Source: PSAC/Facebook

Après presque deux semaines de grève, la direction de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) a annoncé qu’une entente de principe a été conclue avec le gouvernement fédéral. Malheureusement, quoiqu’on fasse dire aux chiffres, ils montrent une entente avec des salaires bien inférieurs à l’inflation, presque identique à l’offre gouvernementale du 18 avril dernier. Et les travailleurs de l’Agence du revenu du Canada (ARC) sont quant à eux encore en grève, laissés à eux-mêmes. Les membres de l’AFPC doivent voter contre cette entente! 

Sous l’inflation

Le président de l’AFPC, Chris Aylward, affirme : « En pleine crise inflationniste, pendant que les grandes entreprises empochaient des profits records, on a demandé à nos membres de se contenter de moins. Ils ont refusé et se sont mobilisés pour obtenir plus. » Qu’en est-il réellement?

Dans le communiqué de presse du syndicat, celle-ci est présentée comme une entente de 12,6% sur quatre ans, ce qui semble être un mince gain par rapport à l’offre de 9% sur trois ans du gouvernement. Mais en réalité, il s’agit de l’augmentation cumulative. Calculée de cette manière, l’offre gouvernementale était donc d’environ 9.27% sur trois ans. 

Si nous comparons les offres telles qu’elles sont présentées dans l’espace public en temps normal, il s’agit de 12% sur quatre ans. Le gouvernement n’a donc pas bougé d’un pouce vis-à-vis de son offre de la veille de la grève de 9% sur trois ans.

À cette entente s’ajoute un montant forfaitaire de 2500$. Les montants forfaitaires sont une méthode classique des gouvernements pour présenter une offre salariale comme plus grosse qu’elle ne l’est réellement, et la direction syndicale joue le jeu. Dans le communiqué de l’AFPC, on indique le pourcentage d’augmentation salariale que cette somme représente pour une année de salaire, ce qui donne l’impression d’un énorme bonus. Mais cette manière de présenter les choses est trompeuse. Il ne s’agit pas d’une augmentation, car cette somme n’est versée qu’une fois, d’un coup. De plus, cela ne doit pas représenter beaucoup plus que ce que les travailleurs ont perdu en salaires pendant les deux semaines de grève.

La direction syndicale tente visiblement d’embellir l’offre. Mais peu importe comment elle est présentée, cette offre salariale est bien inférieure à l’inflation. Un syndiqué a partagé sur Facebook un tableau qui montre que l’érosion salariale atteindra au moins 5.75% : 

Sur les réseaux sociaux, de nombreux syndiqués expriment leur frustration. L’un d’eux affirme : « L’une des principales raisons de notre grève était l’offre salariale!!! 9% sur 3 ans et vous acceptez 3,15% sur 4 ans!!! Cette entente est une honte! »

Le télétravail était l’autre enjeu majeur où les travailleurs cherchaient à faire des gains. Les travailleurs sauvent des milliers de dollars en transport, en garderie et autres dépenses en pouvant travailler de la maison. 

Ici aussi, ce qu’on sait de l’entente déçoit. Une travailleuse explique que l’option du télétravail demeure dans les mains de l’administration soumise au Conseil du trésor sur ces questions. Les demandes doivent être traitées individuellement, mais théoriquement, rien n’empêche des gestionnaires zélés de le refuser. 

La présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, qualifie d’ « équitables, concurrentiels et raisonnables » les accords avec le syndicat. Quand cette même personne qui accusait les syndicats d’être déraisonnables change de ton de la sorte, c’est mauvais signe.

Beaucoup de travailleurs se demanderont avec raison : tout ça pour ça? Une offre gouvernementale qualifiée récemment d’ « inacceptable pour nous », à peine modifiée, est maintenant présentée comme une victoire. Mais nombreux sont les travailleurs qui s’en rendent compte. L’un d’entre eux affirme : 

« C’est incroyablement décevant. Si j’ai bien compris, nous subissons chaque année une baisse de salaire d’environ 2% par rapport à l’inflation et le télétravail ne figure pas dans la convention collective. Pourquoi cette proposition est-elle présentée comme une victoire pour nous? Les 12,6 % s’étalent sur quatre ans, et non sur trois, ce qui donne une impression pour le moins trompeuse. »

So-so-so, solidarité?

