Le capitalisme européen craque sous la pression d’une crise sans précédent

Le coût de l’énergie monte en flèche. Les représentants de la classe dirigeante européenne craignent fortement que cela n’entraîne la désindustrialisation, le chômage et une réaction violente de la classe ouvrière. Certains parlent d’un nouvel « hiver de mécontentement ».

  • Jack Halinski-Fitzpatrick
  • lun. 31 oct. 2022
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Image : marxist.com

Le coût de l’énergie monte en flèche. Les représentants de la classe dirigeante européenne craignent fortement que cela n’entraîne la désindustrialisation, le chômage et une réaction violente de la classe ouvrière. Certains parlent d’un nouvel « hiver de mécontentement ».

Le 1er février 2021, le prix de référence européen pour le gaz naturel était de 15 euros/MWh. Le 26 septembre 2022, il atteignait 174 euros/MWh. C’est plus de 10 fois la moyenne de la décennie précédente. Les coûts énergétiques de l’Europe représentent normalement environ 2% du PIB, mais ce chiffre atteint désormais 12%. L’impact de la guerre en Ukraine a exacerbé le problème, mais l’augmentation des prix de l’énergie avait manifestement déjà commencé avec l’inflation mondiale généralisée qui a accompagné la réouverture après les confinements liés à la COVID.

Comme nous l’avons déjà expliqué, cette guerre représente un conflit entre la Russie, d’une part, et d’autre part l’impérialisme occidental, qui se sert de l’Ukraine pour mener une guerre par procuration. Une grande partie de la responsabilité de la crise actuelle a été attribuée à Vladimir Poutine. Cependant, si la Russie tente certainement d’infliger des souffrances économiques à l’Occident, il s’agit de représailles aux sanctions imposées à la Russie par les gouvernements occidentaux. Les deux parties utilisent les sanctions pour tenter de déstabiliser l’autre partie, et les augmentations de prix en sont le résultat.

L’Union européenne tente de réduire sa dépendance à l’égard de l’énergie russe. L’industrie pétrolière et gazière représentant environ un cinquième du PIB russe et près de la moitié de ses recettes budgétaires jusqu’à présent cette année, la perte de cette source de revenus serait très dangereuse pour Poutine. Il est donc dans son intérêt de répliquer. À cette fin, la Russie a lentement réduit l’approvisionnement en gaz de l’UE. Et si cela a réduit ses ventes, cela a massivement augmenté ses revenus. Par exemple, Gazprom, la société énergétique russe, a exporté 43% de gaz en moins cette année, mais le gaz qu’elle a exporté est passé de 310 à 1000 dollars par mètre cube.

Le 2 septembre, la Russie a intensifié sa campagne, Gazprom annonçant la fermeture complète du gazoduc Nord Stream 1. Poutine a déclaré que les Russes « ne fourniront rien du tout si cela est contraire à nos intérêts. Pas de gaz, pas de pétrole, pas de charbon, pas de mazout, rien ». Le Kremlin a ajouté que les livraisons ne reprendraient pas tant que le « monde occidental dans son ensemble » n’aurait pas levé les sanctions contre la Russie.

La pression s’accentue sur l’Europe

Cette situation est en train de provoquer le chaos dans toute l’Europe, dont une grande partie dépend du gaz russe. Par exemple, en 2021, au moins 15 pays européens ont obtenu au moins la moitié de leur approvisionnement en gaz de la Russie. Si cette dépendance varie énormément d’un pays à l’autre, la pression s’accentue sur l’ensemble du continent.

Jusqu’à présent, les pays européens ont réussi à atteindre les objectifs de l’UE en matière de stockage de réserves, les installations étant remplies à environ 90%. Toutefois, comme l’explique Alex Munton, un analyste des marchés mondiaux du gaz, pour passer l’hiver, l’Europe aurait besoin à la fois de réserves de gaz bien remplies et des importations en provenance de Russie.

Outre la recherche d’autres sources d’approvisionnement, les membres de l’UE se sont engagés à réduire volontairement leur consommation de gaz de 15% cet hiver. Au cours de l’été, la consommation a diminué de 138 millions de mètres cubes par jour, ce qui représente une baisse de 16%. Cependant, pour maintenir cette réduction pendant l’hiver, l’économie devrait être portée à 300 millions de mètres cubes par jour. La demande devra donc être réduite encore davantage, alors que les besoins en énergie augmentent pendant les mois froids de l’hiver.

