Les travailleurs n’ont pas les moyens de se loger – exproprions les propriétaires parasites

Un rapport récent du Centre canadien de politiques alternatives révèle que le coût d’un appartement d’une chambre à coucher dépasse ce que les travailleurs au salaire minimum peuvent se permettre dans presque tous les centres urbains du Canada. Dans tout le pays, la classe dirigeante s’est montrée tout à fait incapable de fournir un logement adéquat à ses travailleurs.

  • Kayla Rose Kendall
  • jeu. 24 août 2023
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Photo : michael_swan/Flickr

Un rapport récent du Centre canadien de politiques alternatives révèle que le coût d’un appartement d’une chambre à coucher dépasse ce que les travailleurs au salaire minimum peuvent se permettre dans presque tous les centres urbains du Canada. Dans tout le pays, la classe dirigeante s’est montrée tout à fait incapable de fournir un logement adéquat à ses travailleurs.

Entre bas salaires et loyers exorbitants

Face à la flambée des prix des loyers à Toronto, Vancouver, Montréal et dans d’autres grands centres, les politiciens de droite et les médias conseillent volontiers aux travailleurs de déménager. Selon eux, même si les grandes villes ne sont pas abordables, si tous les travailleurs à bas salaire décidaient de partir, ils n’auraient pas de mal à payer leur loyer. 

En réalité, un simple coup d’œil au coût des loyers dans l’ensemble du pays révèle que la crise du logement est en fait inévitable.

Dans l’ensemble, le loyer moyen au Canada a atteint le niveau record de 2078 dollars par mois en juillet, soit environ 60% du salaire mensuel médian canadien. Mais, au-delà de la moyenne, la crise des loyers est visible dans presque toutes les villes et « régions métropolitaines » du Canada. Dans tout le pays, les journaux font état de travailleurs contraints de louer des sous-sols, des placards, des porches, des garages et des couloirs, tandis que des milliers d’autres sont jetés à la rue.

Le rapport du CCPA révèle que presque partout au pays, de la Colombie-Britannique aux Maritimes, le « salaire locatif » (le salaire horaire dont un travailleur à temps plein a besoin pour s’offrir un appartement d’une chambre) dépasse le salaire minimum.

La Colombie-Britannique, par exemple, a l’un des salaires minimums les plus élevés, soit 16,75 dollars de l’heure. Cependant, dans toute la province, le salaire locatif s’élève en moyenne à 27,54 dollars de l’heure, et jusqu’à 32,36 dollars de l’heure à Vancouver. En Alberta, où le salaire minimum est de 15 dollars, le salaire locatif s’élève en moyenne à 21,42 dollars de l’heure, allant de 19,62 dollars de l’heure à Lethbridge à 24,65 dollars de l’heure à Calgary.

Bien que la Saskatchewan ait le salaire minimum le plus bas du pays (13 dollars de l’heure), les propriétaires de la province demandent en moyenne 18,62 dollars de l’heure pour une chambre à coucher.

En Ontario, la province la plus peuplée du Canada, les travailleurs au salaire minimum gagnent 15,50 dollars de l’heure, contre un salaire locatif moyen de 25,96 dollars de l’heure. Ce salaire varie de plus de 30 dollars de l’heure à Toronto à 23,02 dollars à Hamilton.

En fait, seules trois régions urbaines du pays ont un salaire locatif inférieur au salaire minimum local : Sherbrooke, Trois-Rivières et Saguenay. Il convient de noter que ces trois villes québécoises ont une population combinée de moins de 500 000 habitants. De plus, dans la plupart des autres régions urbaines du Québec, le coût des loyers dépasse le salaire minimum de 14,25 dollars de la province – allant de 18 dollars l’heure à Montréal à 16,77 dollars dans la ville de Québec et 18,43 dollars dans la ville de Gatineau. Il n’est pas possible de fuir la crise du logement.

