Crédit : Bibliothèque et Archives Canada

« Le monde unanime dans ses hommages à la reine Élisabeth II », s’intitulait hier un article de Radio-Canada. Cet organe de propagande de l’État canadien présentait certainement les choses comme il aimerait bien les voir. Difficile de croire que beaucoup de larmes se soient déversé en Inde, en Irlande, au Kenya, en Afrique du Sud, et dans les dizaines d’autres pays ayant été brutalisés par l’Empire britannique qu’a si « gracieusement » représenté la reine.

Mais apparemment, si on se tourne vers le Québec, qui a lui aussi souffert sous les bottes anglaises, les propos radiocanadiens ne sont pas si farfelus. Devant le barrage médiatique larmoyant qui nous invite à pleurer cette bonne-vieille grand-mère pleine de grâce et pleine de fric, peu de voix, même chez les nationalistes, osent détonner.

Le premier ministre François Legault a encensé la reine pour son « sens du devoir public ». Il a même fait mettre les drapeaux en berne, comme il l’avait fait lors de la mort du prince Philip. Cela va de soi pour ce nationaliste de la trempe de Lionel-Groulx et Duplessis plutôt que de celle de Pierre Vallières ou Pierre Bourgault.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, ce roquet qui aboie devant les immigrants, a aussi eu des bons mots pour la vieille dame, qui d’après lui avait eu « le désir d’être une force positive », « au coeur d’un siècle trouble ». On se demande toutefois à quoi il fait référence plus précisément. Était-elle une « force positive » pendant que ses armées massacraient la population kenyane dans les années 50? Était-elle une « force positive » lorsque ses armées ont envahi l’Égypte pour essayer de garder le canal de Suez entre les griffes de son Empire? Lors de la participation du Royaume-Uni à la guerre criminelle en Irak?

Et malheureusement, Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire est aussi tombé dans l’aplaventrisme devant cette institution réactionnaire. Jouant le jeu de la politique de la respectabilité, il a envoyé ses condoléances à la famille royale sans une once de critique envers ces oppresseurs. Il est certain que les Bougons de Buckingham Palace ont été réconfortés par le Tweet de GND. Mais c’est plutôt des chômeurs québécois que devrait se préoccuper GND, et non des chômeurs couronnés.

À son honneur, Paul St-Pierre Plamondon a dénoncé hier la mise en berne des drapeaux. « François Legault ne devrait pas traiter la reine d’Angleterre en chef de l’État québécois, ni donner de crédibilité à un régime colonial britannique illégitime au Québec ». Ce genre de propos devrait être élémentaire de la part de toute personne qui prétend se battre contre l’oppression des Québécois. Mais le chef péquiste a fini par céder sous la pression et s’excuser. Et c’est ce genre de personne qui prétend faire l’indépendance et tenir tête à l’État canadien!

Les mêmes qui gémissent à l’occasion sur l’injustice du rapatriement de la constitution sans l’accord du Québec refusent maintenant de dénoncer une des signataires de ce rapatriement. Tout cela rappelle ce moment surréaliste où le même Yves-François Blanchet avait refusé de qualifier la GRC d’institution raciste – la GRC dont l’ancêtre est responsable d’avoir exécuté Louis Riel!

Il fut un temps où le mouvement de libération nationale québécois s’opposait à l’impérialisme anglais et aux institutions monarchiques. La visite de la reine au Québec en 1964, en pleine Révolution tranquille, avait été accueillie par des émeutes bien méritées. Une visite de la reine en 2007 à l’occasion du 400e anniversaire de Québec avait été annulée à cause du tollé que cela avait suscité. Cela contraste fortement avec le léchage de bottes que l’on constate en ce moment.

Si les têtes d’affiche du nationalisme québécois sont plus soucieuses de payer leurs respects aux institutions de la classe dominante que de les dénoncer et de les combattre, comment pouvons-nous croire un seul instant qu’ils parviendront à mener la libération nationale du Québec?

Cet épisode pathétique est en réalité la conclusion logique d’une perspective nationaliste. Mettre la question nationale devant la question de classe amène nécessairement à toute sorte de compromis pour ne pas trop aliéner la classe dominante afin qu’elle nous laisse nous faire une place au soleil. De là, il n’y a qu’un pas à capituler sous la pression des institutions et des symboles capitalistes même les plus grossiers comme la monarchie. Le républicanisme des nationalistes s’arrête là où les intérêts et l’opinion publique fomentée par la classe dominante commencent.

Beaucoup de gens, dont les nationalistes, disent que les marxistes ne se soucient pas de libération nationale, que nous souhaitons la remettre à « après la révolution ». Mais voilà que nous voyons tous les nationalistes, de gauche à droite, payer leurs respects aux oppresseurs des Québécois et de dizaines d’autres nations opprimées du monde entier! En réalité, le marxisme offre une réelle perspective de lutte contre toutes les formes d’oppression, tandis que le nationalisme mène à un cul-de-sac. Nous luttons pour l’abolition de la monarchie au Québec, au Canada et à l’internationale.

La classe ouvrière et les jeunes du Québec doivent adopter une perspective internationaliste, plutôt qu’accepter la vision nationaliste de simplement se faire une place à la table des grands, avec tous les compromis et la servilité qui en découlent.

Au lieu du respect peureux des nationalistes devant les puissants, nous devons mettre de l’avant le slogan d’une république socialiste du Canada, en union libre avec une république socialiste du Québec. Toute l’histoire du règne d’Elisabeth II et de la monarchie britannique démontre que cette dernière ne peut être mise à la poubelle de l’histoire que par un mouvement révolutionnaire.