Nous publions ici la traduction d’un article écrit par une camarade ontarienne de La Riposte socialiste et publié le 10 décembre dernier sur notre site Fightback.

Le 15 novembre dernier, le ministre des Finances de l’Ontario, Vic Fideli, a présenté son énoncé économique d’automne. Le premier ministre de la province, Doug Ford, s’attendait probablement à une certaine réaction défavorable, considérant que l’énoncé incluait des allégements fiscaux pour les riches et la fin du contrôle des loyers pour les nouvelles propriétés. Affronter un tollé est déjà chose commune pour le gouvernement progressiste-conservateur. Toutefois, il y a bien un front sur lequel Ford semble avoir sous-estimé l’ampleur et l’intensité de la résistance auquel il ferait face : ce sont les coupures affectant les Franco-Ontariens.

Le poste de Commissaire aux services en français a été aboli et ses fonctions et responsabilités ont été reléguées au bureau de l’ombudsman. Le financement pour la création d’une université francophone à Toronto a également été sacrifié, contrairement à la promesse faite par Ford en juillet d’aller de l’avant avec ce projet. Ces coupes s’inscrivent dans un programme d’austérité plus large du gouvernement Ford qui inclut notamment l’abolition des postes de commissaire à l’environnement, celui d’intervenant en faveur des enfants et des jeunes ainsi que l’abandon des plans de construction de trois campus universitaires dans le Grand Toronto. Cependant, ces coupes dans les services francophones doivent aussi être comprises comme une attaque contre une minorité historiquement opprimée au sein de l’État canadien.

Depuis que le gouvernement ontarien a annoncé qu’il couperait dans les services offerts en français, on a assisté à des manifestations devant les bureaux des députés à travers la province. Mais avant de traiter des efforts de résistance actuels, il est important de comprendre l’histoire des Franco-Ontariens.  

Les Franco-Ontariens : une histoire de résistance

Depuis la conquête de la Nouvelle-France par les Britanniques en 1763, les Canadiens-français ont été traités en grande partie comme des citoyens de seconde zone. Abordant les tensions entre les Canadiens anglais et français, Lord Durham écrivait en 1839 : « La langue, les lois et le caractère du continent nord-américain sont anglais. Toute autre race que la race anglaise (j’applique ce mot à tous ceux qui parlent la langue anglaise) y apparaît dans un état d’infériorité. » C’était dans l’objectif d’étouffer démographiquement la population francophone que le Haut et le Bas-Canada ont été unifiés en 1841. Après la Confédération, le Québec est demeuré délibérément sous-développé et les francophones formaient une sous-classe bien définie. En 1961, le salaire moyen d’un travailleur francophone correspondait à 52% de celui d’un travailleur anglophone. Mais les luttes des Canadiens français ne se sont pas limitées au Québec. Vers la moitié du 18e siècle, les Acadiens ont été expulsés de force des Maritimes par les Britanniques. Dans l’ouest, le combat mené par les Métis au 19e siècle incluait la lutte pour les droits linguistiques en plus de celle pour le contrôle de leur territoire.

Pour leur part, les Franco-Ontariens habitent la région depuis plus de 400 ans, ce qui précède la colonisation anglaise. En 1886, le journal torontois The Mail décrivait les écoles francophones comme étant « non seulement les pépinières d’une langue étrangère, mais aussi de coutumes étrangères, de sentiments étrangers et, nous le disons sans malice, de tout un peuple étranger. » Ce sentiment a dominé la vision du gouvernement provincial et fut répandu dans la société canadienne anglophone. En 1912, le gouvernement a promulgué le Règlement 17 qui restreignait l’usage du français dans les écoles. Les enseignants étaient autorisés à parler en français à un élève seulement si celui-ci ne parlait pas anglais et là encore, seulement au cours de la première année d’étude. Puis vint le Règlement 18 qui menaçait les enseignants de perdre leur brevet d’enseignement et les commissions scolaires de perdre leur financement si la réglementation sur le français n’était pas respectée. Ces menaces affectaient particulièrement les communautés isolées, notamment dans le nord. Ces règlements ont eu pour conséquence que beaucoup de Franco-Ontariens n’ont pas appris à parler ou à écrire dans leur propre langue. Michel Bock, professeur d’histoire à l’Université d’Ottawa et l’auteur de Le siècle du Règlement 17, affirme : « C’est une génération qui fut essentiellement perdue. » Le Règlement 17 et d’autres lois similaires ailleurs au Canada ont eu comme résultat une anglicisation de 75% des francophones hors Québec.