La crise énergétique met en évidence la nature non planifiée et anarchique du système capitaliste, ainsi que les limites de l’État-nation. Le gaz russe devient de moins en moins disponible, mais il n’y a pas de réponse coordonnée et planifiée. À la place, nous avons une « ruée vers les cargaisons de GNL », comme l’a dit le patron d’une compagnie de gaz basée en Asie. Chaque gouvernement cherche d’abord à garantir les intérêts de sa propre classe dirigeante, ce qui aggrave la situation générale en faisant grimper les prix encore davantage.

Cette flambée des coûts pose toutefois d’autres problèmes. Le prix du gaz naturel aux États-Unis a presque triplé au cours de l’année dernière, ce qui, conjugué à l’impact de l’inflation mondiale généralisée, conduit à des pressions pour freiner son exportation du pays. On observe également une situation similaire en Australie. Ces pays possèdent deux des trois plus grandes capacités d’exportation de GNL au monde.

La guerre, qui est elle-même un produit du capitalisme en crise, a accéléré la pression sur les marchés de l’énergie, provoquant ainsi une véritable course entre chaque gouvernement pour obtenir suffisamment de ressources pour alimenter leur économie. Cela entraîne des variations de prix effrénées, ce qui met sous pression les chaînes d’approvisionnement existantes et risque de rendre un grand nombre d’entreprises européennes non concurrentielles sur le marché mondial. Si cela se produit, il en résultera de nombreux licenciements et la possibilité de fermetures à grande échelle sur tout le continent.

Baisse de la production

Si, à première vue, la réduction de la demande obtenue jusqu’à présent semble être un succès, il pourrait s’agir d’une victoire à la Pyrrhus. Par exemple, en juillet, l’Allemagne a consommé 21% de gaz en moins par rapport au même mois de l’année précédente. L’Association de l’industrie allemande affirme toutefois que, si une partie de cette réduction est due à des gains d’efficacité, la majeure partie est due à une chute « spectaculaire » de la production industrielle.

De même, la zone euro dans son ensemble a connu sa plus forte baisse mensuelle de production depuis avril 2020, lorsqu’une grande partie de l’Europe était confinée en raison de la pandémie de COVID-19. Loin d’être quelque chose à célébrer, cela pourrait donc n’être que le premier signe d’un déclin de la position des marchandises européennes sur le marché mondial. Plutôt qu’une réduction réfléchie de la consommation d’énergie, nous assistons à un effondrement de la production parce que les coûts des intrants sont devenus trop élevés pour être rentables.

Les capitalistes européens s’inquiètent donc bien plus que d’une simple réduction de leurs profits. Comme l’explique un économiste de Capital Economics, nous pourrions assister à « une perte permanente de compétitivité » pour l’économie de la zone euro. En effet, 12 groupes représentant diverses industries, du ciment à l’acier, ont déclaré qu’« il n’y a actuellement aucune raison économique de poursuivre la production en Europe ». Une multiplication par 10 du coût du gaz signifie une multiplication par 10 du coût d’un intrant majeur dans ces industries. Cette augmentation se répercute ensuite sur la chaîne d’approvisionnement dans des secteurs aussi variés que l’automobile et la bière. Si les produits de base fabriqués en Europe sont moins concurrentiels par rapport à leurs compétiteurs américains ou asiatiques, il y a un risque de désindustrialisation importante sur le continent européen.

À cela s’ajoute le spectre de l’inflation, qui atteint actuellement 9,1% dans la zone euro, et qui est elle-même exacerbée par un certain nombre de facteurs. Tout d’abord, en raison de la chute de la production en Europe, le continent sera de plus en plus dépendant des importations en provenance de l’étranger, qui pourraient être plus coûteuses. Deuxièmement, le dollar se renforce. Lorsque l’économie mondiale est en difficulté, les capitalistes ont tendance à transférer leur argent vers le dollar américain. Cela exerce une pression sur toutes les autres devises, y compris l’euro, qui a atteint son niveau le plus bas depuis 2002.

