
La ministre québécoise de l’Éducation, Pascale Déry, a admis être intervenue pour demander à deux cours de cégep de ne pas parler de la Palestine. Le gouvernement de la CAQ, qui il y a quelques années se posait comme le champion de la « liberté académique », piétine maintenant cette liberté pour plaire à ses amis sionistes.
Après le démantèlement forcé des campements pro-palestiniens l’été dernier – dont Déry disait qu’ils n’avaient « pas leur place » – la ministre a organisé une réunion avec les directeurs de quatre collèges montréalais pour discuter des « tensions » politiques sur les campus.
Lors de cette réunion, elle a pointé du doigt un cours sur l’histoire et la culture palestiniennes et a exigé que le collège Dawson fasse une enquête pour prouver qu’il n’avait violé aucune loi ni aucun règlement. On a appris depuis qu’elle avait également tenté d’intervenir dans le contenu d’un cours d’anglais sur la littérature palestinienne au collège Vanier.
Ce genre d’interventions directes par la ministre dans le contenu d’un cours particulier est sans précédent. « C’est très, très exceptionnel. On n’a jamais vu ça », affirme la secrétaire du Syndicat des professeurs de Dawson, Antonia Fikkert. La Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université a dénoncé ces interventions comme « une menace sur l’ensemble des institutions d’enseignement supérieur ».
Déry prétend agir comme arbitre neutre face aux « tensions » sur les campus, mais elle a en fait agi directement sous la pression de lobbys sionistes. Des groupes sionistes, la Fédération CJA et le CIJA (Centre des affaires israéliennes et juives), se sont même vantés que l’enquête de Déry avait été « initiée grâce [à leurs] actions continues ».
La Fédération CJA et le CIJA sont des riches groupes de pression sionistes qui, depuis le 7 octobre 2023, utilisent leurs ressources pour « encourage[r] ceux qui ont vécu du harcèlement, de l’intimidation, de la violence, à faire part de leurs plaintes aux autorités » – autrement dit, ils trouvent des étudiants sionistes prêts à jouer le rôle de pauvres victimes des dangereux militants pro-palestiniens, et armés d’avocats et d’experts en relations publiques, s’en servent pour faire pression sur les administrations des cégeps et universités et donner l’impression d’un climat de violence antisémite sur les campus.
Et ils ont certainement trouvé une oreille attentive auprès de la ministre de l’Éducation, puisque Déry elle-même est une sioniste convaincue qui a siégé au conseil d’administration du CIJA de 2016 jusqu’à 2022, quand elle est devenue ministre!
Il s’agit d’une tentative à peine déguisée de faire taire toute discussion sur la Palestine sur les campus. Elle s’inscrit dans la lignée de tout ce que nous avons vu au cours des 16 derniers mois : une vague de répression de la solidarité avec la Palestine, à coup d’accusations calomnieuses d’antisémitisme, de censure, de congédiements, voire d’emprisonnements.
Une enseignante à Dawson explique : « Les professeurs ont peur de dire certaines choses, d’enseigner certaines choses. Des choses qui sont considérées comme des savoirs légitimes, mais qui, parce qu’ils sont liés à certains groupes, sont décrites comme étant antisémites. » C’est ce que la classe dirigeante du monde entier cherche à faire : réduire au silence quiconque défend la Palestine ou en parle de la « mauvaise manière ».
La ministre Déry s’est défendue en disant : « Je suis effectivement intervenue sur le contenu du cours pour une simple et bonne raison, c’est que le contexte était vraiment explosif. Ce que j’ai demandé, c’est : pour éviter de jeter de l’huile sur le feu, est-ce que dans ce cours de français [à Dawson], […] on aurait pu éviter de parler d’enjeux plus sensibles et plus clivants? »
Venant de la CAQ, c’est le comble de l’ironie. Il y a trois ans, elle a fait adopter une loi pour protéger la « liberté académique ». Le gouvernement était monté aux barricades contre la « censure » après des témoignages anecdotiques d’enseignants qui disaient éviter d’utiliser le « mot en N », dans le cadre d’un grand débat monté de toutes pièces par les médias et les chroniqueurs de droite. La ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, Danielle McCann, avait justifié cette loi en disant que les professeurs devaient pouvoir aborder « des idées et des sujets qui sont susceptibles de choquer ». Bien entendu, ces hypocrites n’ont pas de problème à faire de l’ingérence politique quand il s’agit de censurer des professeurs qui parlent de la Palestine.
Pour la classe capitaliste et ses représentants, la « liberté d’expression » ne s’applique que lorsqu’elle sert leurs intérêts matériels. Lorsqu’elle peut être utilisée pour semer la division parmi les travailleurs et les jeunes, ils prennent sa défense et la déclarent droit de la personne inaliénable. Cependant, lorsque les travailleurs et les jeunes dénoncent les horreurs créées par leur système, et surtout lorsque nos mouvements protestataires menacent directement leurs intérêts, ce soi-disant « droit inaliénable » est jeté aux oubliettes sans la moindre hésitation. Tant que notre société sera divisée entre exploiteurs et exploités, capitalistes et travailleurs, il n’y aura pas de véritable liberté académique ou de liberté d’expression.