D’où vient le profit? – ABC du marxisme #2

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les travailleurs à travers le monde ont perdu 3700 milliards de dollars, et les milliardaires se sont enrichis de 3900 milliards de dollars. Le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, a aussi fait la piastre. Ce qu’un travailleur américain gagnera au cours de toute sa vie, environ 2,2 millions […]

  • Vincent R. Beaudoin
  • mar. 6 avr. 2021
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Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les travailleurs à travers le monde ont perdu 3700 milliards de dollars, et les milliardaires se sont enrichis de 3900 milliards de dollars. Le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, a aussi fait la piastre. Ce qu’un travailleur américain gagnera au cours de toute sa vie, environ 2,2 millions de dollars, Bezos l’empoche en 15 minutes

Certains nous disent que le profit des grands capitalistes est le fruit de leur dur labeur. Mais est-il vraiment le cas que Bezos travaille 500 000 plus fort que le travailleur moyen? Se pourrait-il que le profit provienne du dur labeur des employés du capitaliste? 

La quête du profit

D’abord, il faut comprendre que le moteur de notre économie capitaliste, c’est le profit. Le but de posséder une entreprise et de produire des marchandises, pour le capitaliste, est de faire des profits. 

Pour produire des marchandises, les capitalistes doivent investir leur capital pour acheter des moyens de production, c’est-à-dire des machines et des matières premières, et embaucher des travailleurs. La valeur du capital en argent investi est convertie en machines et en salaires, puis par l’intermédiaire du travail des salariés, la valeur du capital réapparait à l’intérieur des marchandises produites. 

Après que la marchandise ait été vendue, le capitaliste reçoit en argent une quantité de valeur supérieure à la valeur qu’il a investi au départ. Cette valeur supplémentaire, Marx l’appelle la survaleur, ou plus-value, et c’est ce que le capitaliste empoche comme profit. 

Mais qu’est-ce qui a fait apparaitre le profit? Le profit est-il apparu au cours de la production dans l’usine ou à travers la vente de la marchandise? C’est sur cette question que se sont opposés les économistes libéraux et les économistes marxistes.

Vendre pas cher, vendre plus cher?

Selon la plupart des économistes libéraux, les capitalistes (les propriétaires d’entreprise) font des profits en vendant leurs marchandises à un prix supérieur à ce qu’ils ont payés en achetant les matières premières, les machines, les salaires, etc., c’est-à-dire les coûts de production de la marchandise. Donc, faire du profit en achetant pas cher et en vendant plus cher. Mais regardons ce qui se passe vraiment. 

Imaginons que tous les propriétaires d’entreprise forment un rond autour de la table. Le premier vend ses marchandises au deuxième à 110% du prix réel, c’est-à-dire avec 10% d’excédent sur la valeur réelle de la marchandise. Le deuxième vend ensuite ses marchandises au troisième, aussi à 110% de la valeur, et ainsi de suite. Quand la boucle se termine, personne n’a fait de profit! Puisque chaque fois qu’un capitaliste a fait un profit en vendant trop cher, il l’a ensuite perdu en achetant trop cher à l’autre. 

L’argent n’a fait que se déplacer autour de la table, mais aucune richesse n’a été produite. C’est un jeu à somme nulle. Pourtant, c’est bien le cas que de la richesse est produite dans l’économie. On ne peut donc pas expliquer l’origine du profit seulement en regardant l’échange des marchandises sur le marché. Il faut alors se tourner vers la sphère de la production, autrement dit, dans les murs de l’usine ou du milieu de travail.

La journée de travail

Pour comprendre d’où vient le profit, nous allons suivre un travailleur pendant une journée de travail. Il s’appelle Simon et travaille dans un restaurant de fastfood. Simon fait 15$ de l’heure, ce qui est très rare au Québec dans ce domaine. Il travaille huit heures par jour, et fait donc 120$ de salaire brut par jour. Simon produit en moyenne 100$ de marchandises à l’heure (sandwiches, breuvages, etc.), donc 800$ sur huit heures. 