S’il y a une chose qui semble particulièrement décevoir les travailleurs, c’est le fait que ceux du Syndicat des employé-e-s de l’Impôt (SEI, les employés de l’ARC) ne sont pas inclus dans l’entente de principe. Les messages en ce sens pleuvent sur les réseaux sociaux, venant d’abord des travailleurs de l’ARC eux-mêmes :

« Bonjour, je suis un travailleur à l’ARC. Pourquoi les membres de l’AFPC ne restent pas solidaires avec nous? Le mandat pour négocier n’a été donné par le Conseil du trésor que jeudi dernier pour les membres du SEI. On aurait pu attendre pour sortir en grève mais nous sommes sortis en grève dès le premier jour pour être solidaires avec les membres de l’AFPC. Mais la vous nous laisser tous seuls. Elle est ou la solidarité? »

« Où est la so-so-so SOLIDARITÉ??? On était là avec les autres 120 000… Les 120 000 devraient rester dans [la] rue avec nous le temps qu’on signe. »

« Merci d’avoir laissé le SEI à l’abandon. Il aurait été bon d’avoir le soutien des autres groupes de l’AFPC jusqu’à ce que nous ayons TOUS un accord puisque nous avons TOUS fait la grève en même temps. Quelle occasion manquée. »

Des travailleurs couverts par l’entente de principe démontrent aussi un instinct de classe correct en s’opposant à cette entente séparée : 

« Il est insensé que nous retournions au travail et que nous laissions l’ARC se débrouiller seule. Qu’en est-il de la solidarité? »

« Nous avons donc laissé nos frères et sœurs du SEI dans la poussière ?? Pas d’accord avec l’AFPC. »

« Solidarité jusqu’à ce qu’un accord soit conclu, puis chaque département laissé à lui-même, 35 000 employés de l’ARC ne travaillent toujours pas tandis que 120 000 retournent au travail. Les chants de solidarité n’ont servi à rien. »

Ces travailleurs ont raison. Maintenant, les travailleurs de l’ARC, qui avaient de bien meilleures demandes salariales auxquelles tous auraient droit, seront sous pression d’accepter la même entente décevante que le reste de l’AFPC. 

Mais tout n’est pas perdu.

Votons « Non »! Pour la démocratie ouvrière!

Les 120 000 employés couverts par l’entente de principe sont de retour au travail, et ceux-ci auront maintenant à se prononcer via un vote en ligne.

Nous appelons à voter contre cette entente qui ne fait que poursuivre l’appauvrissement des syndiqués. Il s’agit également d’un mauvais précédent. Avec une inflation qui rôde toujours autour de 5% au Canada, les patrons et gouvernements provinciaux pourront pointer vers cette entente et qualifier de déraisonnable ou d’égoïste quiconque souhaite avoir plus que 3% par année.

Les détails sur la période de vote n’ont pas été révélés, mais son caractère virtuel n’annonce rien de bon. Un vote atomisé en ligne ne permet pas aux travailleurs de discuter démocratiquement de l’entente et de débattre. La seule opinion projetée dans l’espace public et au sein du syndicat est celle de la direction syndicale qui recommande « à l’unanimité » l’entente. 

Les travailleurs de l’AFPC doivent exiger la tenue d’assemblées générales en personne pour discuter de l’entente. Toutes les opinions devraient pouvoir s’y exprimer librement. C’est le seul moyen pour les travailleurs de la base de débattre des mérites de l’entente et de demander aux dirigeants d’expliquer pourquoi ils la recommandent.

Il est également essentiel que ces réunions se tiennent en personne. Un héritage malheureux de la pandémie est que de nombreux syndicats et organisations politiques continuent de tenir leurs réunions en ligne. Ces réunions en ligne ne font qu’atomiser et isoler davantage les membres du syndicat. Les réunions en ligne sont également plus facilement gérées de manière à ce que seuls les dirigeants puissent s’exprimer – comme nous l’avons vu lors de la récente grève des travailleurs de l’éducation en Ontario. Cela va à l’encontre de toutes les traditions de la démocratie ouvrière.

Les assemblées générales en personne restent à ce jour la meilleure méthode pour les travailleurs de s’exprimer, d’argumenter et de se convaincre mutuellement de quelle voie doit être suivie. Si les dirigeants pensent que leur entente est bonne, ils ne devraient avoir aucun problème à le défendre et à l’argumenter avec les membres du syndicat qui ont des questions ou qui ne sont pas d’accord.

Il a été rapporté que 96% des travailleurs qui pouvaient légalement faire grève sont allés sur les piquets de grève au cours des deux dernières semaines. Les travailleuses et travailleurs de l’AFPC ont perturbé les ports, manifesté sur la Colline du Parlement et résisté à un barrage médiatique incessant. Ils ont fait face à des amendes ridicules et à de l’intimidation. Mais ils bénéficient également d’un solide appui parmi la population en général. Nous ne pouvons pas laisser cette lutte se terminer par un contrat décevant et inférieur à l’inflation.

Votons « non »!

Poursuivons la lutte!

Pour des salaires supérieurs à l’inflation!