
Le gouvernement du Québec a finalement déposé le 19 février son projet de loi 89 visant à limiter le droit de grève. Cette attaque éhontée sur les travailleurs ne sort pas de nulle part. La CAQ voit se profiler à l’horizon une montée de la lutte des classes, et elle fourbit ses armes pour s’y préparer.
Le PL89
Le projet de loi vise à donner au Conseil des ministres le pouvoir d’envoyer un conflit au Tribunal administratif du travail (TAT) par un simple décret. Les deux parties seront forcées de s’entendre sur les services essentiels, sans quoi c’est le TAT qui tranchera. Les lois sur les services essentiels sont constamment utilisées pour limiter l’impact des grèves, et ce ne sera pas différent ici.
Mais plus encore, il dotera le gouvernement du pouvoir scandaleux d’imposer l’arbitrage d’un conflit de travail en cas de « préjudice grave ou irréparable à la population » – évidemment, selon le jugement du gouvernement.
On voit ici que la CAQ a tiré les leçons des récentes grèves au Canada. Le gouvernement fédéral a cassé trois grèves depuis l’été dernier sans même convoquer le Parlement grâce à l’obscur article 107 du Code du travail, grâce auquel les travailleurs ont été ordonnés de reprendre le travail.
La CAQ cherche à se doter d’un outil similaire pour briser le mouvement ouvrier sans avoir à recourir aux impopulaires lois spéciales. Si ce projet de loi est adopté et appliqué, il ne restera plus grand chose du droit de grève.
Guerre commerciale et austérité
Alors que l’économie était déjà durement touchée par la crise prolongée du système capitaliste mondial, une guerre commerciale vient d’éclater entre le Canada et les États-Unis. La menace d’une récession pend comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Il faut prévoir des mises à pied et des fermetures d’usines, ce qui poussera une partie de la classe ouvrière à entrer en lutte pour sauver les emplois.
De plus, même avant que la guerre commerciale ne soit un enjeu, la CAQ avait déjà entamé un virage vers l’austérité dans les services publics. Elle a déjà commandé 1,5 milliard de dollars de coupes en santé, et s’apprête à imposer l’austérité en éducation, avec des compressions de 200 millions de dollars dans l’aide alimentaire, l’achat de livres et les sorties culturelles.
De nouvelles coupes sont à prévoir, et elles entraîneront encore plus de luttes ouvrières.
Guerre de classes
Déjà, les travailleuses des CPE viennent d’entrer en grève; les 2400 travailleurs de la STM ont voté à 97% pour une grève pouvant aller jusqu’à la grève générale illimitée; et les travailleurs de la construction pourraient entrer en grève cet été. Nous pouvons également nous attendre à bien d’autres luttes contre l’austérité et les fermetures causées par la guerre commerciale.
Plusieurs syndicats ont indiqué vouloir riposter contre le PL89. Une manifestation contre le retour de l’austérité a déjà eu lieu le 20 février devant l’Assemblée nationale, comptant une centaine de travailleurs du secteur public.
Jean-Pierre Lauzon, le président du Syndicat des Cols bleus regroupés de Montréal (SCFP-301) a tenu ces propos inspirants : « ceux qui nous ont précédés n’ont jamais reculé devant la répression. Ils ont bravé les interdictions, défié les injonctions, tenu tête aux patrons et aux gouvernements […] Nous combattrons ce projet de loi avec tous les moyens à notre disposition, y compris la désobéissance civile si nécessaire! » (nos italiques). Cela pointe dans la bonne direction.
La présidente de la CSN a caractérisé le PL89 de « déclaration de guerre » aux travailleurs. Si l’on prend ses mots au sérieux, la CSN devrait nous fournir un plan de bataille sérieux pour gagner cette guerre des classes. Les actes doivent suivre les paroles. Il faudra cependant bien plus que les manifs habituelles des centrales syndicales, ou les appels aux tribunaux.
Le mouvement ouvrier doit organiser une mobilisation de masse contre ce projet de loi. L’abrogation du PL89 doit être incluse dans les demandes de toutes les grèves et luttes ouvrières à venir. Les travailleurs de la construction, par exemple, devraient l’inclure dès maintenant dans leurs revendications en vue de leurs négociations de ce printemps. Une grève de ces travailleurs contre le PL89 serait un excellent point de départ pour un mouvement de masse contre cette attaque.
Tout le mouvement ouvrier doit faire de cette lutte pour préserver le droit de grève son cheval de bataille. Pour reprendre les paroles de M. Lauzon, il faut être prêt à « brav[er] les interdictions » et combattre par la « désobéissance civile ».