Le 20 février, après plusieurs mois de négociations, les professeurs de l’Université Laval ont déclenché une grève d’une durée initiale de deux semaines. Ils revendiquent entre autres une réduction de la charge de travail et une augmentation des salaires. Dans un contexte d’inflation et d’un sous-financement du secteur public, cette lutte est aussi celle de tous les étudiants et les travailleurs de l’éducation. 

Le Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (SPUL) regroupe près de 1300 membres et est sans convention collective depuis le 1er décembre. La grève suspend près de la moitié des cours au bac et pourrait déboucher sur une grève illimitée.

Iniquité salariale et surcharge de travail

La surcharge de travail des professeurs est au cœur des revendications. En 20 ans à l’Université Laval, le nombre de professeurs a diminué de 11% et le nombre d’étudiants a augmenté de 26%. Les professeurs sont débordés par le manque de main d’œuvre. Par exemple, Adolfo Foriero, professeur en génie civil, enseigne à 267 étudiants dans un seul cours. À cela s’ajoutent la correction, le suivi des étudiants, et une panoplie de tâches administratives. 

La surcharge de travail se ressent surtout dans les cycles supérieurs. Certains professeurs doivent assister simultanément 20 étudiants dans leur maîtrise ou doctorat. Le SPUL revendique l’embauche de 100 professeurs pour y remédier. 

Cette pénurie de professeurs affecte directement la communauté étudiante. Avec la dégradation de la qualité des cours et le manque de suivi individuel, les étudiants souffrent de plus en plus d’anxiété de performance. Particulièrement à l’Université Laval, le centre d’aide aux étudiants a observé une grande augmentation des demandes d’aide psychologique, et les ressources sont insuffisantes pour y répondre.

Le syndicat demande aussi un rattrapage salarial de 12,1% dès maintenant. L’Université Laval occupe le sixième rang du regroupement des universités de recherche du Canada. Pourtant, les syndiqués du SPUL sont bien moins rémunérés que les autres professeurs d’universités semblables. Rien ne justifie cette iniquité salariale.

Les professeurs subissent aussi les effets de l’inflation. Le SPUL demande ainsi une augmentation salariale qui suit l’indice des prix de consommation et ce pour les prochaines conventions collectives. Des prix qui montent sans augmentation salariale signifie une baisse relative de leur salaire. En refusant d’augmenter les salaires des professeurs, la direction de l’université fait payer l’inflation aux travailleurs. 

Les négociations du syndicat durent depuis le 1er septembre et la direction universitaire refuse de concéder quoi que ce soit. Selon celle-ci, il faudrait « respecter la capacité de payer » de l’université. Pourtant, ce que l’Université Laval ne dit pas c’est que la masse salariale des dirigeants a augmenté de 96% depuis 2008.

Sous le capitalisme, l’éducation est constamment sous-financée. Autant les recteurs que les associations étudiantes réclament une augmentation importantes du financement des universités. Sous la pression du sous-financement, les travailleurs de l’éducation voient leurs conditions de travail et de salaire attaquées sans répit. Cela affecte même les couches de travailleurs prétendument privilégiées, comme les professeurs d’université. 

Les négociations actuelles sont l’occasion d’empêcher la direction de l’université de faire porter le fardeau du sous-financement sur les épaules des employés. Si les professeurs acceptent des hausses salariales minimales, cela ne fera qu’envoyer le signal au gouvernement qu’il n’a pas besoin de hausser le financement universitaire.

Il y a amplement de richesses dans la société pour embaucher davantage de professeurs à des salaires adéquats. Mais cet argent se trouve dans les poches des parasites capitalistes, les mêmes qui tirent les ficelles de la CAQ, qui ont droit à des postes aux conseils d’administration des universités et qui encouragent la marchandisation de l’éducation.

Élargissons la lutte!

Le mandat de grève a été appuyé à 96% par plus de 630 professeurs. Il s’agit d’une participation historique, puisque c’est la première fois qu’une assemblée générale attire plus de la moitié des syndiqués depuis la fondation du SPUL en 1974. Cela démontre bien l’humeur combative des grévistes.

Douze syndicats de la même profession sont toujours en négociation. Les professeurs de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et ceux de l’Université de Sherbrooke (UdeS) se sont également dotés d’un mandat de grève, avec de larges appuis de 94% et 95%. Selon Michel Lacroix, président de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université, il n’y a jamais eu une telle mobilisation des professeurs dans l’histoire du Québec. La crise actuelle du système capitaliste avec l’inflation et la surcharge de travail n’épargne personne.

Les travailleurs ont beaucoup plus de chances de gagner si la grève réunit le plus grand nombre de travailleurs possible dans une frappe commune. À l’inverse, il est plus facile pour les patrons de réprimer une lutte syndicale si celle-ci est isolée. 

C’est pourquoi nous croyons que les directions syndicales des professeurs de l’UQAR et de l’UdeS devraient emboîter le pas et rejoindre dès que possible la grève actuelle de deux semaines. Puis, si cette grève ne suffit pas, une grève illimitée devrait être organisée en commun. Un tel mouvement des professeurs universitaires de l’ensemble du Québec pourrait inspirer une lutte plus large des travailleurs du secteur de l’éducation contre la CAQ. 

Le mouvement étudiant a également intérêt à soutenir activement la lutte. Plusieurs associations ont donné leur soutien aux professeurs, et certaines se préparent même à adopter un mandat de grève de solidarité. Toutefois, la plus grande association étudiante de l’université, la Confédération des associations d’étudiants et étudiantes de l’Université Laval (CADEUL), ne s’est toujours pas positionnée par rapport à la grève. Il en est de même pour l’Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AELIÉS). Honteusement, chez les deux associations, la direction préfère rester neutre dans ce conflit et s’inquiète avant tout des répercussions de la grève sur le déroulement de la session. 

Or, ce sont les patrons et l’État qui sont à blâmer pour la perturbation des cours. Cela fait des années que les universités sont sous-financées, ce qui mène à la pénurie de professeurs et la hausse des frais de scolarité. Plutôt que de rester neutres, les dirigeants de la CADEUL et l’AELIÉS devraient informer les étudiants des enjeux de la grève et les mobiliser dans une grève de solidarité. Les étudiants ont un intérêt direct à ce que les professeurs l’emportent, et devraient s’unir aux professeurs pour défendre une éducation de qualité et accessible à tous. 

Une victoire des professeurs universitaires serait une victoire pour l’ensemble de la classe ouvrière. Ce serait un excellent précédent et une inspiration pour la lutte des quelque 500 000 travailleurs du secteur public, dont ceux et celles du secteur de l’éducation, qui entreront en lutte cette année contre la CAQ.

Solidarité avec les professeurs de l’Université Laval!