Photo : Jeangagnon/Wikimedia Commons

Les locataires de la Résidence Mont-Carmel, une résidence privée pour aînés (RPA) à Montréal, ont appris en début de mois que leur résidence sera convertie en édifice à logements réguliers cet été. Sans cérémonie, on a présenté des avis d’éviction à 200 personnes âgées, dont les deux tiers ont plus de 75 ans. Ces résidents se retrouvent donc face à deux options : quitter un logis que plusieurs d’entre eux occupaient depuis des années et recevoir trois mois de loyer en échange, ou accepter une augmentation de loyer de 3% et perdre tous les services auparavant offerts par la RPA, dont une infirmière sur place 24h sur 24, des lieux de loisir communs, des réceptionnistes et l’accès à des sonnettes d’alarme en cas d’urgence.

Il va sans dire que dans le contexte de la crise du logement actuelle, il s’agit d’une situation inacceptable, mais sous le capitalisme, elle n’a rien de surprenant. Le changement de vocation de la résidence est une initiative d’Henry Zavriyev, un homme d’affaires déjà connu pour ses pratiques d’éviction qui a récemment fait l’acquisition de l’immeuble. Les anciens propriétaires, la famille Longpré, ont publiquement déploré cette décision, affirmant que leur résidence n’était pas à vendre mais qu’une « occasion d’affaires » s’était présentée. Selon eux, Zavriyev aurait lui-même fait ajouter une clause au contrat pour garder la vocation de l’immeuble après son achat, pour revenir sur sa parole après la signature.

Les résidents de Mont-Carmel ont réagi avec consternation à cette nouvelle et ont montré une combativité inspirante. Dans une lettre publiée dans Le Devoir le 3 février dernier, les représentants d’un comité qu’ils ont formé en moins de 48 heures dénoncent la « soif démesurée de profit » du nouveau propriétaire piétinant leur droit à un logement décent et sécuritaire. Ils en appellent donc à un meilleur encadrement de l’État face aux pratiques immorales des promoteurs immobiliers.

Les députés de Québec solidaire Manon Massé et Sol Zanetti ont interpellé le gouvernement vendredi dernier pour proposer des solutions similaires, notamment un contrôle plus serré sur les subventions accordées aux RPA avec pénalités pour mauvaise gestion, la conversion en coopératives ou en organismes à but non lucratif pour les RPA menacées de fermeture, ainsi qu’un nouveau programme de subventions pour les RPA coopératives ou à but non lucratif.

Les mesures proposées par Québec solidaire ne s’attaquent pas à la source du problème qui est la propriété privée des résidences pour personnes âgées. Tant et aussi longtemps qu’il existera des résidences privées administrées pour le profit, des membres vulnérables de notre société seront à la merci des propriétaires, qui n’ont aucun intérêt à préserver la qualité de vie des personnes âgées. On n’a qu’à penser à l’Ontario, où le taux de mortalité dû à la COVID était quasiment trois fois supérieur dans les établissements de soins de longue durée privés que dans les résidences gérées par la province alors que les propriétaires et leurs investisseurs s’en mettaient plein les poches

Ce n’est un secret pour personne que les personnes âgées ont été le segment de la population le plus durement touché par la pandémie. Selon un rapport du National Institute on Ageing, 80% des décès liés à la COVID-19 au Canada ont eu lieu dans des établissements de soins de longue durée. Au Québec, la gestion scandaleuse de la première vague dans les CHSLD par la CAQ a causé des milliers de morts évitables et trop de souffrances inutiles. 

Le danger d’éviction est une épée de Damoclès qui pend au-dessus des têtes des locataires et des résidents de tous les âges, sans distinction. En 2021, les évictions de locataires ont bondi de 50%, encouragées par la folie spéculative qui sévit sur le marché immobilier. Sous le capitalisme, la propriété privée et la course au profit poussent les propriétaires à traiter les logements comme des véhicules d’investissement, sans le moindre égard pour les locataires qui y vivent.

Il est grand temps que les résidences pour personnes âgées soit nationalisées et cela, sous contrôle des travailleurs et des résidents. Sans propriétaires capitalistes ou investisseurs motivés par la recherche du profit, les personnes âgées comme les résidents de Mont-Carmel pourraient finalement avoir des conditions de vie décentes et les soins nécessaires, sans crainte de perdre leurs services et leur milieu de vie. Et ultimement, c’est tout le secteur immobilier qui devrait être sous la propriété collective des travailleurs, pour que tout le monde ait un logement de qualité et que personne ne dorme à la rue.

Solidarité avec les résidents de Mont-Carmel!