Les parasites capitalistes accumulent 1580 milliards pendant que les travailleurs meurent

Pendant que les travailleurs perdent leur emploi et meurent de la COVID-19, les capitalistes canadiens accumulent des sommes astronomiques. Au cours de l’année 2020, la somme d’argent accumulée de manière improductive sur les comptes bancaires des entreprises a augmenté de plus de 500 milliards de dollars.

  • Guthrie Burnett-Tison et Alex Grant
  • mer. 3 mars 2021
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Depuis le début de la pandémie en mars dernier, on nous dit que nous sommes tous dans le même bateau. Maintenant, cela se révèle être un grand et terrible mensonge. Pendant que les travailleurs perdent leur emploi et meurent de la COVID-19, les capitalistes canadiens accumulent des sommes astronomiques. D’après notre analyse des données de Statistique Canada, au cours de l’année 2020 la somme d’argent accumulée de manière improductive sur les comptes bancaires des entreprises a augmenté de plus de 500 milliards de dollars. On constate qu’au lieu d’être dans le même bateau, les riches sont sur un yacht de luxe, tandis que la majorité d’entre-nous sommes jetés par-dessus bord.

Des profits fabuleux pendant que la pauvreté grandit

L’année 2020 a été un tournant historique au Canada. Jamais depuis les années 1930 nous n’avons vu un effondrement économique aussi dramatique en si peu de temps. Des études montrent que l’activité économique canadienne a chuté de 5 à 6% au cours de l’année, frappant particulièrement le secteur des services. En effet, ce fut un effondrement comme aucun autre dans l’histoire du capitalisme.

Pourtant, malgré le terrible effondrement de l’économie, 2020 a été une excellente année pour les capitalistes canadiens, une année de profits fabuleux et de prospérité au milieu de la misère. À la fin de l’année, la somme d’argent mort – l’argent dormant, non investi, improductif et thésaurisé – avait augmenté de 500 milliards de dollars. Au troisième trimestre de 2020, date des statistiques les plus récentes, le total des espèces et des dépôts des sociétés canadiennes s’élevait à 1580 milliards de dollars. Cette épaisse pile d’argent liquide, qui reste inactive et accumule la poussière, a augmenté dans des proportions ahurissantes de 56% en 12 mois! Mais comment cela est-il possible au milieu de la pire crise économique depuis la Grande Dépression?

L’homme derrière ce merveilleux tour de magie n’est autre que le grand magicien Justin Trudeau lui-même. Au début de la pandémie, l’État a immédiatement profané le plus sacré des saints capitalistes : le libre marché. Ne voyant pas d’autre choix, Trudeau a injecté des centaines de milliards dans l’économie dans le but supposé d’empêcher son effondrement grâce à l’aide du gouvernement. Les premiers à recevoir de l’argent ont bien sûr été les pauvres spéculateurs et capitalistes de Bay Street, qui ont reçu de l’argent gratuit sous forme de subventions salariales et de programmes de relance. Enfin, la gravité de la crise et la hausse du chômage ont contraint Trudeau à essentiellement étendre l’assurance-emploi avec la Prestation canadienne d’urgence.

Si certains ont fait l’éloge des mesures du gouvernement telles que la subvention salariale (Subvention salariale d’urgence du Canada, ou SSUC), il est vite apparu que ce n’était rien d’autre qu’une aumône gouvernementale voilée pour les riches. Par exemple, le 7 décembre, une enquête a révélé que 68 entreprises qui avaient reçu plus d’un milliard de dollars au total du programme de SSUC avaient payé 5 milliards de dollars de dividendes à leurs actionnaires simultanément. En haut de la liste se trouve Imperial Oil Ltd, qui a reçu 120 millions de dollars de Trudeau tout en versant 324 millions de dollars à ses actionnaires. Ce n’est que la pointe de l’iceberg, mais cela indique clairement où l’argent de Trudeau va réellement : dans les coffres des entreprises.

Linamar, un fabricant d’automobiles de Guelph, en Ontario, est peut-être un exemple plus typique de comment l’argent de la SSUC est utilisé. Après avoir collecté plus de 108 millions de dollars de subvention salariale, l’entreprise a doublé ses dividendes à 8 millions de dollars chaque trimestre. Simultanément, elle a vu ses revenus chuter à 1,64 milliards de dollars, contre 1,74 l’année précédente, tandis que ses bénéfices ont bondi à 125,5 millions de dollars, alors qu’ils étaient de 98,2 millions l’année d’avant. Linda Hasenfratz, la PDG de l’entreprise, jubile : « C’est formidable d’être à nouveau rentable, avec des bénéfices en hausse par rapport à l’année dernière, et de voir un trimestre aussi exceptionnel quant au flux de trésorerie disponible malgré les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. » Comme nous pouvons le voir, les subventions gouvernementales comme la SSUC ont été canalisées vers les profits.

Pourtant, alors que les capitalistes et les banquiers ont amassé des milliards de dollars – vraisemblablement pour remplir une piscine d’argent comme l’Oncle Picsou – la classe ouvrière n’a eu droit qu’à des salaires de misère, au chômage et à l’indigence.

