Le 7 novembre 1917, la classe ouvrière russe prenait le pouvoir entre ses mains. Pour la première fois de l’histoire, une révolution socialiste était victorieuse. Cent ans plus tard, alors que des millions de jeunes au Québec, en Amérique du Nord et partout à travers le monde cherchent à lutter contre le capitalisme, la révolution russe nous fournit une source intarissable d’inspiration. Nous devons étudier les leçons de la révolution russe pour nous préparer à cette lutte, si nous voulons la mener à la victoire!

Une autre révolution socialiste est possible

Il n’est pas rare de nos jours d’entendre qu’une révolution socialiste est impossible, qu’il s’agit d’une utopie. Les sceptiques diront que les travailleurs sont apathiques, que les masses ne s’intéressent pas à la politique, ou encore que les gens ne sont pas intéressés à transformer la société. D’autres diront que oui, il y a eu des révolutions il y a longtemps, mais que ce n’est plus possible de nos jours.

Mais peu de gens réalisent à quel point les perspectives pour la révolution, en surface, semblaient sombres dans les années précédant la révolution russe. Avec la Première Guerre mondiale qui faisait rage, avec des millions de travailleurs s’entretuant au front, le slogan « prolétaire de tous les pays, unissez-vous » résonnait comme une mauvaise blague. Les partis nationaux de la Deuxième Internationale, l’organisation qui réunissait les partis socialistes du monde entier, avaient honteusement endossé la guerre dans tous les pays, à l’exception des Serbes et des Russes.

Même Lénine était très anxieux devant le lent développement des forces authentiquement marxistes à mesure que la guerre avançait. En janvier 1917, encore coincé en exil en Suisse, Lénine affirmait que « nous, de la génération plus âgée, ne vivront peut-être pas pour assister aux batailles décisives de la révolution qui vient. »

Quelle incroyable ironie! Un mois plus tard, la révolution de Février avait lieu : les ouvrières et les ouvriers de Petrograd renversaient le tsarisme, et les soviets (soit les conseils d’ouvriers, de paysans et de soldats) commençaient à émerger à côté du gouvernement provisoire bourgeois formé après la révolution. Neuf mois plus tard, la révolution d’Octobre triomphait : le parti bolchevique de Lénine et Trotsky avait conquis la majorité dans les soviets, et renversait le gouvernement provisoire.

Le développement de la lutte des classes ne se fait pas en ligne droite, et sous la surface d’une situation en apparence calme se préparent bien souvent des soulèvements révolutionnaires. En 1917, les calamités de la guerre, la famine, la désorganisation économique et la pauvreté faisaient s’accumuler chez les masses une profonde haine du régime tsariste, qui n’attendait qu’une occasion pour s’exprimer.

De la même manière aujourd’hui, les décennies d’austérité, de diminution des conditions de vie et de travail font que la frustration grandit dans la société. La jeune génération d’aujourd’hui sera la première à vivre plus pauvrement que ses parents depuis la Seconde Guerre mondiale. L’idée que le capitalisme est le « meilleur système possible » ne correspond plus à la réalité de millions de gens forcés de travailler dans des emplois précaires, de s’endetter profondément, d’accepter de bas salaires, ou tout cela à la fois.

Dans ce contexte où la colère s’accumule chez les masses, des changements radicaux peuvent survenir plus rapidement qu’on le pense, et vont survenir. La révolution arabe de 2011 est là pour le prouver. Il est impossible de prédire quand les contradictions éclateront, ni quand nous verrons des masses de gens se soulever pour transformer la société. Mais ce que nous savons, c’est que ce moment arrivera tôt ou tard, et qu’en tant que socialistes, il faut se préparer ici et maintenant.

Le parti bolchevique

Mais comment pouvons-nous nous préparer? Que pouvons-nous faire pour assurer que les prochaines révolutions soient victorieuses? 

La révolution russe n’est pas la seule révolution socialiste que nous avons connue dans l’histoire. D’ailleurs, celle-ci avait suscité une vague de révolutions à travers toute l’Europe, et avait trouvé écho en Asie et en Amérique également. Les travailleurs allemands, hongrois, italiens, bulgares, finlandais, etc., ont tous tenté de renverser le capitalisme. La révolution eut des répercussions jusque chez nous, notamment avec la grève générale de Winnipeg de 1919.

Depuis lors, des dizaines et des dizaines de révolutions ont eu lieu aux quatres coins du globe. Encore et encore, les travailleurs ont tenté de prendre le pouvoir dans un pays après l’autre. Mais pourquoi donc est-ce que la révolution russe est la seule qui, jusqu’à présent, a mené au renversement du capitalisme et à l’instauration d’une authentique démocratie ouvrière?

