La police a abattu Jean René Junior Olivier, un homme noir de 38 ans, en pleine rue à Repentigny le 1er août dernier. Plus d’un an après les manifestations monstres déclenchées par le meurtre de George Floyd, qui ont secoué les États-Unis et qui se sont répercutées partout au Canada, ce meurtre vient rappeler que la violence raciste de la police n’a pas disparu. Elle fait partie intégrante du système capitaliste.
« J’appelle pour de l’aide et on tue mon fils »
Ces paroles de la mère de Junior Olivier, Marie-Mireille Beauce, résument l’horreur vécue par trop de Noirs au Québec et au Canada. Le dimanche 1er août, Jean René Junior Oliver vivait un épisode de détresse psychologique. Tenant un petit couteau de table, il disait voir des hommes autour de lui qui voulaient lui faire du mal. Pour éviter qu’il se fasse du mal et pour aider à le transporter à l’hôpital, sa mère a appelé le 911. Une fois les policiers sur place, M. Olivier aurait déposé le petit couteau. Il aurait pris la fuite à pied, mais les policiers l’ont abattu de trois balles. Ils ont ensuite sorti leur excuse habituelle, disant qu’il se montrait « menaçant » envers eux.
Le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), censé être la « police des polices », a déclenché une enquête. La famille de la victime demande aussi qu’une enquête soit ouverte sur le Service de police de la Ville de Repentigny (SPVR) et que celui-ci soit placé sous-tutelle.
Plus important encore, la famille a également appelé à des mobilisations de masse pour s’assurer que justice soit faite. « On veut que ce soit comme George Floyd », déclare un membre de la famille. Une manifestation de quelques centaines de personnes a d’ailleurs eu lieu à l’hôtel de Ville de Repentigny quelques jours plus tard. L’humeur est à la colère : « Nous sommes pacifiques, mais on ressent de la rage parce qu’en 2021, on se bat encore pour l’égalité », a déclaré un jeune manifestant.
Racisme
Le racisme de la police crève les yeux. Il suffit de se rappeler du cas de l’homme blanc armé d’une épée qui a fait plusieurs blessés et morts à Québec en octobre dernier. La police a trouvé les moyens pour l’appréhender sans mettre fin à sa vie, contrairement à Junior Olivier. La mère de M. Olivier a bien raison quand elle dit que « les Blancs, eux, on ne les tue pas comme ça ».
Le SPVR a un long historique de profilage racial. Au moins une dizaine de plaintes pour profilage racial ont été déposées en 2019 par des personnes noires de Repentigny ayant subi du harcèlement par le service de police. Pour la police, toutes les excuses sont bonnes pour interpeller, questionner et fouiller en toute impunité les résidents noirs de Repentigny, et souvent aucune n’est nécessaire.
Au Québec, le nombre de cas déclarés de profilage racial a quasiment doublé dans les deux dernières années. En 2020-2021, on recense 86 nouveaux dossiers ouverts à ce sujet par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Le meurtre à Repentigny est la pointe tragique de l’iceberg.
Non seulement les personnes noires, mais les Autochtones et les personnes souffrant de santé mentale sont victimes de violence policière de manière disproportionnée. En fait, le même jour que le SPVR a tué Junior Olivier, des policiers de la Sûreté du Québec ont ouvert le feu sur un homme autochtone sur le territoire de la communauté Anicinape de Kitcisakik. Deux jours plus tard, un cas similaire s’est répété, quand un policier a tiré sur un homme noir atteint de schizophrénie ayant tenu des propos suicidaires à Lac-des-Écorces sur la route 117.
Heureusement, ces deux hommes ont survécu à leur interaction avec la police. Mais pour beaucoup, croiser le chemin violent de la police équivaut à une peine de mort. Les Noirs et les Autochtones meurent sous les balles des policiers à une fréquence disproportionnée par rapport à leur poids démographique. Ces deux groupes ont entre 10 et 20 fois plus de risque de mourir lors d’une intervention policière. Contrairement à la police, les statistiques ne mentent pas.
