Alors que le système de santé craque de partout et que l’écart entre riches et pauvres continue de grandir, le gouvernement Legault aurait pris la décision d’injecter plus de 200 millions dans la CSeries, un projet insolvable depuis ses débuts. Une fois de plus, la CAQ montre ses priorités : si elle rechigne à donner quelques sous pour améliorer la ventilation dans les écoles, améliorer les salaires des travailleurs des CPE et des infirmières ou même fournir des masques N-95 aux enseignants, il n’y a aucune somme trop extravagante pour soutenir les aventures capitalistes, aussi déficitaires soient-elles.
Rappelons-nous : le projet CSeries a été développé par Bombardier en 2008 à l’aide d’investissements de 117 millions de dollars du provincial et de 350 millions du fédéral. Cette nouvelle ligne d’avions était censée être supérieure aux modèles des géants américain et européen Boeing et Airbus dans le créneau particulier des avions de ligne moyen-courier.
Sept ans plus tard, le projet prenait du retard, coûtait plus cher que prévu et les commandes ne rentraient toujours pas. Alors que les libéraux annonçaient un nouveau programme d’austérité, le premier ministre Couillard choisit d’injecter 1,3 milliards de dollars supplémentaires dans le projet en échange d’une participation de 49,5% (!) dans la CSeries.
À l’époque, à cause de l’incompétence de ses gestionnaires, Bombardier était au bord de la faillite : la production des avions CSeries avait trois ans de retard et nécessitait maintenant d’autres investissements de plusieurs milliards de dollars pour compléter le programme. La compagnie enregistrait des pertes de 4,9 milliards, et se montrait incapable d’honorer ses contrats avec la Société des transports de Montréal (STM) et la Toronto Transit Commission (TTC) pour la prodution de wagons de métro.
Cette aide gouvernementale était d’autant plus insultante qu’en 2014, Bombardier a été prise en plein délit d’évasion fiscale alors qu’elle évitait de payer des impôts en acheminant des centaines de millions de dollars dans des paradis fiscaux au Luxembourg.
En 2017, c’était au tour du gouvernement Trudeau d’investir 373 millions de dollars dans Bombardier, dont 124 millions pour la CSeries. Ces subventions du gouvernement auraient servi à augmenter les salaires des dirigeants de la compagnie de 50% si un tollé général n’avait pas obligé les patrons à revenir sur leur décision et à repousser leurs augmentations de quelques années.
La CSeries était un échec, n’ayant pas réussi à percer le crucial marché américain. La seule solution pour Bombardier était de vendre 50% des parts dans la CSeries à Airbus pour la somme de 1 dollar, afin de bénéficier des capacités commerciales de l’avionneur européen. De plus, cela permettait de faire fabriquer les avions dans les usines d’Airbus aux États-Unis, de façon à éviter les tarifs douaniers importants imposés par les Américains. Finalement, en 2020 Bombardier a jeté l’éponge et vendu le 25% restant de ses parts à Airbus, faisant du gouvernement du Québec un actionnaire à 25% contre le 75% d’Airbus.
Si depuis 2021 l’A220 commence à connaître un certain succès en ayant accumulé quelques dizaines de commandes d’avions de la part de compagnies aériennes, il reste un programme déficitaire. Airbus cherche maintenant elle aussi à profiter de la générosité du gouvernement du Québec envers les entreprises afin d’accélérer sa production et d’atteindre plus rapidement la rentabilité. Mais même avec une cadence accélérée, Airbus ne prévoit pas de rentabilité pour l’A220 avant 2025.
Ainsi, selon les estimations du gouvernement, l’investissement de 1,3 milliard de Couillard ne vaut plus rien aujourd’hui. Devant une injection de capitaux d’Airbus dans l’A220, Québec devra investir s’il veut garder sa participation à 25% et espérer éventuellement récupérer ses investissements. C’est ce que Legault, qui n’a pas l’air d’avoir appris de ses prédécesseurs, a l’intention de faire avec un nouveau cadeau de plus de 200 millions de dollars. Comme un accro aux jeux de hasard, le gouvernement du Québec continue à jeter de l’argent dans la machine à sous de la CSeries en espérant retrouver sa mise. Pour un parti qui se présentait fièrement comme une solution de rechange aux vieux partis corrompus et calcifiés de la scène politique québécoise, la CAQ n’a pas l’air de vouloir trop sortir des sentiers battus.
La saga CSeries, qui s’étire depuis maintenant plus de 10 ans, expose la véritable nature de la démocratie bourgeoise et donne raison à Marx et Engels : le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière. Ultimement, la CAQ représente les mêmes intérêts que le Parti libéral. En d’autres mots, tant et aussi longtemps que nous serons sous le capitalisme, quel que soit le parti en place, l’État sera au service du patronat, qui continuera à piger dans les fonds publics comme dans sa tirelire.