Regardons maintenant le détail de sa journée. Pendant les deux premières heures, il a produit 200$ de marchandises. Le prix total de 200$ inclut différents montants qui permettent de rembourser les coûts de production du capitaliste. Le coût des matières premières, les pains, les condiments, etc., sont rapportés dans le prix des repas. Il y a aussi les machines et outils de travail qui ont coûté de l’argent au capitaliste, et il faut rapporter dans le prix des marchandises une partie de leur frais d’achat. C’est ce que les comptables appellent l’amortissement, soit un calcul qui répartit la détérioration des machines sur les différentes marchandises.

La valeur contenue dans les matières premières et les machines se transmet dans la marchandise produite, et cette valeur correspond à du travail humain passé, le travail des techniciens qui ont créé les machines, par exemple, du travail qui s’est retrouvé cristallisé dans ces objets. Disons que le coût des matières premières et des machines est de 80$ et est rapporté sur le 200$ de marchandises. Mais Simon aussi accomplit un travail, il produit lui-même une certaine quantité de nouvelle valeur. Disons que Simon ajoute une valeur de 120$ pendant deux heures de travail. Cette valeur est incluse dans le prix total de 200$ de marchandises.

Comme Simon sera payé 120$ après sa journée, on peut dire qu’en deux heures il a produit en valeur l’équivalent de son salaire, ou qu’il a renouvelé les frais de son propre salaire en deux heures. Si Simon arrête de travailler après deux heures et retourne chez lui, le capitaliste ne fera pas de profit. Il aura seulement remboursé le coût de production des marchandises. Et c’est pour cela que Simon devra continuer à travailler, pour que le capitaliste empoche un profit.

L’exploitation du travail

Simon travaille donc deux heures de plus. Les nouvelles matières premières et les machines continuent à transmettre leur propre valeur dans les marchandises. Après tout, il faut encore rembourser leur coût de production. Simon produira une nouvelle valeur de 120$. Cependant, les frais de son salaire ont déjà été couverts. Le capitaliste ne payera pas Simon plus cher, puisqu’il a déjà réparti son salaire de 120$ en 15$ de l’heure. 

Et donc, le 120$ produit des mains de Simon ira directement dans la poche du capitaliste. Cette valeur supplémentaire, c’est la survaleur, le profit. Au bout de la journée, le capitaliste aura empoché un profit de 360$. Nous venons désormais de découvrir l’origine du profit.

Le profit est du travail non-payé au travailleur. C’est du travail que Simon a fait gratuitement pour son capitaliste, comme du bénévolat. Les capitalistes accumulent donc du profit parce qu’ils payent aux travailleurs un salaire bien inférieur à ce que les travailleurs ont produit de leurs mains. Le profit est du travail volé aux travailleurs par le capitaliste.

On peut même calculer le taux d’exploitation de Simon. On calcule le taux d’exploitation, ou taux de survaleur, en divisant le montant du profit par le montant du salaire. Si Simon travaille deux heures, on a zéro dollar de profit divisé par 120$ de salaire, donc aucune exploitation. Après quatre heures de travail, on a 120/120, donc Simon est exploité à 100%. Cela signifie que pour 2$ produits, Simon reçoit 1$ et le capitaliste garde 1$. Après six heures, 240/120, Simon est exploité à 200%. Après huit heures, le taux d’exploitation est de 300%.

Nous avons enfin découvert le secret derrière toute la magie qui entoure la création du profit. Le capitaliste s’est bel et bien enrichi par du travail, par le travail de Simon et de ses collègues.

Pour aller plus loin :

Vidéo : 

– « Économie marxiste 101 » par le même auteur 

Articles : 

– « 150 ans depuis Le Capital de Karl Marx », coécrit par le même auteur

– « Introduction à la théorie économique de Marx »