Pas de solution sous le capitalisme

La loi de l’offre et de la demande est souvent citée pour expliquer les loyers élevés. Les loyers augmentent, alors même que les salaires stagnent, prétendument parce qu’il n’y a tout simplement pas assez de logements. Et, nous dit-on, les loyers continueront d’augmenter jusqu’à ce que l’offre de logements augmente en conséquence.

Mais malgré la hausse des loyers et des prix, le parc immobilier existant du pays n’est même pas utilisé pour réduire les coûts.

Dans tout le pays, des milliers de logements potentiels restent vides, car des spéculateurs souhaitent les revendre pour en tirer des profits exorbitants. En fait, 20,2% des propriétés de l’Ontario appartiennent à des investisseurs qui s’en servent comme moyen de placement. Selon Statistique Canada, il y avait 1,3 million de logements vacants au Canada en 2021. Bien que ce chiffre comprenne les résidences secondaires telles que les maisons de vacances, il s’agit tout de même d’une quantité stupéfiante.

Ailleurs, les mêmes spéculateurs achètent de vieux immeubles pour les démolir et les remplacer par des condominiums plus chers, évinçant au passage les locataires à faibles revenus, ou pour les « rénovincer », c’est-à-dire expulser les locataires sous prétexte de rénovations majeures pour ensuite augmenter massivement les loyers.

En fait, malgré l’énorme bulle immobilière au Canada, seuls 9% des logements construits au cours de la dernière décennie étaient des « logements construits pour la location », alors que la construction de condominiums a explosé.

Des appels ont été lancés au gouvernement pour qu’il « encourage » la construction de logements locatifs, principalement à l’aide de subventions, dans l’espoir de faire baisser les loyers. Mais ces « solutions » ne sont rien d’autre qu’une tentative d’utiliser la crise du logement pour mettre de l’argent public dans les poches des promoteurs, et ne feront rien pour rendre le logement plus abordable pour les travailleurs.  

En fait, tant que ces logements appartiendront à des propriétaires privés, ils seront loués au prix le plus élevé possible. Quel que soit le nombre de subventions accordées à des projets « abordables », l’immobilier d’investissement sera tarifé de manière à maximiser les rendements. C’est pourquoi, par exemple, les propriétaires convertissent de plus en plus souvent leurs logements en locations à court terme, comme Airbnb, ce qui aggrave encore la pénurie de logements abordables.

C’est la logique du capitalisme. Au fond, les propriétaires et les promoteurs immobiliers n’existent pas pour fournir des logements. Ils existent pour engranger des profits. Ces profits proviennent du monopole qu’ils exercent principalement sur les terrains qui entourent les principaux centres socio-économiques du Canada.

Contrairement à d’autres biens essentiels, la quantité de terres disponibles est fixe. La terre est un monopole naturel, ce qui permet aux propriétaires fonciers, qu’ils soient locateurs, spéculateurs ou promoteurs, de réaliser ce que Marx appelait la « rente foncière », c’est-à-dire des profits toujours plus importants grâce à leur monopole sur une parcelle de la Terre, même si les logements sont surpeuplés, dangereux ou délabrés. Et lorsqu’ils revendent ces mêmes logements, ils peuvent souvent le faire avec un profit encore plus important, en prévision des futures augmentations de prix et de loyers.

Exproprions les parasites

Il est vrai que la quantité de terrains disponibles pour le logement dans les centres urbains du pays est limitée. La terre est une ressource limitée. C’est pourquoi la classe ouvrière doit s’emparer des terrains et des logements des propriétaires, des spéculateurs et des promoteurs, et les gérer démocratiquement.

La « crise du logement » est, fondamentalement, une crise capitaliste. Et on ne peut pas faire confiance aux capitalistes pour la résoudre. Ils doivent être renversés.

Une économie planifiée mettrait fin à la contradiction absurde entre les logements vides et la population grandissante de sans-abri. Elle s’emparerait des richesses actuellement dilapidées par les propriétaires et les spéculateurs en faveur d’un programme massif de construction, de rénovation et de réparation de logements, afin d’offrir des conditions de vie décentes à tous.