Du haut de tous ses médias, le patronat québécois crie à la pénurie de main-d’œuvre et se plaint des dommages qu’elle inflige à son portefeuille. Au Québec, le nombre de postes vacants se situe approximativement à 219 000 et le chiffre monte à 816 000 pour le Canada; 94% des entreprises québécoises disent manquer de main-d’œuvre. Le capital et tous ses larbins n’hésitent pas à pointer du doigt ce qu’ils considèrent comme le principal coupable : la PCRE (Prestation canadienne de la relance économique) et son ancêtre la PCU.

Déjà en mai 2021 plusieurs patrons ont fait savoir qu’ils en avaient assez que les travailleurs aient le choix de ne pas se vendre à un boss sans crever de faim. Selon eux, ces travailleurs seraient trop maternés et ne voient plus la valeur de faire des efforts! On se demande si ces patrons feraient preuve d’autant d’enthousiasme à l’égard du travail si pour une fois c’était eux qui devaient se crever à l’ouvrage pour enrichir quelqu’un d’autre.

Ils semblent tous ignorer que la situation des travailleurs est loin d’être rose au Canada. Un travailleur canadien sur deux vit d’un chèque de paye à l’autre. Si les maigres 1200 dollars par mois (avant impôt) de la PCRE sont plus attirants que les emplois disponibles, le problème n’est peut-être pas la PCRE. Les patrons voraces qui offrent de mauvais salaires et de mauvaises conditions à leurs employés n’ont qu’eux-mêmes à blâmer. De plus, la pandémie fait toujours rage et les milieux de travail demeurent des vecteurs de propagation du virus. Pas étonnant que beaucoup de gens choisissent de ne pas mettre leur santé en danger. Le point de vue de nombreux travailleurs a été récemment exprimé dans une lettre au Globe and Mail d’une ex-travailleuse en restauration : 

« Soyons clairs. Ce n’est pas que nous ne voulons pas travailler – c’est simplement que nous ne voulons pas faire un travail physiquement exigeant dans des conditions inférieures aux normes, sans avantages sociaux, pour le salaire minimum. Et nous n’avons surtout pas envie de le faire pendant la quatrième vague montante d’une pandémie. Une étude publiée au début de cette année a révélé que le risque de décès pendant la pandémie augmentait de 40% pour les travailleurs du secteur alimentaire et agricole en Californie. »

Dernièrement, le PDG du Conseil du patronat du Québec (CPQ) a publié une lettre d’opinion présentant 10 solutions pour la pénurie de main-d’œuvre. Sans surprise, l’amélioration des salaires et conditions de travail n’en faisait pas partie. Les patrons québécois et leurs amis dans les médias préfèrent demander aux travailleurs âgés de passer leurs dernières années de vie à bûcher au travail.

Ce même PDG du CPQ a récemment fait preuve d’une honnêteté rafraîchissante en réponse à la proposition de la FTQ de monter le salaire minimum à 18 dollars de l’heure. Il a affirmé que « Tout le monde veut bien vivre, mais malheureusement, l’économie de ne fonctionne pas du tout de cette façon ». Le message ne pourrait être plus clair : la pauvreté fait partie intégrante du capitalisme. 

Comble de l’hypocrisie, alors que le CPQ demande l’abolition de la PCRE et défend les bas salaires, il demande que les subventions gouvernementales aux entreprises soient maintenues!

En effet, le patronat et ses sbires évitent de parler des immenses programmes de « BS corporatif » qui ont été offerts aux entreprises pendant la pandémie. La Subvention salariale d’urgence du Canada, qui n’est qu’une des multiples subventions qui ont été données aux entreprises, a jusqu’à maintenant remis 91,51 milliards de dollars d’argent public aux entreprises. Les différentes subventions aux entreprises ont coûté au gouvernement fédéral 240 milliards de dollars pendant les huit premiers mois de la pandémie seulement. 

Et il ne manque pas d’exemples d’utilisations douteuses de cet argent. Notamment, il a permis d’enrichir des fonds spéculatifs dont l’activité consiste à jouer à la bourse comme on joue au casino et à engraisser encore plus les PDG et les actionnaires à coups de dividendes et bonis. Des entreprises ne se sont pas gênées pour empocher cet argent tout en licenciant et mettant à pied des travailleurs.

Qu’en est-il des représentants politiques de la bourgeoisie?

Le Bloc québécois, qui prétend représenter « les Québécois » ne s’est pas fait attendre pour venir défendre les seuls Québécois qui comptent vraiment ses yeux : les patrons. Pour le parti, la PCRE « a fait son temps ». Il en profite en même temps pour demander de faciliter le retour au travail des retraités, prétendument pour aider les retraités avec un faible revenu à arrondir leurs fins de mois. Disons plutôt que cela amènerait plus de cheap labour pour les patrons et permettrait au gouvernement de se laver les mains d’une quelconque amélioration du système de retraite!

De son côté, le gouvernement libéral de Justin Trudeau prévoit de mettre fin à la PCRE le 23 octobre. Comme le Bloc, le Parti libéral mise sur le retour au travail des retraités. 

Les conservateurs d’Erin O’Toole, quant à eux, ont voté contre l’extension de la PCRE, et on peut en déduire leurs intentions assez facilement. Ce parti pro-patronal propose également de prolonger le BS corporatif : il veut rendre les emprunts plus faciles pour les entrepreneurs, et propose même de payer jusqu’à 50% des salaires avec des fonds publics pour les six premiers mois! Ce n’est rien de moins qu’un aveu de l’incapacité du capitalisme à créer des bons emplois sans aide du gouvernement. 

Aucun de ces partis ne veut s’attaquer à la principale cause du problème, qui a pourtant été soulignée par le Conseil du patronat du Québec : le capitalisme ne permet pas d’offrir des emplois bien payés avec de bonnes conditions de travail. Le problème n’est pas que les gens ne veulent pas travailler, mais plutôt qu’ils ne veulent plus se faire exploiter pour des miettes.

Mais dans une économie capitaliste, cela n’est pas possible. Tant que les entreprises demeureront des machines à profits entre les mains d’une infime fraction de la population, les travailleurs seront forcés de se vendre pour mettre du pain sur la table et un toit au-dessus de leur tête. Seule une économie socialiste contrôlée démocratiquement par les travailleurs permettra d’offrir à tous et toutes des emplois bien payés et de qualité.