Néanmoins, la résistance féroce s’est poursuivie.  Les enseignants et les élèves cachaient leurs textes aux inspecteurs scolaires et certaines écoles s’autoproclamaient ouvertement « écoles de la résistance ». En 1917, la lutte a coïncidé avec la crise de la conscription qui a polarisé le pays entre les francophones et les anglophones. Les francophones ne voulaient pas aller mourir outremer pour l’Empire britannique et l’État et les médias canadiens-anglais faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour dépeindre les francophones comme des lâches et des traîtres. Les Franco-Ontariens vont finalement gagner le droit de parler leur langue à l’école quand la législation discriminatoire sera abolie en 1927. La lutte contre le Règlement 17 a donné naissance aux organisations francophones comme l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et le journal Le Droit, qui ont continué de mener la lutte pour les droits linguistiques en Ontario durant le 20e siècle et jusqu’à nos jours.

La lutte pour les services en français a continué dans le temps. Dans les années 70, on a assisté à une série de luttes étudiantes pour protéger les écoles secondaires francophones dans les communautés majoritairement francophones. En 1997, le gouvernement progressiste-conservateur, lors d’une vague de fermetures d’hôpitaux, a tenté de fermer l’hôpital Montfort d’Ottawa, le seul hôpital francophone à l’ouest du Québec. Cette tentative a mené à une lutte d’un an menée par la campagne populaire SOS Montfort. La lutte a éventuellement été gagnée devant les tribunaux, mais s’accompagnait également de mobilisations dans les rues. Par exemple, un rassemblement de 10 000 personnes a été tenu au parc Lansdowne et une chaîne humaine de 2000 étudiants entourant l’hôpital avait été organisée.

Il y a aujourd’hui 622000 Franco-Ontariens, en se basant sur la définition actuelle qui inclut tous ceux qui parlent français à la maison. Ce nombre correspond à 4,7% de la population de l’Ontario, et fait de cette dernière la province ayant la plus grande population de francophones hors Québec. Bien qu’il existait de grandes populations francophones dans le sud-ouest de l’Ontario, comme à Windsor, ces communautés ont fait face aux pressions de l’assimilation. C’est dans le Nord de l’Ontario qu’on retrouve encore une grande part de la population qui parle français. De manière parallèle, on assiste à une augmentation du nombre d’immigrants provenant de pays francophones installés dans les centres urbains, même dans des villes traditionnellement anglophones comme Toronto. Cela dit, même si le nombre absolu de francophones dans la province augmente, le pourcentage des francophones par rapport à la population totale diminue. Comme la prestation des services en français est actuellement dépendante du fait que les francophones doivent parvenir à représenter 10% de la population totale dans une région, la pression de préserver la langue, encourager les francophones à rester dans la région particulière et attirer des immigrants francophones est ressentie durement par la communauté. Dans ce contexte, la menace aux services en français est une menace à la viabilité de la communauté franco-ontarienne elle-même, puisque cela poussera les francophones à l’assimilation ou à quitter la province.

Pour les Franco-Ontariens, le Commissariat aux services en français représente plus qu’un chien de garde bureaucratique. Il est vu comme une voix pour la communauté au sein du gouvernement. Le commissaire s’assure que la Loi sur les services en français (qui s’assure que là où au moins 10% de la population est francophone, les résidents peuvent recevoir des services d’institutions provinciales dans leur langue) est respectée. Il s’agit d’une avancée gagnée de haute lutte, après plus de cent ans passés sans pouvoir recevoir des services de base en français.

Une université francophone est depuis longtemps nécessaire en Ontario. Le Nouveau-Brunswick et le Manitoba, qui ont une population francophone beaucoup plus petite, ont tous deux une université francophone. Le Québec compte 750000 anglophones, et il y a trois universités anglophones dans la province. Bien que l’Ontario compte sur trois collèges francophones et six universités bilingues, leurs programmes sont limités et les étudiants qui veulent continuer leurs études en français doivent souvent quitter la province. La lutte pour la mise en place d’une université francophone en Ontario dure depuis des décennies et constitue la poursuite de la lutte pour une éducation en français, qui a commencé en 1912.

