption d’une éventuelle loi spéciale est soulevée par les médias. La CAQ n’a pas encore donné d’indication qu’une telle loi pourrait être adoptée, sachant très bien que cela pourrait enflammer la situation davantage. Mais on peut être certain qu’une telle loi est déjà écrite, et que le gouvernement sortira cette arme si les grèves prennent trop d’ampleur.

Même si l’arrêt Saskatchewan de la Cour suprême est censé protéger notre droit de grève, dans la pratique les gouvernements continuent de les utiliser. Nous l’avons vu en 2017 avec les travailleurs de la construction du Québec, en 2018 avec les postiers et en 2021 avec les débardeurs de Montréal. Ces lois sont déclarées anticonstitutionnelles des années plus tard, mais le mal est fait.

L’année passée, les 55 000 travailleurs de l’éducation en Ontario se sont aussi fait mettre une loi spéciale sur le dos, mais contrairement aux autres, ils ont défié la loi spéciale par une grève illégale et d’autres syndicats s’apprêtaient à rejoindre la lutte en solidarité. Le gouvernement de Doug Ford a donc été forcé de retirer sa loi. Aucune amende n’a été infligée pour la grève illégale. Cela a montré hors de tout doute que la meilleure façon de vaincre les lois spéciales est de les défier. Si Legault essaye de passer une telle loi contre les infirmières, les enseignantes ou tout autre partie du secteur public, nous devrons être prêts à faire de même!  

Le capitalisme détruit les services publics

Sous le capitalisme, il n’y aura jamais de répit pour les travailleurs et travailleuses. Le sort des infirmières dans les dernières années en est une des démonstrations les plus claires. L’austérité a détruit les services publics et attaqué ceux qui y travaillent, et il n’y a pas de perspective d’amélioration significative en vue. La loi 15 qui vise à créer Santé Québec est un autre exemple d’attaques contre les travailleurs par le gouvernement qui facilitera la privatisation.

La position de ce gouvernement patronal qui défend les intérêts des entreprises, l’érosion et la privatisation des services publics est ultimement incompatible avec la volonté des travailleurs de défendre les services publics et d’améliorer leurs conditions de travail. Ainsi en est-il sous le capitalisme. La lutte syndicale est directement connectée à la lutte contre ce système.

Pour en finir une fois pour toute, il faut construire un mouvement pour renverser ce système qui nous exploite et instaurer une société où ce sont les travailleurs et travailleuses qui ont le contrôle sur leur propre vie : une société socialiste où la santé et l’éducation cesseront d’être menacées par une minorité de patrons et leurs amis au gouvernement. 

Front commun, FIQ, FAE : pour une grève illimitée commune!

La CAQ nous fait la guerre : menons une guerre de classe!

Le capitalisme tue nos services publics, luttons pour le socialisme!