Libération des Autochtones : capitalisme ou communisme?

Il existe une cinquième colonne au sein du mouvement autochtone. Une couche de capitalistes autochtones, en alliance avec l’État, coopte la lutte pour la détourner vers une voie inoffensive.

  • Marcus Katryniuk
  • mar. 7 mai 2024
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Pierre Poilievre avec l’Association nationale des sociétés
autochtones de financement (NACCA). Source: NACCA/Facebook

Il existe une cinquième colonne au sein du mouvement autochtone. Une couche de capitalistes autochtones, en alliance avec l’État, coopte la lutte pour la détourner vers une voie inoffensive.

Bien qu’ils parlent de « réconciliation », leurs intérêts vont à l’encontre de ceux de la plupart des Autochtones. Le capitalisme autochtone n’est pas une solution aux problèmes auxquels sont confrontées les populations autochtones pauvres et opprimées.

Réconciliation économique?

Pendant plus d’un siècle, l’État s’est appuyé sur une couche de conseillers de bande et de fonctionnaires autochtones pour contrôler le mouvement. Ces personnes agissent depuis longtemps en tant qu’agents du gouvernement au sein des communautés autochtones. Mais la couche croissante de véritables capitalistes autochtones est un fait nouveau.

Ce tournant a commencé en 2021, après la découverte de fosses communes dans des pensionnats autochtones. La colère des masses s’est transformée en un mouvement bref mais intense qui a effrayé la classe dirigeante et l’a forcée à revoir ses tactiques à l’égard des Autochtones.

Les gouvernements investissent aujourd’hui des sommes importantes pour encourager le développement d’une couche d’entrepreneurs autochtones. Ils appellent cela la « réconciliation économique ». En enrichissant quelques Autochtones, ils veulent créer l’illusion que le capitalisme peut sauver les opprimés.

Des provinces comme la Colombie-Britannique, l’Alberta et l’Ontario ont mis en place des programmes de prêts aux Autochtones pour un montant de plusieurs milliards de dollars. Des organismes tels que l’Autorité financière des Premières Nations ont été transformés en grandes entités financières. Les entrepreneurs des Premières Nations créent des entreprises neuf fois plus vite que le reste de la population.

Le fossé de classe qui existait déjà au sein des communautés autochtones s’est désormais agrandi. Les revendications populaires issues du mouvement autochtone sont de plus en plus utilisées pour soutenir des intérêts capitalistes. 

Par exemple, le slogan de la « souveraineté territoriale » a longtemps été utilisé par des mouvements contre les empiètements du gouvernement sur les terres autochtones. Mais pour les capitalistes autochtones, la « souveraineté territoriale » signifie que les entreprises appartenant à des Autochtones peuvent faire ce qu’elles veulent. À cette fin, ils utilisent astucieusement les exemptions accordées aux Autochtones dans des textes tels que la Loi sur les Indiens et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour contourner la réglementation.

Le meilleur exemple en est l’entrepreneur huron-wendat Fred Di Blasio, fondateur de Longhouse Capital Partners. Son entreprise construit des condos sur des terres autochtones afin de contourner la réglementation provinciale. Le gouvernement fédéral a salué cette initiative comme un exemple de « réconciliation en action » et a promis un prêt de 1,4 milliard de dollars.

Stephen Buffalo, PDG du Indian Resource Council, en est un autre exemple. Il utilise cyniquement les politiques identitaires pour affirmer que les mesures de protection environnementale sont une forme de colonialisme. Il a qualifié les restrictions imposées à l’industrie pétrolière et gazière de « communisme soft ».

S’il sonne comme un conservateur, c’est parce qu’il en est un. Le plan de « réconciliation économique » du leader conservateur Poilievre a été salué par un grand nombre de chefs et de conseillers de bande. Le fait que Poilievre s’associe ouvertement avec des négationnistes des pensionnats autochtones ne semble pas leur importer. Ces soi-disant leaders n’hésitent pas à se prosterner aux pieds d’un raciste si cela peut leur rapporter de l’argent.