Le lundi 4 janvier à 11h17, le PDG des échelons supérieurs canadien moyen avait gagné autant d’argent que le salaire annuel moyen d’un travailleur canadien, soit 53 482 dollars. C’est un exemple frappant du vaste abîme qui sépare les riches et les pauvres. En fait, 2020 a été une année de grande polarisation économique, le chômage ayant augmenté de plus de 20% chez les travailleurs qui gagnent moins de 13,19 dollars, alors que l’emploi a augmenté de 9% chez ceux qui gagnent plus de 41,73 dollars. Autrement dit, ce sont les travailleurs les plus pauvres et les plus vulnérables qui ont été les plus touchés par la crise. En plus de cette hausse du chômage, la classe ouvrière est confrontée à de nouvelles difficultés telles qu’une recrudescence des évictions et de l’itinérance et la détérioration des conditions de travail.

Nous sommes confrontés au tableau général suivant : les riches, bien que l’activité économique se soit effondrée, se sont inexorablement enrichis grâce à la pandémie, et la classe ouvrière n’a fait que s’enfoncer davantage dans la pauvreté et la misère.

Le cul de sac de l’argent mort 

Il y avait déjà beaucoup d’argent mort avant la pandémie : environ 1010 milliards de dollars, un montant qui augmentait d’environ 5 à 6% par an. Cependant, il a crû de 568,6 milliards de dollars rien qu’en 2020, pour atteindre la somme colossale de 1580 milliards! Pour mettre cela en perspective, l’éducation gratuite coûterait en théorie environ 10 milliards de dollars; mettre fin aux avis d’ébullition de l’eau chez les Premières nations coûterait environ 3,2 milliards de dollars; et le coût pour mettre fin à l’itinérance serait de l’ordre de 44 milliards de dollars. Pourtant, au lieu de mettre un terme à des privations sociales très réelles et terribles comme l’itinérance et l’eau contaminée, toute cette richesse s’entasse comme une gigantesque montagne d’or qui ferait même l’envie du dragon Smaug.

Cette somme croissante d’argent improductif n’est pas seulement un gaspillage de richesses qui pourraient être utilisées pour des œuvres et des projets sociaux bien nécessaires, mais aussi un symptôme grotesque du déclin général du système capitaliste.

Historiquement, le capitalisme a joué un rôle progressiste dans le développement des forces productives, c’est-à-dire qu’il a révolutionné la manière dont nous produisons et a grandement amélioré la productivité du travail. Cependant, cette période d’ascension du capitalisme a rapidement épuisé sa mèche et ses contradictions internes ont été mises au jour.

Aujourd’hui, le capitalisme n’est qu’une version sénile et dégénérée de ce qu’il était autrefois : les capitalistes n’ont guère de raison d’investir dans les moyens de production aujourd’hui, car ils ne peuvent déjà pas vendre le vaste océan de marchandises qui saturent le marché. Cela signifie que le capitalisme a peu d’intérêt à faire progresser la société ou à résoudre les problèmes sociaux importants parce que cela ne rapporterait aucun profit aux capitalistes. Ils se disent qu’ils peuvent aussi bien ne rien faire jusqu’à ce qu’une occasion profitable se présente.

Cependant, c’est précisément cette incapacité à développer les forces productives qui caractérise la faillite totale de tous les systèmes socio-économiques passés. Lorsque la classe dominante ne peut pas développer l’économie et augmenter, même de façon marginale, le niveau de vie des masses, le système entre inévitablement en crise. Par exemple, lors du déclin du féodalisme, lorsque la classe dirigeante féodale avait développé l’agriculture seigneuriale jusqu’à ses limites dans les conditions qui prévalaient, la société a commencé à régresser, la classe dirigeante s’est divisée en deux et une époque tumultueuse de révolution et de contre-révolution a commencé.

Nous sommes entrés dans une époque similaire avec le déclin du capitalisme aujourd’hui. D’énormes quantités de richesses côtoient une pauvreté et un manque terribles, mais nous ne pouvons pas utiliser ces richesses parce qu’elles appartiennent à une classe qui investit dans le seul but du profit. Cette situation provoque une grande crise dans la société, qui se manifeste par une polarisation politique, une intensification de la lutte des classes et un élargissement du fossé entre les riches et les pauvres. Bref, la quantité croissante d’argent mort est révélatrice de l’époque dans laquelle nous entrons actuellement : une époque d’âpre lutte des classes et de révolution.

Un avenir meilleur est possible

L’expérience de l’année dernière a montré que la bourgeoisie canadienne est totalement incapable de s’occuper d’autre chose que de ses propres intérêts économiques étroits. Elle a accumulé une richesse criminelle aux dépens du reste de la société et de la classe ouvrière. Comme un vers solitaire, la classe capitaliste actuelle ne joue aucun rôle, vivant aux dépens de la société. Il est grand temps de se débarrasser de ce parasite.

Normalement, une personne infectée par un vers solitaire se soigne avec une pilule de praziquantel. Toutefois, le parasite capitaliste exigera une pilule bien plus grosse pour être expulsé : le socialisme.

Sous le socialisme, où les travailleurs dirigeraient l’économie en fonction des besoins humains et non du profit, cette immense richesse pourrait être utilisée à bon escient. Non seulement nous pourrions éliminer la faim, l’itinérance et l’eau contaminée, mais nous pourrions aussi construire de nouvelles écoles, de meilleurs logements et des transports publics efficaces, reconstruire nos hôpitaux et nos infrastructures en ruine et instaurer la gratuité scolaire.

Toutefois, la réalisation de cet objectif n’est ni automatique ni prédéterminée. La tâche qui nous attend aujourd’hui est de nous organiser et de lutter pour renverser le capitalisme, sous peine de voir la société se dégrader davantage. Comme l’a dit Friedrich Engels, « la société bourgeoise se trouve à la croisée des chemins, soit la transition vers le socialisme, soit la régression vers la barbarie ». Il n’y a pas de temps à perdre.