Les répercussions dans le reste du Canada

Les coupes de Doug Ford ont eu des répercussions à travers le pays. Elles ont fait la une au Québec et des anglophones du Québec ont exprimé leur solidarité avec les Franco-Ontariens. Le nouveau premier ministre François Legault a personnellement rencontré Ford pour le persuader de reculer, mais sans succès.

Les francophones des autres provinces se sentent également à risque et ont peur que Ford instaure une tendance qui sera suivie ailleurs. Le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne a affirmé lors d’une entrevue que « C’est une attaque directe à la viabilité et la pérennité de nos communautés ».

Les francophones sont particulièrement inquiets au Nouveau-Brunswick, où les progressistes-conservateurs vont bientôt former un gouvernement minoritaire appuyé par l’Alliance des Gens, un parti populiste de droite, pour se maintenir au pouvoir. L’Alliance revendique l’abolition du Commissariat aux langues officielles et la fin du bilinguisme en général. Le parti insiste en particulier sur la fin du service d’ambulance bilingue. Bien que les droits des communautés linguistiques soient enchâssés dans la constitution néo-brunswickoise, le poste de commissaire n’a pas été rempli et on craint que le premier ministre conservateur en devenir, Blaine Higgs, fusionne ce poste avec celui d’ombudsman, comme en Ontario. De plus, le bureau du commissaire est sous-financé depuis 2002. Higgs lui-même s’est historiquement opposé au bilinguisme, lui qui a été l’un des fondateurs du Confederation of Regions Party dans les années 90, un parti de droite qui souhaitait abroger la Loi sur les langues officielles dans la province.

En Nouvelle-Écosse, les Acadiens luttent encore contre le redécoupage de la carte électorale qui a dilué leur poids dans leurs circonscriptions il y a six ans. Le Manitoba a récemment aboli le poste de sous-ministre adjoint responsable du Bureau d’éducation française. Avec l’élection probable du Parti conservateur uni en Alberta, il est à craindre que les droits des francophones de cette province seront les prochains à être menacés.

Coupes de Ford : l’austérité rencontre l’anglo-chauvinisme

Si Doug Ford a été surpris par la réponse des Franco-Ontariens à ses coupes, c’est probablement parce qu’il ne savait même pas qu’ils existaient. Dans une entrevue à Radio-Canada qui visait une audience franco-ontarienne plus tôt cette année, on a demandé à Ford ce qu’il pensait d’apprendre le français. Il a répondu : « C’est important de communiquer avec une autre partie du pays qui parle le français. J’aime le Québec. J’aime les Québécois, ils sont passionnés. Je les aime à cause de leur passion. »

L’approche de Ford témoigne du fait qu’il considère les enjeux francophones comme complètement secondaires, voire qu’il ne les considère pas du tout. Comme conseiller municipal, Ford a voté contre la création d’un comité francophone au niveau municipal. Lors de sa première journée comme premier ministre, Ford a aboli le ministère des Affaires francophones. En rupture avec la tradition, il n’a pas parlé en français dans son premier discours du trône. Le Commissaire aux services en français, François Boileau, a appris que son poste allait disparaître seulement 30 minutes avant que l’annonce en soit faite.

L’abolition du commissaire en particulier ne fait aucun sens, puisque le travail du bureau se poursuivra et coûtera probablement de l’argent. En plaçant les mêmes fonctions sous l’égide de l’ombudsman, l’application de la Loi sur les services en français sera moins efficace, mais il n’y a aucune indication que ceci fera économiser de l’argent. Dans tous les cas, le budget du commissariat n’était que de 2,8 millions de dollars par année. Même le coût de construction d’une nouvelle université (estimé à 12 millions de dollars) n’est qu’une fraction insignifiante des 15 milliards de dollars d’économies que Ford souhaite réaliser. De plus, il y a une autre coupe qui est passée sous le radar, soit le fait que trois magazines éducatifs francophones ont été abolis, malgré que le financement de ces magazines provenait du gouvernement fédéral sous forme de subvention aux initiatives en français.

