« Intifada, révolution! » ou « Votez Palestine »? Une réponse au Mouvement de la jeunesse palestinienne

Le PYM, ainsi que des dizaines d’autres organisations pro-palestiniennes, ont appuyé de tout leur poids la campagne « Votez Palestine », qui soutient jusqu’à présent 17 candidats libéraux, y compris des députés du gouvernement sortant. Il s’agit d’un important recul pour le mouvement.

  • La rédaction
  • mer. 16 avr. 2025
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Depuis 18 mois, nous avons assisté à un formidable mouvement de masse en soutien aux Palestiniens. Il est devenu clair aux yeux de centaines de milliers de personnes durant cette période que le gouvernement libéral est complice du génocide à Gaza. Nombreux sont ceux qui tirent des conclusions radicales et révolutionnaires de ces événements épouvantables. 

Dans les innombrables manifestations pro-palestiniennes, il est désormais courant d’entendre des slogans tels que « Il n’y a qu’une seule solution : Intifada, révolution! », chantés par des milliers de personnes. 

« Intifada », qui signifie « secouer », est le terme qui renvoie à la révolution palestinienne de 1987. Et c’est la voie à suivre : au Moyen-Orient comme au Canada, les travailleurs et les pauvres doivent se soulever et renverser leur classe dirigeante pour mettre fin aux souffrances qu’elle nous impose.

Dans le mouvement palestinien, beaucoup de gens parlent ouvertement de révolution et dénoncent la classe dirigeante canadienne. L’une de ces organisations est le Mouvement de la jeunesse palestinienne (Palestinian Youth Movement, PYM), l’un des groupes pro-palestiniens les plus importants en Amérique du Nord.

L’an dernier, le PYM disait même que le mouvement de solidarité avec la Palestine avait le potentiel de devenir un mouvement révolutionnaire et qu’il fallait se méfier de la cooptation du mouvement par des éléments libéraux. Le groupe parle souvent de la nécessité d’une révolution. 

Aujourd’hui, cependant, le PYM, ainsi que des dizaines d’autres organisations pro-palestiniennes, ont appuyé de tout leur poids la campagne « Votez Palestine », qui soutient jusqu’à présent 17 candidats libéraux, y compris des députés du gouvernement sortant. 

Venant de groupes comme le PYM qui prétendent lutter pour une révolution, c’est tout simplement ahurissant. Nous devons appeler les choses par leur nom : il s’agit d’un important recul pour le mouvement, et un détournement complet des efforts des militants et des révolutionnaires qui veulent libérer la Palestine.

Appui aux libéraux

Dans une déclaration récente sur leur page Instagram (également publiée dans un article de The Maple), le PYM explique sa position ainsi :

« Votez Palestine est une plateforme non partisane appelant les candidats à s’engager sur cinq demandes : un embargo bilatéral sur le transfert d’armes; la fin de l’implication canadienne dans les colonies israéliennes; la lutte contre le racisme anti-palestinien et la protection de la liberté d’expression sur la Palestine; la reconnaissance de l’État de Palestine; et le financement correct des efforts de secours à Gaza, y compris de l’UNRWA. »

« Les milliers de personnes qui ont pris l’engagement de voter pour la Palestine ne s’engagent pas seulement à prendre en compte la position d’un candidat sur la Palestine, mais se joignent à un mouvement de personnes qui s’organisent dans leur quartier pour rendre la Palestine incontournable lors de cette élection. »

Le PYM commente également le fait que même des candidats et députés libéraux, c’est-à-dire le parti qui a aidé et encouragé le génocide, soutiennent maintenant la campagne : 

« …par rapport aux élections de 2021, où aucun candidat libéral n’avait soutenu Votez Palestine, nous pouvons constater que la dynamique est en train de changer. Cette fois-ci, la réputation d’Israël est confrontée à des dommages irréparables, une réalité qui, combinée à 18 mois de construction de mouvements de masse, a rendu impossible pour de nombreux candidats libéraux de suivre la ligne du parti et d’ignorer ces demandes sans risquer leur siège au Parlement. »

Ce qu’ils disent, c’est que le fait que quelques libéraux soutiennent la Palestine du bout des lèvres représente un pas en avant.

C’est tout à fait faux. Loin de pousser les libéraux à s’opposer à la ligne de leur parti, ce que nous avons ici, ce sont des « révolutionnaires » qui donnent une couverture de gauche aux libéraux. Ils aident des candidats et députés libéraux sortants, des gens qui ont du sang sur les mains, à prétendre qu’ils se soucient de la Palestine. 

Il s’agit là d’un autre exemple de l’énorme pression en faveur de la politique du « moindre mal ». Nous entendons souvent l’argument selon lequel les conservateurs sont bien pires que les libéraux pour les travailleurs et les opprimés. Mais l’histoire a montré à d’innombrables reprises que les libéraux mettent en œuvre des politiques très similaires à celles des conservateurs sur toutes les questions clés – notamment en ce qui concerne la Palestine. Les libéraux ont continué à vendre des armes au régime israélien sanguinaire durant le génocide, ont calomnié des militants pro-Palestine, continuent de nier le génocide lui-même, et excusent constamment le régime israélien pour ses actions.