Le capitalisme autochtone n’est pas une solution

Les partisans d’un « capitalisme autochtone » affirment que tout le monde en sort gagnant : les Autochtones reçoivent de l’argent et l’économie s’en trouve stimulée. Mais en réalité, la grande majorité des Autochtones n’en bénéficient pas du tout.

On ne peut pas rendre le capitalisme « autochtone ». Les capitalistes autochtones sont soumis aux mêmes forces du marché que les capitalistes blancs, ce qui signifie qu’ils veulent ultimement les mêmes choses. Ils se battront pour réduire les salaires, ils réprimeront les syndicats et ils participeront à la spoliation des terres tribales afin de réaliser des profits.

Un exemple incroyablement accablant est le récent scandale entourant l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), la plus prestigieuse organisation de femmes autochtones au Canada. L’association a licencié 78 employés – la moitié de ses effectifs – pour avoir tenté de se syndiquer.

L’AFAC attribue les licenciements aux coupes budgétaires du gouvernement fédéral, mais ce n’est qu’une excuse. Alors qu’elle envoie paître les travailleurs, elle a commencé la construction d’un hôtel-boutique et d’une salle de congrès, avec un spa, un salon et un restaurant à service complet.

Une ancienne employée, Crystal Semaganis, s’est plainte du fait que « des ressources sont consacrées à quelque chose d’élitiste que des gens comme moi n’utiliseront jamais ». C’est précisément le problème du capitalisme autochtone.

L’AFAC est loin d’être le premier exemple de casse syndicale menée par des patrons autochtones. Aux États-Unis, de grands casinos se servent depuis longtemps des lois sur les Indiens pour contourner les protections syndicales. Le Great Blue Heron Casino en Ontario et le Northern Lights Casino en Saskatchewan ont tenté la même chose.

Un autre exemple est celui de « Project Reconciliation », un groupe d’entreprises autochtones qui tente de devenir propriétaire de l’oléoduc Trans Mountain. L’État a forcé le passage de ce même oléoduc sur les terres des Secwepemc à l’aide de tireurs d’élite, de fusils d’assaut et de chiens policiers. Comment cela aidera les populations autochtones dans leur ensemble, cela reste à deviner.

Les investissements capitalistes ne feront que créer davantage d’exploiteurs autochtones. Les injustices flagrantes commises par les patrons autochtones à l’encontre des travailleurs et des pauvres autochtones ne feront que se généraliser.

La libération des Autochtones par la révolution communiste

Les travailleurs et les pauvres autochtones sont invités à s’inspirer de ces riches élites et à travailler pour devenir comme eux. Mais en réalité, ces élites font partie de nos pires ennemis. La « réconciliation économique » est une arnaque destinée à amener les Autochtones à soutenir le système qui rend nos vies misérables.

Il n’y a pas de plus grand mensonge que l’idée que le capitalisme peut libérer les peuples autochtones. C’est le capitalisme qui a colonisé les Amériques et perpétré des génocides. C’est le capitalisme qui maintient les Autochtones dans la pauvreté et ruine les réserves. Tous les problèmes auxquels sont confrontés les peuples autochtones trouvent leur origine dans cette source.

Nous n’avons pas besoin de dirigeants de la même origine que nous. Ce dont nous avons besoin, c’est de mettre à mort ce système.

Avant la colonisation, l’exploitation de classe était inconnue dans la plupart des régions d’Amérique. La grande majorité des sociétés autochtones étaient fondées sur la propriété égale et communale des richesses. En d’autres termes, elles étaient communistes!

Le communisme ressemblerait à bien des égards à un retour à ce mode d’organisation de la société, mais à un niveau supérieur. La propriété communale irait de pair avec les immenses conquêtes de la production moderne. Cela permettrait non pas à quelques individus privilégiés de se libérer par le biais du profit, mais de libérer tout le monde grâce à un plan de production socialiste où la production servirait les besoins de l’humain en harmonie avec l’environnement. Nous nous battons pour rien de moins.