En plus de l’augmentation des coûts, il y a une pression sur la consommation. Tout d’abord, le fait que le niveau de vie de la classe ouvrière soit poussé vers le bas signifie que beaucoup réduisent leurs dépenses. En témoigne le fait que la confiance des consommateurs dans la zone euro n’a jamais été aussi basse, même pendant la crise financière de 2008 et les confinements liés à la COVID. En outre, les confinements généralisés en Chine, troisième destination des exportations européennes, freinent également la demande. La montée en flèche de l’inflation, l’augmentation des coûts et la pénurie d’intrants pour l’industrie, ainsi que la baisse de la demande s’ajoutent donc les unes aux autres.

Réponse de l’UE et des gouvernements

En réponse à la crise, l’UE et les gouvernements européens ont été contraints d’agir. Le 9 septembre, les ministres de l’Énergie de la zone euro se sont réunis et ont convenu de se concentrer sur quatre domaines : 1) la réduction de la demande d’électricité; 2) une taxe sur les bénéfices exceptionnels des entreprises de production d’électricité hors gaz; 3) un plafonnement du prix du gaz; 4) une aide financière aux producteurs d’électricité.

Cependant, l’Union européenne est composée d’États-nations concurrents qui, en temps de crise, cherchent d’autant plus à garantir les intérêts de leur propre classe dirigeante et sont beaucoup moins disposés à coopérer. Cela a été démontré par le fait que, comme le souligne l’article du Financial Times cité ci-dessus, dès que l’on discute des détails du fonctionnement d’un plafond de prix ou d’une taxe sur les profits exceptionnels, les désaccords surgissent.

En l’absence d’une approche collective, les gouvernements de l’UE réagissent individuellement. Certains ont introduit des plafonds sur les factures d’énergie; la France et l’Allemagne ont nationalisé les fournisseurs d’énergie; la Finlande et la Suède ont dû verser des fonds d’urgence aux producteurs d’électricité pour tenter d’éviter un « effondrement à la Lehman Brothers ». 

On estime que le montant total minimal nécessaire pour protéger les travailleurs et soutenir l’économie s’élève à environ 500 milliards d’euros, et des groupes de réflexion tels que le groupe Bruegel s’inquiètent du fait que cela n’est « clairement pas viable du point de vue des finances publiques ». Ainsi, même si le problème était « résolu » à court terme dans une certaine mesure, cela ne signifierait que l’augmentation de la dette de l’État, qui devra au bout du compte être remboursée. Cela démontre également le peu de confiance que les capitalistes ont réellement dans leur propre système. Comme ce fut le cas pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il y a une véritable crise, ils ne comptent pas sur le marché pour résoudre les choses. Au lieu de cela, l’État doit intervenir pour soutenir le système.

La tempête à venir

Ce qui se passe actuellement en Europe prépare la voie à une recrudescence massive de la lutte des classes. Comme le souligne Alexander De Croo, le premier ministre belge : « Quelques semaines comme celles-ci et l’économie européenne va tout simplement s’arrêter complètement […] Cela risque d’entraîner une désindustrialisation et un risque grave de troubles sociaux fondamentaux. »

La période récente a été marquée par une série de manifestations, dont certaines comportaient des slogans en faveur de la neutralité par rapport à la guerre. Début septembre, des manifestations de masse réunissant entre 70 000 et 100 000 personnes ont eu lieu en République tchèque. Les revendications comprenaient la démission du gouvernement et l’opposition à la fois à la crise du coût de la vie et à l’engagement tchèque dans la guerre. De même, à la mi-septembre, environ 20 000 personnes ont manifesté en Moldavie contre l’inflation et les prix élevés du carburant, exigeant la démission du gouvernement pro-Occident. Certains témoignages rapportent avoir entendu des slogans comme « Américains, rentrez chez vous » et « Non à un hiver froid ».

Cet hiver, les Européens recevront leurs factures d’énergie et beaucoup seront obligés de choisir entre se chauffer ou manger. En fait, même avant l’impact de la flambée des coûts de l’énergie, il y avait environ 657 000 décès par an dus au froid en Europe. Helima Croft, une analyste bourgeoise, a mis en garde contre la possibilité d’un « hiver de mécontentement ». La pression accrue sur le niveau de vie des gens obligera la classe ouvrière à agir, ce qui à son tour fera pression sur les gouvernements.