Il n’y avait rien qui prédestinait la classe ouvrière russe à réussir là où les autres ont échoué par la suite. Au cours de 1917, il a semblé plusieurs fois que la révolution allait être renversée par la contre-révolution. Les partis réformistes de l’époque, les socialistes-révolutionnaires (SR) et les mencheviks, avaient la confiance de la majorité des travailleurs et des paysans pendant les premiers mois de la révolution, et se servaient de leur position dominante pour subordonner les masses aux intérêts de la bourgeoisie, qui elle tentait de mettre fin à la révolution. Les mencheviks et les SR croyaient qu’il était « trop tôt » pour que la classe ouvrière prenne le pouvoir, qu’il fallait laisser la bourgeoisie avoir son règne, et que la lutte pour le socialisme serait pour plus tard.

C’est là un argument qui revient constamment aujourd’hui, sous une forme ou sous une autre. Les dirigeants actuels du mouvement ouvrier répètent sans cesse ce même refrain selon lequel les masses ne sont pas prêtes à renverser le capitalisme. Il va sans dire que pour ces gens, les masses ne seront jamais prêtes à lutter pour le socialisme.

En 1917, les SR et les mencheviks, n’ayant pas la perspective de prendre le pouvoir au nom des soviets et de commencer à prendre des mesures contre les capitalistes, se sont retrouvés pris entre l’arbre et l’écorce. Refusant de mener la classe ouvrière vers la prise du pouvoir à travers les soviets, ils ont dû endosser les politiques procapitalistes du gouvernement provisoire, qui souhaitait notamment poursuivre la guerre mondiale dont plus personne ne voulait. Mais la patience et la confiance des masses atteignait ses limites. Lors des Journées de Juillet 1917, où les ouvriers et soldats de Petrograd ont manifesté les armes à la main contre le gouvernement; un ouvrier aurait même pris un ministre socialiste-révolutionnaire par le collet, lui criant à deux doigts du visage : « Prends donc le pouvoir, fils de chienne, quand on te le donne! »

Au fil des mois les mencheviks et les SR se sont retrouvés complètement discrédités aux yeux des travailleurs, des soldats et des paysans. C’est vers les bolcheviks, menés par Lénine et Trotsky, que ces derniers se tournèrent alors. Ayant passé des mois à leur expliquer patiemment qu’il était nécessaire et possible de prendre le pouvoir des mains de la bourgeoisie, et ayant gagné leur confiance, les bolcheviks ont été en mesure de canaliser l’immense énergie et l’initiative des masses vers la prise du pouvoir.

Les marxistes se font souvent critiquer parce que, supposément, ils accordent trop d’importance à des débats d’idées abstraits. Ne serait-il pas mieux de mettre de côté les question « abstraites » et de passer à l’action? Mais la révolution russe démontre clairement l’importance d’avoir les bonnes idées et les bonnes méthodes pour qu’une révolution socialiste soit victorieuse.

Essentiellement, deux idées ont permis la victoire d’octobre 1917. La première était la perspective avancée par Trotsky, celle de la révolution permanente. Tout le monde au sein du mouvement ouvrier russe était d’accord sur l’idée que les tâches de la révolution dans la Russie tsariste étaient démocratiques-bourgeoises : émancipation des paysans, mise en place de droits démocratiques, libération de la domination impérialiste, libération des nations opprimées, etc. Cependant, tandis que d’autres tendances du mouvement ouvrier russe expliquaient que la bourgeoisie devait prendre le pouvoir après la chute du tsarisme, et que le pouvoir des travailleurs serait pour plus tard, Trotsky avançait que seule la classe ouvrière, entraînant derrière elle la paysannerie pauvre, serait capable d’accomplir ces tâches. Il ajoutait que la classe ouvrière, une fois au pouvoir, aurait à commencer les tâches reliées à la transformation socialiste de la société. Les événements de 1917 lui donnèrent raison. Sur la base des événements, Lénine adopta cette perspective, et le parti bolchevique l’adopta ensuite en avril 1917. Ce qui pourrait sembler être un débat abstrait entre révolutionnaires a fait la différence entre la victoire et la défaite. Sans cette perspective, la révolution d’Octobre n’aurait pas eu lieu.

