« La grève sème le chaos à Passeport Canada : Des citoyens (encore) pris en otage… et préparez-vous à un bordel avec vos impôts » –Journal de Montréal

« Les grévistes du fédéral sont loin d’être des travailleurs canadiens ordinaires » –National Post

« Si le gouvernement capitule sur les demandes de grève, les générations futures en paieront le prix » –Financial Post

« Malheureusement, vous ne pouvez pas gagner avec cette grève, AFPC » –Ottawa Citizen

« Chers employés fédéraux : Voici pourquoi vous êtes méprisés » –Toronto Sun

Devant la mobilisation historique des 155000 travailleurs de la fonction publique fédérale, c’est tout l’arsenal d’arguments anti-grève qui a été mobilisé – sur toutes les tribunes, dans tous les journaux, les radios et les postes de télé. Partout, les « experts » défilent pour monter la population contre les grévistes.

Les travailleurs canadiens doivent rejeter ces voix qui les méprisent et tentent de les démoraliser. Ils ont besoin de l’appui de tout le mouvement ouvrier dans leur lutte.

Campagne de peur

Dans chaque grève, les médias tentent de semer le doute et la peur quant aux impacts économiques qu’elle aura.

Le Toronto Star, par exemple, titrait au troisième jour de la grève « La grève de l’AFPC va-t-elle déclencher une récession? » citant des « experts » qui « s’inquiètent » de cette possibilité.

Ceux-ci passent complètement sous silence le fait que c’est la Banque du Canada qui augmente les taux d’intérêt et tente délibérément de provoquer une récession! Un « expert », Derek Holt, a déclaré : « Ils [les dirigeants de la Banque] ne le diront jamais, mais je pense qu’ils sont parfaitement disposés à courtiser la récession dans le fond de leur esprit. » Aujourd’hui, ce même « expert »est cité par le Star, qui affirme que c’est la grève qui pourrait provoquer une contraction de l’économie! L’hypocrisie de ces laquais du capitalisme ne connaît aucune limite.

En plus d’être blâmés pour une potentielle récession que la Banque du Canada cherchait déjà à provoquer, les travailleurs de l’AFPC se font dire qu’ils ne font qu’empirer l’inflation avec leurs revendications salariales prétendument démesurées. Un analyste du Globe and Mail affirme avec mépris « Si les bureaucrates en grève obtiennent leurs augmentations, l’inflation pourrait ne jamais finir ». Rien de moins!

Nous avons déjà expliqué ailleurs que, tant du point de vue de la théorie économique que des faits, il est entièrement faux que la hausse des salaires entraîne une montée de l’inflation. Mais les travailleurs de la fonction publique fédérale sont les derniers travailleurs contre qui on peut mobiliser un tel mensonge. 

En effet, les travailleurs fédéraux ont vu leur salaire réel ajusté à l’inflation stagner depuis 2007. De leur côté, les riches ont fait la piastre comme jamais, et ont été arrosés de milliards de dollars d’argent public par le gouvernement fédéral pendant la pandémie. Ce sont les capitalistes et leurs gouvernements qui sont responsables de l’inflation.

Division et mépris

Ce n’est pas suffisant pour les puissants de semer la peur. Il faut diviser les travailleurs, monter le reste de la classe ouvrière et des pauvres contre les grévistes.

C’est ce que fait l’article du National Post mentionné plus haut : « Les grévistes du fédéral sont loin d’être des travailleurs canadiens ordinaires ».

L’article explique que « les administrateurs du gouvernement, dans leur cubicule avec un latté, ne sont pas les premiers qu’on imagine lorsqu’on considère le labeur de la classe ouvrière. » 

Ainsi, cette presse des riches qui méprisent les travailleurs semble soudainement très intéressée par le pauvre sort des « vrais » ouvriers. Ces mêmes personnes qui disent habituellement que la classe ouvrière « n’existe pas » invoquent la misère de cette même classe ouvrière contre les travailleurs prétendument « privilégiés ».

L’article compare ensuite les salaires des travailleurs de l’Agence du Revenu du Canada à ceux des centres d’appels, question de montrer les « privilèges » dont bénéficient les employés fédéraux. Ce procédé est typique.

Les débardeurs de Montréal se sont aussi fait dire qu’ils avaient de bons salaires et qu’ils devraient juste la fermer lors de leur grève en 2021. Les étudiants en grève en 2012 étaient de prétendus « bébés gâtés » nombrilistes. Quelle que soit la couche de la population qui entre en lutte, les médias à la solde des capitalistes chercheront toujours à les dépeindre comme des braillards privilégiés.

La réalité est qu’un gain pour une partie de la classe ouvrière a inévitablement des répercussions positives sur le reste. Quand des travailleurs obtiennent une victoire, cela enthousiasme et encourage d’autres couches à entrer en lutte. Des salaires plus élevés dans le secteur public exercent une pression à la hausse sur les salaires de tout le monde.

Ne laissons jamais les capitalistes faire l’argument que les choses ne devraient pas être mieux pour certains travailleurs parce qu’elles sont pires pour d’autres.

Calomnies

Après les prétendus arguments économiques et les tentatives de diviser les travailleurs, il reste un autre filon à exploiter : présenter la grève comme illégitime ou le fait d’une minorité.

C’est CBC/Radio-Canada qui a parti le bal en sortant un article soulignant que « seulement » 35% des travailleurs en grève ont participé au vote de grève. Pire, des « irrégularités » auraient eu lieu.