Impunité
La brutalité policière est d’autant plus enrageante qu’elle reste presque tout le temps impunie. Malgré l’annonce d’une enquête par le BEI sur le meurtre de M. Olivier, il y a peu de chance que ce soit différent cette fois.
Jusqu’à la création du BEI en 2012, les enquêtes concernant les abus perpétrés par les policiers étaient confiées aux forces de police elles-mêmes. Et des fois il n’y avait simplement pas d’enquêtes.
Le BEI était censé éliminer la partialité dans les enquêtes qui concernent les crimes commis par les forces de police au Québec. Mais des anciens policiers finissent souvent par intégrer les équipes d’enquêtes. En fait, selon la Ligue des droits et libertés (LDL), les enquêteurs du BEI sont à 70% des anciens policiers ou employés de corps policiers. En effet, un rapport de 2020 de la LDL et de la Coalition contre la répression et les abus policiers tire des conclusions dévastatrices sur le BEI. « Le BEI est loin d’être indépendant du milieu policier; le BEI fait preuve d’un manque important de transparence dans ses enquêtes; plusieurs raisons nous permettent de douter de l’impartialité de ses enquêtes et enfin, le BEI n’a pas été doté de moyens pour mettre fin à l’impunité policière », affirme le rapport.
Le résultat est qu’encore aujourd’hui, les policiers ont droit à une impunité presque totale. Par exemple, entre 2016 à 2019, la majorité des plaintes reçues par le BEI ont été déposées par des membres des Premières Nations. Elles sont toutes restées lettre morte.
Pas de capitalisme sans racisme
Un rapport remis en octobre 2019 par un groupe de chercheurs engagés par le SPVM a révélé ce que tout le monde savait, soit que les personnes racisées sont victimes d’un biais systémique de la police. Le SPVR a engagé ce même groupe de chercheurs et ils fourniront un rapport à la fin de l’année. Nous ne doutons pas des conclusions qui seront présentées. Mais ce ne sont pas les rapports et les enquêtes qui mettront fin au racisme au sein des institutions de l’État. Le racisme au Québec et au Canada est systémique. Et le système qui génère et maintient le racisme, c’est le capitalisme.
Pour lutter contre le racisme, nous ne pouvons compter que sur nos propres forces. La famille de Jean René Junior Olivier, comprenant déjà que c’est la seule voie à suivre pour obtenir justice, a appelé à des mobilisations de masses. Le mouvement ouvrier doit répondre à cet appel. Les Noirs appartiennent de façon disproportionnée à la classe ouvrière. Les attaques racistes sont donc une attaque sur toute la classe ouvrière. Le mouvement ouvrier doit se mobiliser pour s’opposer au profilage racial et à la violence policière raciste. Si les manifestations de l’été dernier aux États-Unis et ailleurs ont prouvé quoi que ce soit, c’est que la mobilisation de masse des travailleurs et des jeunes en fait plus pour avancer la lutte que n’importe quelle enquête « indépendante ».
Malcom X l’a dit de façon assez simple et concise : « Il n y a pas de capitalisme sans racisme. » Le capitalisme est un système qui repose sur l’exploitation et l’oppression. En divisant les travailleurs selon la race, la religion, le genre, l’ethnicité, etc. la petite minorité d’exploiteurs peut continuer à se goinfrer alors que les travailleurs, qui produisent toute la richesse de la société, se battent pour les miettes.
L’État avec son bras armé, la police, est un pilier essentiel pour défendre les richesses accaparées par les exploiteurs. La police sera aussi raciste et violente que le système qu’elle sert à maintenir en place. Tant qu’il y aura des classes, des exploiteurs et des exploités, le racisme et la police subsisteront. Pour mettre fin au racisme et à la brutalité policière, il faut mettre fin au capitalisme.