Inquiétudes et divisions

En 2020, l’Italie dépendait du gaz pour 43% de ses besoins énergétiques. Elle est donc très exposée aux fluctuations des prix. En outre, l’opinion publique est quelque peu divisée dans le pays, 27% des Italiens accusant les États-Unis, l’UE ou l’Ukraine d’être responsables de la guerre plutôt que la Russie.

Le 25 septembre, une alliance de partis de droite a remporté les élections générales dans le pays. Giorgia Meloni, chef du plus grand parti de l’alliance, a toujours été une partisane de l’OTAN et soutient publiquement l’effort de guerre en Ukraine. Conformément à cette approche, en août, la coalition s’est engagée à « soutenir l’UE, l’OTAN et la résistance de l’Ukraine à l’agression russe ».

Cependant, l’ancien ambassadeur italien auprès de l’OTAN qualifie de « tiède » le soutien manifesté par Matteo Salvini et Silvio Berlusconi, les dirigeants des deux autres partis de l’alliance, et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi il dit cela. Le 4 septembre, Matteo Salvini a demandé que les sanctions contre la Russie soient réévaluées. Entre-temps, Silvio Berlusconi aurait averti les membres de son parti que « des sanctions sévères pousseraient Moscou dans les bras de la Chine tout en provoquant des pertes d’emplois en Italie ».

Ces partis à la botte des grandes entreprises auront également pris note des protestations d’hommes d’affaires italiens, qui ont imputé à Bruxelles plutôt qu’à Poutine la responsabilité des factures énergétiques élevées. La flambée des coûts de l’énergie exercera une pression considérable sur le gouvernement pour qu’il fasse quelque chose, mais l’Italie et le reste de l’Europe subissent également une pression considérable de la part de l’impérialisme américain.

Comme nous l’avons déjà écrit, la crise énergétique est particulièrement aiguë pour l’Allemagne, qui dépendait de la Russie pour un tiers de son pétrole et plus de la moitié de son gaz avant la guerre. Cela explique pourquoi l’Allemagne a été plus réticente que les États-Unis ou la Grande-Bretagne à fournir des armes lourdes à l’Ukraine.

Les travailleurs allemands sont très inquiets pour l’avenir. Cet état d’esprit a été bien exprimé par Marlies Jakob, qui a téléphoné à une émission de radio en Allemagne en juillet. Elle a expliqué qu’elle était heureuse d’endurer des douches froides et de porter trois chandails si c’était pour arrêter la guerre. Cependant, « c’est le contraire qui s’est produit », a-t-elle déclaré. « Grâce aux sanctions […] les prix augmentent et la Russie rafle la mise comme jamais auparavant. »

Le mécontentement de l’opinion publique se reflète également sur le plan politique. En août, l’aile gauche du SPD a lancé un appel public à la paix avec la Russie. En outre, Jens Koeppen, député de la CDU (droite), a critiqué de manière opportuniste l’embargo pétrolier imposé à la Russie, estimant qu’il « [nous] fait plus de mal qu’aux Russes ». Comme l’affirme Andriy Melnyk, ambassadeur d’Ukraine en Allemagne jusqu’à la fin septembre, « plus les gens s’inquiètent de l’augmentation du coût de la vie, de la façon dont ils vont chauffer leur maison, moins ils seront solidaires de l’Ukraine ».

À première vue, on pourrait penser que la France serait quelque peu épargnée. Cependant, alors que 70% de son électricité provient de l’énergie nucléaire, 32 réacteurs nucléaires sont actuellement hors service en raison de divers problèmes d’entretien. Emmanuel Macron a semblé par le passé pousser davantage pour un accord de paix que les Britanniques et Américains belliqueux, ce qui a été illustré par son désir déclaré de « ne pas humilier la Russie ».

Macron est également le premier président français depuis 20 ans à ne pas disposer d’une majorité au parlement. Les deux autres groupements les plus importants, la NUPES de Mélenchon (gauche) et le Rassemblement national de Marine Le Pen (droite), tentent tous deux, dans une certaine mesure, de faire appel aux classes populaires sur les questions économiques. En outre, il convient de rappeler que l’étincelle initiale du mouvement insurrectionnel des Gilets jaunes en 2018-2019 était la proposition d’augmentation des taxes sur le carburant, qui a frappé de nombreux travailleurs qui dépendent de leur voiture pour se déplacer. Au fur et à mesure que la douleur de la crise énergétique augmente, la pression sur Macron pour pousser à un accord de paix augmentera donc de nombreux côtés.

