Le système d’éducation s’effondre : les syndicats doivent passer à l’offensive pour le sauver!

Encore une fois cette année à la rentrée scolaire, il y a une pénurie record de personnel enseignant au Québec. Selon les chiffres donnés par le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, il y avait 8558 postes d’enseignant à combler à une semaine de la rentrée; l’an passé en 2022, ce chiffre était à 5335 et en 2021, à 889. 

  • Corinne Lavallée
  • ven. 1 sept. 2023
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Encore une fois cette année à la rentrée scolaire, il y a une pénurie record de personnel enseignant au Québec. Selon les chiffres donnés par le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, il y avait 8558 postes d’enseignant à combler à une semaine de la rentrée; l’an passé en 2022, ce chiffre était à 5335 et en 2021, à 889. 

Les négociations du secteur public qui auront lieu cet automne sont l’occasion parfaite pour les travailleurs de l’éducation de renverser la vapeur et de sauver le système d’éducation public québécois qui se meurt à petit feu.

La CAQ joue à l’autruche

Confrontée à la même crise chaque année, la Coalition avenir Québec (CAQ) a répété sa tactique préférée : celle d’affirmer que l’éducation est sa priorité, d’imposer quelques ajustements ici et là pour donner l’impression de faire quelque chose, et finalement d’éviter à tout prix de s’attaquer aux vrais problèmes, qui sont des salaires trop bas et des conditions de travail lamentables, qui découragent les enseignants et les étudiants intéressés par la profession.

C’est un fait que le salaire moyen des enseignants au Québec est un des plus bas au Canada : en 2021, on notait un retard salarial de 14% sur la moyenne canadienne. Les nouveaux enseignants doivent trop souvent passer par un processus d’embauche laborieux de plusieurs années de suppléance et de contrats à court terme avant d’obtenir un poste permanent : 42% des enseignants n’avaient pas de poste permanent en 2015. Bien avant la pandémie, les enseignants devaient aussi gérer des classes de plus en plus nombreuses avec des ressources de moins en moins suffisantes, surtout quand vient le temps d’aider les élèves avec des difficultés d’apprentissage.

Ce n’est pas un hasard si, selon l’étude la plus récente, entre 1992 et 2011, entre 25 et 30% des enseignants ont abandonné après la première année, et 50% après cinq ans de travail. On connaît tous un ou une enseignante avec une histoire de salles de classe bondées, d’épuisement ou de manque de ressources. C’est un cercle vicieux : le départ d’enseignants et la pénurie de personnel signifient que les travailleurs qui restent dans le système se retrouvent avec une charge de travail toujours grandissante, et quittent à leur tour.

La situation est si critique que Drainville en est rendu à seulement viser à ce qu’il y ait un « adulte » dans chaque classe, « si possible avec un bac ». Bien que des travailleurs aux meilleures intentions viendront aider à combler les trous, l’éducation de la prochaine génération souffrira inévitablement de cette pénurie d’enseignants qualifiés.

Jamais la situation n’a été aussi mauvaise. Pourtant, la CAQ s’en tient à une offre insultante d’une hausse de salaire de 9% étalée sur cinq ans dans les négociations avec les employés du secteur public québécois, y compris les enseignants. L’annonce phare de la CAQ en éducation récemment a plutôt été… l’interdiction des cellulaires en classe. Bien qu’une écrasante majorité d’enseignants appuient cette mesure, pour la CAQ, cela permet de dévier l’attention de l’ensemble des conditions pitoyables dans lesquelles les enseignants se trouvent en leur accordant un bonbon qui ne lui coûte pas un sou.

Bernard Drainville a beau être le ministre de l’Éducation, il est simplement incapable de cacher son mépris pour les travailleurs du milieu scolaire. Au printemps dernier, il a dû s’excuser pour ses propos lancés lors d’une entrevue au Devoir. En réponse à un chroniqueur qui l’interrogeait sur l’augmentation de salaire des députés de 31% et demandait si les enseignants méritaient de meilleurs salaires, il a répondu, l’air presque insulté, qu’on ne pouvait pas comparer le travail d’un député à celui d’un enseignant. À tout le moins, on ne peut pas dire que ce loup porte des vêtements de brebis.

C’est le temps de passer à l’offensive!

Cette année est l’occasion parfaite de renverser la vapeur : la pénurie de personnel enseignant coïncide avec les négociations du secteur public. Devant la CAQ qui refuse de bouger sur son offre méprisante, il faut se préparer à un grand conflit de classe. La CAQ pousse les travailleurs vers la grève.

Le cas des enseignants souligne toutefois un problème des négociations actuelles, soit l’absence d’une stratégie commune et d’une véritable unité de tous les travailleurs du secteur public. 

En effet, les centrales syndicales réunies dans le Front commun, soit la CSN, la FTQ, l’APTS et la CSQ, qui représente une partie importante des enseignants et du personnel de soutien des écoles, parlent vaguement de la possibilité d’aller chercher des mandats de grève. 

Les affiliés de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), quant à eux, ont déjà des mandats de grève illimitée. Il n’y a donc pas de plan commun ni pour les employés du secteur public en général, mais même pour les enseignants eux-mêmes! 

Si nous voulons gagner dans ces négociations contre la CAQ, il faut mettre de côté tout esprit de clocher syndical, et frapper ensemble. 

L’ensemble des syndicats du secteur public, tant ceux qui sont formellement dans le Front que ceux se trouvant à l’extérieur, doivent se munir d’un plan d’action commun et mobiliser leurs membres dès maintenant en vue d’une grève illimitée commune. Tous les syndicats devraient s’engager à ne pas retourner au travail tant que les revendications de tous n’ont pas été satisfaites. Lors des dernières négociations en 2021, une entente avait été conclue avec la FAE, mettant la pression sur les autres centrales syndicales à accepter l’entente à rabais de 2% par année sur trois ans que la CAQ offrait à tous. Auparavant, en 2015, c’était la FAE qui souhaitait poursuivre la lutte alors que les dirigeants des autres centrales justifiaient une entente de capitulation. Nous ne pouvons laisser de telles choses se reproduire.

Si vis pacem, para bellum

L’effritement dramatique du système d’éducation n’est pas dû simplement à l’inaction de la CAQ : c’est le résultat de décennies de coupes constantes dans le secteur public. Dans un système capitaliste, où le gouvernement ne sert qu’à gérer les affaires des capitalistes, les profits des patrons sont toujours priorisés et cela, aux dépens des services publics essentiels comme les écoles, les hôpitaux ou les garderies. Les privatisations, la diminution des taxes et impôts sur les grandes entreprises et l’austérité qui vient avec, sont une menace constante sur les services publics.

La CAQ n’a rien offert d’autre que du mépris aux enseignants et leurs collègues du secteur public : il est temps que les syndicats répondent par l’offensive en planifiant dès maintenant une grève illimitée de tout le secteur public.

Un vieil adage romain affirme que quiconque veut la paix doit préparer la guerre; pour se sortir de la crise, les enseignants doivent se préparer à une guerre de classe.