En encourageant le vote pour des libéraux, le PYM et la campagne « Votez Palestine » alimentent les illusions dans le principal parti de la classe dirigeante canadienne qui défend les actions génocidaires d’Israël. Le soutien de « Votez Palestine » aux candidats du NPD, y compris Jagmeet Singh lui-même – le chef du parti qui a soutenu les libéraux tout au long du génocide – ne va pas non plus faire avancer le mouvement, comme nous l’avons expliqué ailleurs.

Les marxistes ne sont pas des abstentionnistes. Bien que nous expliquions que le Parlement est un environnement hostile et que les élections parlementaires sont essentiellement un moyen pour quelques partis de décider pacifiquement lequel aura son tour pour gérer les affaires de la classe dirigeante, nous reconnaissons que, dans certaines circonstances, les travailleurs et les opprimés peuvent utiliser cette plateforme pour défendre nos intérêts. C’est ce que nous avons vu lors des élections générales britanniques en juillet de l’année dernière, où des dizaines de candidats pro-palestiniens indépendants se sont présentés aux élections contre les partis pro-sioniste que sont les Conservateurs et les Travaillistes, et cinq d’entre eux ont été élus au Parlement.

Mais ce que nous avons ici est différent. Au lieu de présenter des candidats indépendants, nous avons un autre exemple de la stratégie erronée qui consiste à faire appel à la classe dirigeante et à ses représentants politiques pour mettre fin au génocide, et à entretenir l’illusion que les libéraux peuvent nous aider. 

Ce dont le mouvement a besoin, c’est d’une véritable approche de classe. Nous ne pouvons pas faire confiance aux partis capitalistes qui, de temps en temps, disent qu’ils soutiennent les Palestiniens pour ensuite les trahir une fois élus. 

On ne peut pas être en faveur d’une « Intifada » et en même temps appuyer les libéraux, les principaux représentants de la classe dirigeante canadienne. 

La voie à suivre

Comme si cette campagne n’était pas déjà assez mauvaise, elle a été annoncée au moment même où la mobilisation s’intensifiait pour des grèves étudiantes au Canada.

En effet, à l’Université de Colombie-Britannique, à Vancouver, près de 8000 étudiants ont voté lors d’un référendum en faveur d’une grève étudiante de deux jours les 24 et 25 mars. Ce vote est historique, tant pour le nombre de participants que pour le fait que c’était le premier en son genre depuis des décennies au Canada anglais. Il s’agit d’un grand pas en avant pour le mouvement et montre ce qu’il est possible d’accomplir.

De même, à l’Université McGill, le 27 mars, plus de 600 étudiants de premier cycle ont voté à la quasi-unanimité en faveur d’une grève étudiante pour la Palestine du 2 au 4 avril. Nous n’avions pas vu de telle assemblée générale sur ce campus depuis très longtemps! Celle-ci a été suivie d’un référendum au cours duquel 2 700 étudiants (72 % des votants) se sont prononcés en faveur de la grève. 

Ces votes de grève donnent un aperçu de l’humeur des étudiants. Chaque fois qu’on leur pose la question, les étudiants soutiennent massivement une grève pour la Palestine. Le potentiel d’un mouvement de grève de masse des étudiants est clairement présent. 

Malheureusement, la plupart des organisations pro-palestiniennes ignorent ces développements. Le PYM n’a pas dit un seul mot sur ces grèves – pas même une simple publication Instagram pour les soutenir passivement.

Ces groupes ont essentiellement laissé les étudiants à eux-mêmes. Le résultat est que ces grèves ont été isolées et que la participation a été plutôt faible lors des jours de grève. Le fait que les dirigeants des syndicats étudiants des deux campus ne se soient pas vraiment mobilisés n’a pas aidé. Mais le point principal est qu’aucun effort n’a été fait par les principaux groupes pro-palestiniens pour amplifier ces luttes.

Si le PYM et les autres groupes mettaient ne serait-ce qu’une fraction des efforts qu’ils ont déployés pour « Votez Palestine » dans une campagne de grèves étudiantes, cela changerait complètement la situation. En fait, un mouvement de grève étudiante de masse aurait été le moyen de rendre la Palestine « incontournable lors de cette élection »!

Le mouvement de solidarité avec la Palestine est dans une impasse et a besoin d’une nouvelle stratégie. Le fait que deux votes de grève aient eu lieu dans deux des universités les plus importantes du Canada (et des universités souvent dépeintes comme conservatrices et de droite) dans un isolement presque total montre ce qui peut être accompli. Si tous les groupes de solidarité avec la Palestine s’unissaient pour organiser et promouvoir des grèves étudiantes, cela pourrait avoir un écho énorme partout au pays. Au lieu de cela, les principales organisations poursuivent leur stratégie infructueuse consistant à faire appel à la classe dirigeante pour qu’elle nous écoute. 

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un mouvement qui s’oppose de manière irréconciliable à la classe dirigeante et à ses politiciens; d’un mouvement qui défend la perspective de grèves étudiantes et de grèves ouvrières. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un mouvement authentiquement révolutionnaire contre l’impérialisme. C’est ce pourquoi le PCR milite.