Guerre d’usure

Cet hiver, nous assisterons à une guerre d’usure entre Poutine et l’Occident, chacun essayant d’accroître la pression sur son adversaire. Vers la fin du mois d’août, il semblait que des fissures dans l’alliance occidentale commençaient à apparaître. Selon le Financial Times, Josep Borrell, le diplomate en chef de l’UE, a admis que « certaines factions politiques du bloc voulaient que l’UE abandonne son soutien à l’Ukraine, pousse Kiev à un cessez-le-feu et abandonne les sanctions contre la Russie pour alléger la pression économique sur les pays européens ». Le même article indiquait que des hommes politiques tchèques avaient « appelé à une nouvelle attitude de l’UE ».

Cette attitude de plus en plus marquée signifiait que le camp ukrainien avait désespérément besoin d’une victoire quelconque afin de maintenir le flux de fonds et d’armes. L’offensive sur le front de Kharkiv et la défaite de la Russie ont fourni une telle victoire. Pour l’instant, il semble que cela lui ait permis de gagner du temps. Quelques semaines après le début de la contre-offensive, un diplomate européen aurait déclaré que « le ton a changé » et que plus personne ne « parle de s’opposer à davantage d’armes maintenant ».

Le 26 septembre, on a également assisté au sabotage de trois des quatre pipelines qui composent Nord Stream 1 et 2. Le chef de la commission parlementaire russe de l’énergie, Pavel Zavalny, estime que la réparation des dégâts pourrait prendre jusqu’à six mois. Si personne n’a endossé la responsabilité de cet acte, il est clair que son effet est de rendre plus difficile pour les gouvernements européens de rompre les rangs de la soi-disant « alliance occidentale ».

Bien qu’il existe d’autres pipelines pouvant être utilisés, cela limitera considérablement le potentiel d’approvisionnement du continent européen par la Russie, éloignant ainsi la perspective d’un rétablissement rapide de l’approvisionnement en gaz après un accord de paix. Qui que soit l’auteur de cet acte de sabotage, son intention probable était de raffermir l’alliance occidentale par la force. 

Selon certaines informations, l’excédent budgétaire de la Russie a fortement diminué, passant d’environ 500 milliards de roubles au cours des sept premiers mois de l’année à un total cumulé de 137 milliards à la fin du mois d’août. Selon les économistes, cela serait dû à une forte baisse des recettes pétrolières et gazières. La pression sur la Russie va donc certainement s’intensifier.

Toutefois, comme le souligne Foreign Policy, si un avenir sans la possibilité d’exporter de l’énergie vers son principal client pourrait bien causer à la Russie des problèmes assez graves à long terme, « le long terme est différent d’un hiver imminent sans carburant ». En outre, comme nous l’avons expliqué, cette guerre est devenue une question existentielle pour Poutine. Une défaite pourrait signifier la fin de son règne.

Comme pour toute guerre, il est très difficile de prédire l’issue de ce conflit. Tout ce dont nous pouvons être certains, c’est qu’il conduit à l’affaiblissement relatif de la puissance de la Russie et de l’Europe sur la scène mondiale, et qu’il va provoquer une immense vague de lutte des classes sur le continent européen.

Cet hiver, la classe ouvrière va souffrir énormément de la spirale des prix et de la pénurie d’énergie et de produits de première nécessité, et elle n’aura d’autre choix que de se battre. Des centaines de millions de personnes seront confrontées au choix entre se chauffer ou se nourrir, mais beaucoup choisiront une troisième option : celle de la lutte. Nous nous attendons à un hiver incroyablement explosif sur l’ensemble du continent européen, qui mettra une pression extrême sur les gouvernements pour qu’ils répondent aux besoins de la population, sous peine d’être chassés du pouvoir.

Face à un scénario de crise économique ingérable – avec une inflation élevée, une explosion de la dette et la fermeture de pans entiers de l’industrie – les brèches que nous voyons aujourd’hui dans la soi-disant « alliance occidentale » pourraient devenir des crevasses profondes sous la pression des mouvements de masse de la classe ouvrière.