Selon ses propres dires, Emmanuel Macron ne serait « ni de droite, ni de gauche ». Cette posture transcendantale avait pour objectif d’attirer des électeurs confus de tous les bords. Il y est parvenu – grâce à la profonde crise du PS et des Républicains. Mais lorsqu’on analyse à la fois le parcours et le programme de Macron, il ne fait aucun doute que le probable futur président de la République est de droite, c’est-à-dire un défenseur des intérêts de la classe dirigeante et un ennemi acharné de notre classe.

« Simplification » du droit du travail (nouvelles attaques contre le Code du travail), contre-réforme de l’assurance chômage, nouvelle contre-réforme des retraites, suppression massive de postes de fonctionnaires, coupes budgétaires tous azimuts, allègements de la fiscalité patronale : tout ceci (entre autres mesures réactionnaires) figure dans le programme officiel de Macron, quoique souvent d’une façon volontairement vague. Ces mesures y sont mélangées à d’autres plus « progressistes » – ou apparemment plus progressistes. Exemple : « nous construirons 80 000 logements pour les jeunes ». D’abord, c’est un chiffre très inférieur aux besoins. Ensuite : quels types de logements? Publics? Privés? Semi-publics? Et quels en seront les loyers? Aucune précision.

Les « circonstances exceptionnelles »

François Fillon déclarait ouvertement la guerre aux travailleurs. Macron, lui, promet de satisfaire toutes les classes. Mais il prévient, en avant-propos de son programme officiel : « Je sais aussi qu’il nous est impossible de tout prévoir et que des circonstances exceptionnelles pourront nous conduire à adapter nos priorités ». C’est la phrase la plus importante de tout son programme.  En effet, les « circonstances exceptionnelles » sont déjà réunies, sous la forme d’une crise économique exceptionnellement grave. Cela signifie que les rares mesures vaguement « de gauche » seront abandonnées au profit d’autres « priorités » : les contre-réformes et la politique d’austérité, au profit de la seule classe possédante.

Dans ce domaine, Macron ira beaucoup plus loin que son programme ne l’annonce, « circonstances exceptionnelles » obligent. La grave crise du capitalisme français – qui perd sans cesse du terrain face à l’Allemagne, notamment – le poussera à remettre en cause toutes les conquêtes sociales arrachées par la lutte depuis plus d’un demi-siècle. La « compétitivité » des grandes entreprises françaises deviendra le maître mot de toute sa politique. En conséquence, il sera rapidement discrédité, peut-être même plus rapidement que ne l’a été François Hollande. De grandes luttes sociales seront à l’ordre du jour, car la jeunesse et la classe ouvrière ne resteront pas les bras croisés face à de nouvelles attaques contre leurs conditions de vie et de travail. La colère et la combativité vont encore monter d’un cran.

Les illusions des classes moyennes

Macron a recueilli beaucoup de voix dans les classes moyennes aisées et les couches supérieures du salariat, c’est-à-dire chez ceux qui, n’ayant pas encore été affectés par la crise, espèrent la conjurer au moyen d’un miracle, sans conflits ni soubresauts. Le chef d’En Marche!  a joué le jeu ; d’où son côté « christique », que nombre d’observateurs ont relevé. Comme Jésus le jour de l’Ascension, Macron a béni ses disciples et s’est élevé au-dessus des contingences terrestres (la crise, la dette, etc.). Il est vrai qu’au lieu des onze apôtres, il a Bayrou, Cohn-Bendit, Valls, Hue et autres Judas ; mais une copie n’est jamais tout à fait conforme à l’original.

La posture lisse et souriante de Macron a joué un rôle d’anxiolytique auprès de tous ceux qui s’en sortent encore assez bien, dans le système actuel, mais qui angoissent pour leur avenir. Ils aspirent à la stabilité, à la modération, et espèrent avoir trouvé en Macron un « nouveau » politicien capable de redynamiser en douceur le système capitaliste. Ces illusions seront de courte durée et l’électorat de Macron se divisera en deux blocs – vers la gauche et vers la droite. L’aversion pour tout changement est une puissante force d’inertie traversant la société de haut en bas. Mais un courant contraire, plus profond et plus massif, pousse vers une polarisation de classe croissante. Or c’est ce courant qui aura le dernier mot, car c’est lui qui exprime la réalité objective du capitalisme en crise.

L’idée que l’élection de Macron permettra de faire « barrage au FN » est le comble de l’absurdité. Au pouvoir, Macron aggravera la politique de Hollande, c’est-à-dire la politique dont le FN profite, car ce parti archi-réactionnaire se nourrit de la crise, du chômage et de la régression sociale. La seule façon de combattre sérieusement le FN et sa démagogie, c’est de mobiliser la jeunesse et les travailleurs sur un programme de rupture avec le capitalisme. Tel est le défi qui se pose à la France insoumise, dont le succès souligne les énormes réserves d’enthousiasme et de combativité qui existent dans la masse des exploités.