Mais le vote est sans équivoque : ce sont 80% d’entre eux qui ont voté pour la grève. Les travailleurs n’ont aucune leçon à recevoir sur la légitimité de leur mobilisation, eux qui font face à un Parti libéral qui gouverne en minoritaire, avec seulement 20% de la population en âge de voter qui l’appuie. Nous devons rejeter ces calomnies.

Un exemple encore plus pernicieux de calomnie et tentative de division est une nouvelle qui a circulé expliquant que 1500 élèves d’écoles autochtones n’ont pas de cours présentement à cause que leurs écoles sont régies par Services autochtones Canada, qui se trouve à être en grève. La CBC a également repris ces arguments de division, titrant que la grève met « hors de classe » ces pauvres étudiants autochtones. Cette nouvelle est une honteuse tentative d’en appeler à la sincère sympathie envers la cause autochtone contre la grève.

Par ailleurs, le rôle de CBC/Radio-Canada dans cette grève est particulièrement pernicieux, car ils se targuent plus que quiconque de leur « indépendance ». Mais comme l’expliquait autrefois Trotsky :

« La presse jaune ment sans se gêner, sans réfléchir, sans regarder derrière elle. Des journaux comme le Times ou le Temps disent la vérité dans tous les cas où il est indifférent ou peu important de la dire, afin d’avoir la possibilité, en certaines occasions importantes, de tromper l’opinion publique avec toute l’autorité nécessaire. »

De tels médias « neutres » ou « respectables » comme CBC/Radio-Canada jouent potentiellement un rôle plus important dans le façonnement de l’opinion publique que la presse plus crasse comme les journaux Sun ou le Journal de Montréal, précisément à cause de leur voile d’indépendance. Mais en dernière analyse, ils se feront les porte-parole des capitalistes et de leurs gouvernements lorsqu’il sera important qu’ils le fassent.

Appuis

Face à un tel barrage médiatique et politique, il ne serait pas surprenant de voir une majorité de la population se retourner contre la grève. 

Et pourtant, ce n’est pas ce qui semble se produire. Un sondage récent montrait plutôt un fort appui aux revendications de l’AFPC.

En effet, 55% des Canadiens appuient leur revendication de pouvoir travailler de la maison, contre seulement 36% qui s’y opposent. Sur la question des salaires, celle sur laquelle s’acharnent tous les médias, 48% des Canadiens appuient l’AFPC, contre seulement 40% qui s’opposent à leurs revendications. C’est une excellente nouvelle. 

La grève semble toujours dans une impasse. Pour cette raison, le syndicat se prépare à escalader la lutte. Les ports de Montréal et Vancouver ont été perturbés aujourd’hui. À un piquet de Montréal ce matin, le vice-président exécutif régional pour le Québec Yvon Barrière a affirmé que si le conflit perdure, les travailleurs allaient fermer les douanes. C’est exactement ce qu’il faut! 

De quoi ont-ils vraiment peur?

Ce ne sont pas toutes les grèves qui se méritent un tel déversement de haine, de mépris, de mensonges sur toutes les tribunes imaginables.

Mais ici et là, on peut trouver des preuves de ce qui inquiète vraiment les capitalistes et leurs porte-parole au sujet de la grève de l’AFPC.

Par exemple, le directeur du Devoir, dans son éditorial sur la grève, l’explique : « Ottawa ne doit pas céder aux pressions de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), et garder à l’esprit que ses gestes auront un effet d’entraînement sur la mobilisation syndicale partout au pays. » (Nos italiques)

Tel est l’enjeu de cette grève. Si les travailleurs gagnent le droit au télétravail, cela donnera le ton aux négociations sur cette question dans le secteur privé également. Si les travailleurs obtiennent gain de cause sur leurs revendications salariales, cela encouragera d’autres secteurs de la classe ouvrière dans la lutte contre l’inflation. Dans la période actuelle de crise profonde de l’ensemble du système capitaliste, la classe dirigeante n’a aucune marge de manœuvre pour faire des concessions. Avec une économie en mauvais état, elle s’accroche à chaque sou et craint la riposte de la classe ouvrière. Elle ne peut pas laisser une couche aussi importante de la classe ouvrière que la fonction publique montrer qu’une victoire est possible.   

C’est pourquoi nous devons nous attendre à ce que le gouvernement finisse par intervenir et introduise une loi de retour au travail. Ce gouvernement prétendument favorable aux travailleurs a déjà appelé à franchir les piquets de grève en encourageant les travailleurs à travailler de la maison (bien qu’il se batte contre ce droit lors des négociations en cours!), et il ne s’arrêtera pas là.

Le mouvement syndical plus large a un rôle crucial à jouer ici pour organiser la riposte. Toutes les centrales doivent faire le nécessaire pour mobiliser leurs membres sur les piquets, aux ports et dans les autres activités de mobilisation de l’AFPC. Ce sera encore plus important en cas de loi spéciale. Une telle solidarité active sera nécessaire pour défier avec succès une telle loi!

La grève de l’AFPC est déjà historique. Il reste à la faire entrer dans l’histoire non pas comme une défaite, mais comme une victoire inspirante pour l’ensemble de la classe ouvrière.

Solidarité avec les travailleurs de l’AFPC!

La grève jusqu’à la victoire!

Défions les lois spéciales!