Après une grève historique d’un mois des enseignants de la Fédération autonome de l’enseignement, la frustration se fait sentir. L’entente de principe survenue entre le syndicat et le gouvernement est largement considérée comme ne répondant pas du tout aux attentes. Heureusement, un mouvement d’opposition s’est développé depuis que les détails de l’entente sont sortis. 

Les délégués élus d’au moins trois des neufs locaux affiliés à la FAE ont appelé à voter contre cette entente : le Syndicat de l’enseignement de la région de Laval (SERL), celui de la Pointe-de-L’Île (SEPI) et celui de la Haute-Yamaska (SEHY). Les membres du SERL ont rejeté hier soir l’entente à 68%! 

Au SEPI, elle a été adoptée par les membres, malgré la recommandation, à seulement 58%. À l’Alliance des Profs de Montréal, le plus gros local affilié à la FAE, l’entente a été approuvée par un mince 52%, selon certaines sources.

Il faut que l’opposition s’organise et s’étende. Nous devons rejeter cette entente si nous voulons freiner l’effondrement de l’école publique. 

Déception, désillusion

Dès que les détails de l’entente sont sortis, la déception, voire la colère, s’est fait sentir chez plusieurs profs. En effet, aucune réelle amélioration de la composition de la classe n’est prévue par cette entente. C’est plutôt un calcul complexe qui prend en considération un nombre élevé de facteurs qui viendra trancher si une cohorte d’élèves aura droit à plus d’heures avec une technicienne en éducation spécialisée (TES). Cela ne mènera à aucun changement réel de la réalité des classes régulières. C’était pourtant le cheval de bataille de la FAE : bien des enseignants veulent quitter la profession si aucune amélioration ne survient à ce niveau. Les classes difficiles seront toujours là et aucune classe d’adaptation scolaire supplémentaire n’est prévue.

Cela n’aidera en rien la rétention des profs. Il y a aussi d’importants reculs concernant les enseignants mentors qui se voient enlever leur libération pour aider les nouveaux profs et les profs non qualifiés à survivre dans une classe. Le gouvernement croit qu’ils accepteront de le faire en temps supplémentaire. Il n’y a pas non plus de mécanisme de protection contre l’inflation si elle est plus élevée que 4% dans les trois dernières années de la convention.

Plusieurs enseignants se sentent floués et déçus par cette entente. Dans un article de La Presse, une enseignante affirme : « Est-ce que l’entente va être acceptée? Peut-être, mais je peux vous dire que sur le terrain, on est très déçus ». « On est allés au front et on s’est fait avoir ».

Question d’en ajouter, bien que l’entente soit survenue le 28 décembre, c’est seulement deux semaines plus tard que les enseignantes en ont appris le contenu! Les membres, n’ayant pas accès à l’entente, ne savaient donc pas pourquoi nous avions arrêté la grève et étions de retour au travail. 

C’est une pratique absolument inacceptable, contraire à l’esprit de la démocratie syndicale. Les membres devraient pouvoir prendre connaissance d’une entente et voter démocratiquement avant de mettre fin à la grève, et pas des semaines après. 

Plus jamais de grève isolée

La direction syndicale de la FAE a décidé depuis longtemps qu’elle ne voulait pas faire partie du Front commun. Comme l’ancien président de la FAE, Sylvain Mallette, le disait l’an dernier lorsqu’il était toujours en poste, les autres syndicats ne devraient pas « perdre de temps à essayer de nous joindre sur cette question-là »! C’est ce même Sylvain Mallette qui, sur les lignes de côté cet automne, nous disait du haut de ses grands chevaux pendant notre grève que la grève illimitée n’était pas une bonne stratégie. Avec des alliés comme ça, qui a besoin d’ennemis?

Cette insistance à faire cavalier seul à la FAE est une idée forte chez la direction syndicale, tant 

à la FAE que dans les directions des syndicats locaux. Les raisons qui poussent la direction à faire cavalier seul sont multiples et font référence à des guerres intestines du passé. Néanmoins, dans les rangs des membres, plusieurs enseignants ne comprennent pas pourquoi nous n’étions pas aux côtés des autres travailleurs du secteur public et des autres enseignants du Québec. Ils ont raison de se poser ces questions car cet isolement n’a servi personne dans cette négociation. Les enseignants de la FAE se sont retrouvés seuls en grève générale illimitée, sans fond de grève et sans le poids du Front commun. Ce manque d’unité ne doit plus jamais arriver.

Comment poursuivre la lutte?

Il est vrai que pour plusieurs enseignants, après un mois sans salaire la résignation est présente. Le fait que la direction syndicale nous ait démobilisés pendant des semaines, nous laissant dans le noir au sujet de l’entente, n’a pas aidé. Mais l’humeur de frustration peut être canalisée vers une lutte pour une meilleure entente.  Après ce sacrifice immense que nous avons fait, accepter une telle entente n’est pas la solution. Nous devrions voter non à cette entente de principe et continuer la lutte.

Cependant, il ne faut pas le faire seul. Chez les enseignants affiliés à la Centrale des syndicats du Québec (dans le Front commun), la colère contre l’entente sectorielle est présente aussi, et déjà des locaux ont voté pour la rejeter. Il faut absolument, au minimum, que le personnel enseignant s’unisse contre ces ententes de principe qui ne règleront rien, et surmontent les guerres de clocher stupides entre directions syndicales.

Tous les délégués et membres qui rejettent cette entente bidon doivent faire pression pour que le mouvement pour le « non » s’étende au sein du personnel des écoles syndiquées au sein du Front commun. Il faut appeler tous les travailleurs du Front commun à voter « non » pour qu’ensemble, nous puissions continuer la lutte ensemble et avoir ce que nous méritons. 

Nous vivons dans une époque où la lutte des classes n’ira qu’en augmentant. Les gouvernements qui suivront (que ce soit la CAQ ou d’autres) ne seront pas plus enclins à sauver le système public. Nos directions syndicales doivent avoir une perspective de combat sans merci contre les gouvernements capitalistes.  

Le fait que la CAQ refuse de financer le système d’éducation pour engager davantage de personnel et améliorer la taille des groupes n’est pas seulement dû à son « mépris » bien réel, mais au fait que le système capitaliste ne permet pas d’améliorer les services publics de manière durable. Les subventions de l’État aux riches entreprises, les salaires démesurés des hauts fonctionnaires, passeront toujours avant les services publics. Il faut lutter pour une société où les travailleurs sont au pouvoir, plutôt qu’une minorité de riches avec leurs représentants au gouvernement. Rejoignez les communistes pour défendre cette perspective dans nos milieux de travail et dans toute la société.