La deuxième idée, c’était celle de Lénine selon laquelle un parti révolutionnaire était nécessaire pour mener la classe ouvrière au pouvoir. Lénine avait passé vingt ans à bâtir soigneusement cette organisation. En 1917, les partis dirigeants dans les soviets, les SR et les mencheviks, menaient la révolution à sa ruine. Il était nécessaire d’avoir un parti pour fournir une direction alternative à celle des mencheviks et des SR. Trotsky finit par le comprendre aussi, et joignit les bolcheviks à l’été 1917. Sans la présence du Parti bolchevique, rassemblant les ouvriers révolutionnaires les plus actifs et conscients, ayant réussi à rallier derrière eux le reste de la classe ouvrière, celle-ci n’aurait jamais pu prendre le pouvoir en 1917. Et aujourd’hui, 100 ans plus tard, les politologues et autres « experts » nous expliqueraient l’échec de la révolution russe par le fait que la classe ouvrière ne pouvait pas prendre le pouvoir, qu’elle n’était pas prête, que la situation n’était pas mûre, que le rapport de forces était défavorable, etc.

Un parti révolutionnaire comme le parti bolchevique; c’est précisément ce qui était absent dans les révolutions des 100 dernières années. Les masses exploitées démontrent sans cesse leur combativité, leur désir de transformer la société. Les révolutions du dernier siècle ne se comptent plus, et il y en aura d’autres à venir. Lors d’un mouvement de masse ou d’une révolution, les partis de gauche qui se refusent à renverser le capitalisme se retrouvent rapidement discrédités et entrent en crise. Le problème dans cette situation, c’est l’absence d’une organisation authentiquement révolutionnaire munie d’un programme clair pour orienter les masses là où refusent de les amener les partis réformistes, soit vers le renversement du système capitaliste lui-même. Bâtir cette organisation est la tâche qui se pose à nous aujourd’hui.

Construisons la Tendance marxiste internationale!

Devant le cul-de-sac dans lequel se trouve le capitalisme aujourd’hui, il devient clair aux yeux d’un nombre toujours grandissant de personnes que 100 ans après la révolution russe, une nouvelle révolution est nécessaire.

Aujourd’hui comme à l’époque, la bourgeoisie joue un rôle absolument parasitaire et retient la société en arrière. Le plus récent rapport d’Oxfam nous dit que huit individus possèdent autant de richesses que le 50 % le plus pauvre de la population mondiale. Au Canada, ce sont deux individus qui possèdent autant que le tiers le plus pauvre de la population! Alors que 50 % de la population canadienne vit d’un chèque de paye à l’autre selon une autre étude, plus de 700 milliards de dollars dorment dans les comptes en banque des grands capitalistes du pays, sans être investis dans l’économie, selon une étude datant de 2016. En terme de grotesque accumulation de richesse, les capitalistes d’aujourd’hui font mal paraître les monarques d’hier. Si la situation était mûre en 1917 pour renverser la bourgeoisie, alors il est plus que temps de faire de même aujourd’hui!

Lorsque les bolcheviks ont pris le pouvoir des mains de la bourgeoisie en 1917, l’objectif était que ce soit l’étincelle d’une révolution qui allait renverser le capitalisme à l’échelle mondiale. Les bolcheviks, comprenant qu’il serait impossible de construire le socialisme dans la seule Russie, s’empressèrent de créer une Internationale communiste, une organisation révolutionnaire mondiale ayant pour but de défendre les idées socialistes dans tous les pays, et de mener la classe ouvrière au pouvoir.

Le socialisme est international ou il n’est rien. Les efforts de nos camarades dans un pays ne seront rien si nous ne tentons pas de renverser notre classe dirigeante ici, et vice versa. C’est pourquoi La Riposte socialiste fait partie de la Tendance marxiste internationale, présente dans plus d’une trentaine de pays où nous tentons de construire le parti révolutionnaire qui pourra jouer le rôle que les bolcheviks ont joué en 1917.

Tout autour du monde, la confiance des travailleurs et de la jeunesse dans les institutions, dans les partis et les politiciens de l’establishment et dans le système capitaliste en général s’effrite à un rythme qui va en s’accélérant. Les idées du socialisme gagnent en popularité, en particulier chez les jeunes. Tôt ou tard, les travailleurs et travailleuses se mettront en mouvement, et ils devront pouvoir compter sur une organisation révolutionnaire capable d’orienter le mouvement vers le renversement du capitalisme. Nous avons besoin de vous pour bâtir cette organisation.

Joignez-vous à la Tendance marxiste internationale, et finissons le travail que les bolcheviks ont commencé il y a cent ans!