Postes Canada en guerre contre ses travailleurs : comment gagner?

Il est impératif d’étendre le mouvement.

  • La rédaction
  • mer. 4 déc. 2024
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Photo : Révolution communiste

Deux semaines de grève, deux semaines de coups bas de la part de Postes Canada. 

En plein conflit, l’employeur a licencié des travailleurs, ce qui est illégal. Il a aussi suspendu les avantages sociaux de ses travailleurs. Le but est évident : démoraliser les travailleurs pour les amener à ramper jusqu’au travail.

La semaine dernière, la CBC (dans un rare article qui expose les patrons) rapportait les conséquences de cette punition odieuse : un travailleur atteint du cancer doit payer 2000 dollars par jour pour ses traitements.

Pendant ce temps, c’est le point mort à la table de négos. Les deux parties sont loin d’une entente, et pour cause. Les travailleurs luttent pour maintenir de bons emplois, tandis que les patrons visent à implanter des conditions similaires aux pauvres travailleurs de chez Amazon. Il n’y a pas de compromis possible sans que les travailleurs perdent massivement au change.

Sur les piquets

Les camarades du Parti communiste révolutionnaire sont allés sur les piquets de Vancouver, Montréal, Edmonton, Calgary, Toronto et ailleurs. Tous les travailleurs comprennent que cette grève est un tournant. Soit ils repoussent l’offensive de la direction, soit c’est un pas décisif dans la course vers le bas.

Le message de la direction, auquel tous les médias sans exception font écho, est que Postes Canada perd de l’argent et qu’il n’y a d’autres choix que de « flexibiliser » le travail pour concurrencer les Amazon de ce monde. Ils accusent les travailleurs de ne pas vouloir aider à « moderniser » les postes.

Ces arguments patronaux n’ont rien de nouveau. Chaque fois que les travailleurs entrent en grève, ils sont dépeints comme des bébés gâtés qui se foutent de la qualité des services qu’ils offrent. Mais la réalité est que ce sont les patrons qui gèrent les postes de manière broche à foin.

Sur les piquets, les travailleurs nous ont parlé de la stupidité de la direction, qui complique inutilement le travail des facteurs et fait gonfler les coûts. Par exemple, un travailleur à Vancouver nous a parlé du système de « séparation du tri et de la livraison » mis en place par les patrons.

Il nous a expliqué que ce système est un « pur enfer » et « une perte de temps complète ». Non seulement il impose une énorme charge à une ou une poignée de personne devant s’occuper du tri, mais les facteurs qui par le passé faisaient le tri en fonction de leur propres routes et selon leur propre système sont maintenant pris à refaire le tri déjà fait. Comme nous l’a expliqué un travailleur du centre international de South Burnaby, dès qu’ils ont assez d’ancienneté pour demander le transfert, les travailleurs demandent immédiatement à changer de poste pour être sortis des centres de séparation du tri et de la livraison. Cela démontre bien que ce sont les travailleurs qui devraient avoir le contrôle de leurs milieux de travail, et non les patrons incompétents.

Partout, les travailleurs parlent ouvertement de défier une éventuelle loi de retour au travail, si le fédéral devait en adopter une. Une capitaine de piquet à Toronto à qui nous avons demandé ce qui arriverait en cas de loi spéciale ou d’ordre de la sorte nous a répondu : « Nous ne retournerons pas au travail sans entente! »

Plus explicitement, le président local du STTP Ontario, Mark Platt, répondant à une question concernant l’idée de défier une loi spéciale, a dit

« On peut totalement le faire. Le SCFP l’a fait en 2022 contre le gouvernement [de Doug] Ford qui avait utilisé la clause nonobstant contre eux […]. À mon avis, c’est le temps de défier la loi. Ils nous traitent comme des déchets […]. Comme on dit, “nous sommes passés de héros à zéro en deux ans” et nous devons nous assurer que toutes ces tactiques sournoises qu’ils ont utilisées contre nous ne se reproduisent pas. »

C’est exactement la perspective qu’il faut. 

Construire un mouvement de masse

Cependant, la grève est maintenant vieille de deux semaines, et aucune résolution n’est en vue. Au-delà de défier un potentiel ordre de retour au travail, cela ne règle pas la question : comment gagner la grève?

L’humeur est au combat, mais jusqu’à présent, peu a été fait pour étendre la lutte. Il y a bien eu des actions locales, comme l’occupation du bureau d’une députée libérale à Vancouver, que nous avons appuyée. De même, à Calgary, après qu’un postier membre du PCR ait organisé un rassemblement avec ses collègues, la direction locale a maintenant appelé à un rassemblement officiel sur les piquets de grève le 4 décembre.

Ces actions vont dans la bonne direction. Mais il y a peu ou pas de coordination nationale ici. Des actions locales isolées sont insuffisantes : il est impératif d’étendre le mouvement.

Des manifestations de masse devraient être tenues dans chaque grande ville, et surtout, massivement publicisées avec l’aide de tous les autres syndicats. Au lieu d’actions isolées de petits groupes de travailleurs, la direction nationale pourrait par exemple appeler à occuper les bureaux libéraux en masse partout au pays. La grève doit être rendue incontournable. Elle doit se transformer en véritable mouvement de masse.

Les principales centrales syndicales doivent intervenir et mobiliser activement leurs membres pour aider à renforcer les piquets du STTP et les autres actions connexes. Dans certains endroits, Postes Canada utilise des briseurs de grève pour affaiblir celle-ci. La participation active d’autres travailleurs permettrait d’ériger de massifs piquets durs et ainsi de stopper les scabs. L’« Amazonisation » du travail ne s’arrêtera pas à Postes Canada. L’ensemble de la classe ouvrière a un intérêt dans cette lutte – et c’est ce qu’il faut expliquer. 

Pour construire un véritable mouvement de masse autour de cette question, les idées jouent un rôle clé. La direction syndicale doit mener une guerre idéologique contre Postes Canada et le gouvernement. Elle doit crier sur tous les toits, par tous les moyens disponibles, la misère des travailleurs, les attaques des patrons, et expliquer comment une défaite du STTP nuira à l’ensemble du mouvement ouvrier. Il devrait utiliser ces rassemblements de masse pour transmettre ce message à des milliers de personnes. 

Le STTP est historiquement l’un des syndicats les plus combatifs du pays. Une défaite de ces travailleurs aurait un impact négatif sur les autres syndicats. La classe capitaliste et son gouvernement se sentiraient en confiance pour attaquer les bonnes conditions de travail des autres.

La tactique de Postes Canada semble être de se croiser les bras et avoir les travailleurs à l’usure. La direction du STTP doit transformer cette grève en un véritable mouvement de masse qui ne peut être ignoré. Une victoire du STTP serait une victoire pour toute la classe ouvrière!