Bien qu’il n’y ait aucune logique financière à ces coupes, il y a une logique politique derrière. Elles s’inscrivent dans cette vieille tactique qui consiste à cibler un groupe perçu comme une minorité « privilégiée » afin de marquer quelques points populistes, tout en divisant les travailleurs. L’Alliance des Gens du Nouveau-Brunswick en est un exemple typique. La même rhétorique de « réduction de coûts » est utilisée par ce parti. Les francophones sont une cible particulièrement facile. Quiconque a vécu dans les années 90 se rappellera comment la presse anglo-canadienne crachait son vitriol sur les francophones, dénonçant le référendum sur la souveraineté de 1995 et diabolisant les Québécois. Un éditorial du Financial Post écrit en 1996 est un exemple parfait de cette rhétorique. Il parle des Québécois ainsi : « Ils se plaignent, gémissent et nuisent à l’économie. Ils conspirent et se regroupent pour former un État ethnocentrique francophone. Ils réécrivent l’histoire. Ils créent des revendications au sujet de récentes injustices. Ils irritent les Anglo-Canadiens pour faire avancer leur cause. En un mot, ils sont méprisables. » Ce qui est vraiment méprisable est l’anglo-chauvinisme qui non seulement masque la véritable histoire d’oppression, mais fomente aussi les divisions qui profitent aux politiciens capitalistes des deux côtés. La colère des travailleurs anglophones est dirigée contre les francophones, ce qui ne peut que profiter aux nationalistes de droite comme Legault, qui utilise le ressentiment qui en découle pour gagner l’appui des travailleurs francophones au Québec. Le poison de l’anglo-chauvinisme a coupé court aux tentatives de construire des organisations ouvrières unies et d’étendre les luttes ouvrières lors du 20e siècle, par exemple avec la scission du NPD en 1963 ou lors de la grève générale de 1972 au Québec. Les divisions entre les travailleurs francophones et anglophones n’ont fait que servir à leurs classes dirigeantes respectives.

En tant que dirigeant d’un gouvernement sans mandat populaire, les intérêts de Ford le poussent à marquer quelques points faciles au détriment des Franco-Ontariens. Dans un éditorial pour le National Post, Caroline Mulroney, la ministre déléguée aux Affaires francophones, a défendu les coupes en tentant d’opposer les besoins de la communauté francophone à ceux de la classe ouvrière plus large en disant que la province ne peut pas se permettre de dépenser 12 millions de dollars sur une université en plus de financer des hôpitaux et des routes. Le fait qu’on donne des congés fiscaux aux riches n’est toutefois jamais remis en question.

La lutte se poursuit

Les conséquences politiques de ces coupes sont presque assurément plus importantes que ce que le gouvernement avait prévu. Mulroney, celle qui doit convaincre la communauté franco-ontarienne de la nécessité de ces coupes, a été appelé à démissionner, et les commentateurs politiques disent qu’elle ferait mieux d’abandonner l’idée de briguer la direction du parti. Amanda Simard, la seule Franco-Ontarienne du caucus conservateur, a quitté le parti et siège désormais comme députée indépendante.

Cet enjeu donne même du fil à retordre au chef du Parti conservateur fédéral, Andrew Scheer. En vue des élections de l’an prochain, ce dernier était enthousiaste à l’idée d’avoir Doug Ford comme allié, en particulier pour s’opposer à la taxe carbone des libéraux. Une telle association risque aujourd’hui de provoquer la colère de l’électorat québécois. Scheer a donc critiqué les coupes et annoncé que son parti se porterait toujours à la défense des francophones, sans toutefois expliquer comment il comptait s’opposer à Ford. Il a ensuite demandé une rencontre avec les dirigeants des partis fédéraux sur la question des droits des francophones, ce qui équivaut à une opposition symbolique sans effet concret. Bien entendu, les libéraux de Trudeau n’ont pas manqué cette occasion de s’attaquer à Ford. Ce dernier était auparavant un modèle influent au sein des conservateurs; il est désormais un fardeau.

Bien sûr, aucun de ces politiciens n’aurait agi sans la colère et l’organisation des Franco-Ontariens eux-mêmes, qui sont la vraie force motrice dans ce conflit. Une semaine après l’annonce des coupes, Ford a été forcé de reculer sur certains points. Son gouvernement a nommé Mulroney, déjà discréditée par cette affaire, ministre des Affaires francophones, redonnant à ce portfolio le statut de ministère, et a promis d’embaucher un conseiller politique principal responsable des affaires francophones au bureau du premier ministre. Le gouvernement a déclaré qu’il faisait ces concessions minimales (qui sont loin de redonner son indépendance au Bureau du commissaire et ignorent la question de la nécessité de la création d’une université franco-ontarienne) en reconnaissance de la contribution « importante et continue » des Franco-Ontariens dans la province. Cette réponse n’a pas convaincu ces derniers, qui ont continué la lutte en manifestant le 1er décembre comme il était prévu.

À la résistance!

La communauté franco-ontarienne a bien su tirer profit de son histoire, son expérience et de son organisation dans sa lutte contre les coupes de Ford. Dans les jours qui ont suivi le 15 novembre, Le Droit a publié des lettres et éditoriaux de manière quotidienne pour expliquer la nécessité d’une résistance organisée. À la fin du mois, des centaines d’étudiants issus de 14 écoles secondaires dans le Grand Toronto ont débrayé en signe de protestation. En ce qui concerne les manifestations de masse, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario a mené la charge et brandi son slogan « Résistance! » et organisé des manifestations dans 40 communautés partout en Ontario. Au total, 14000 personnes ont participé, avec plus 5000 manifestants à Ottawa, ce qui l’une des manifestations les plus larges depuis l’inauguration de Ford. « Pour la première fois dans l’histoire, les Franco-Ontariens sont mobilisés dans l’ensemble la province », a dit Gilles Levasseur, un professeur de Droit et commerce à l’Université d’Ottawa.

Après une telle manifestation réussie, la question qui se pose est de savoir ce que sera la prochaine étape dans la lutte. L’AFO a annoncé qu’elle organiserait une série de tables rondes dans les prochains jours. Son président, Carol Jolin, pense qu’il est encore possible de négocier avec le gouvernement Ford. Mais généralement, l’AFO se tourne vers les libéraux fédéraux pour de l’aide, espérant qu’ils seront une nouvelle source de financement. Cette tactique est erronée. Le problème n’est pas économique, mais politique. Tant que l’austérité demeure à l’ordre du jour, aucune communauté n’est à l’abri. Tant et aussi longtemps que les groupes marginalisés se tournent vers la classe dominante pour de l’aide, ils seront trahis.

En fait, certains représentants de la communauté appellent à une convergence des luttes avec d’autres groupes opprimés ainsi qu’avec la population ontarienne en général. Les porte-parole de Dialogue Canada ont écrit dans Le Droit : « Nous devons forger des alliances avec d’autres couches de la population – les nouveaux arrivants et les Premières nations – et tous les groupes minoritaires qui sont dans une situation similaire. » Stéphanie Chouinard, une politologue du Collège militaire royal du Canada qui figure parmi les opposants les plus véhéments des coupes de Ford, s’exprimait de la manière suivante : « Lorsque j’ai parlé dans les médias anglophones, j’ai ressenti moins de scepticisme qu’un désir de comprendre. Je pense que la francophonie ontarienne doit envoyer le message que les décisions qui l’affectent font partie d’une vague d’attaques plus large contre les couches les plus vulnérables de la société, comme on l’a vu avec les mesures gouvernementales qui affectent les jeunes enfants, les services sociaux… » La division hospitalière du Syndicat canadien de la Fonction publique, qui représente plus de 40000 travailleurs dans 60 centres hospitaliers dans toute l’Ontario, a déjà rejoint le mouvement. Bien que les manifestations du 1er décembre aient été impressionnantes, Ford n’a manifesté aucune volonté de faire d’autres concessions. Par le passé, les Franco-Ontariens ont démontré leur capacité à lutter, mais leur combat ne peut être que renforcé par l’unité de toutes les couches de la classe ouvrière et des opprimés qui sont victimes de l’austérité de Ford.

Tout comme les Franco-Ontariens ne doivent pas s’isoler de la lutte plus large contre Ford, le mouvement dans son ensemble ne doit pas ignorer leur détresse. Pendant trop longtemps, le chauvinisme anglophone a servi à isoler un groupe historiquement marginalisé et à priver le reste de la classe ouvrière de ses traditions radicales. La lutte pour des services décents et accessibles en est une que tous les travailleurs doivent mener. Le temps est maintenant venu d’unir la classe ouvrière et de riposter.