Une autre vague de fermetures d’usines en Ontario et au Québec démontre que le capitalisme est voué à l’échec. Malgré des millions de dollars en subventions et en exemptions d’impôt de la part du gouvernement, qui seront au final payées par la classe ouvrière par la taxation, les compagnies empochent cet argent donné gratuitement et continuent à renvoyer de la main-d’œuvre pour améliorer leur profit.

La plus récente fermeture au Canada est celle de l’usine de la compagnie Heinz, à Leamington en Ontario, où 740 emplois syndiqués ont été perdus. 150 personnes de plus dans la région perdront leur emploi quand les usines de cornichons de la compagnie Smucker’s à Delhi et Dunnville fermeront à leur tour. La situation ne fera que s’empirer, car on s’attend à ce que la boulangerie Lance Canada Ltée. fermera en mai prochain à Cambridge, une perte de 130 emplois additionnels.  Les Aliments Kraft Inc. et Canada Bread Co. Ltée. envisagent eux aussi de fermer des usines à Shawinigan , Québec, et Oakville, Ontario, respectivement.

Les pertes d’emplois à l’usine d’Heinz à Leamington, particulièrement, font beaucoup de vagues dans la communauté. L’usine et les emplois qu’elle fournit ont été l’épine dorsale de l’économie de ce petit village pendant plus de cent ans, et la fermeture met en péril des centaines d’emplois indirectement reliés à l’usine. Les travailleurs-euses et la communauté élargie sont prêt-e-s à se battre pour garder ces emplois et leur niveau de vie, mais malheureusement, les leaders syndicaux n’ont pas fait preuve de beaucoup de leadership dans ce dossier. Au lieu d’une démonstration de force, le leadership a proposé des concessions à Heinz. « J’ai proposé de revoir la convention collective si besoin était » a dit Rob Crawford, président du local 459 de la United Food & Commercial Workers. En réponse à ces fermetures, le ministre du développement économique, du commerce et de l’emploi de l’Ontario, Éric Hoskins, proclame qu’il fera tout ce qu’il faudra pour « attirer de nouveaux investisseurs potentiels. »

Tous les paliers de gouvernement continuent d’accorder à ces compagnies d’énormes avantages financiers sous forme de subventions et d’exemptions d’impôt, croyant que cela encouragera la création d’emplois et l’investissement. Dans une même perspective, plusieurs leaders syndicaux proposent des concessions qui couperaient significativement dans les salaires et les bénéfices des travailleurs.

Cependant, aucune de ces mesures ne peut garantir l’accès à des emplois. Dans la plupart des cas, cela ne donne que plus de confort aux compagnies quand vient le temps de demander davantage. Plusieurs de ces compagnies ont fermé des usines après avoir empoché l’argent du gouvernement, et s’être assurées que les travailleurs-euses leur concèderaient une partie de leur salaire. La plupart des emplois syndiqués perdus sont remplacés par des postes à bas salaire, non syndiqués, ce qui place une partie de plus en plus grande de ces travailleurs-euses, qui peinent déjà à joindre les deux bouts, dans une position encore plus précaire.

En Ontario, la fermeture des usines de Caterpillar et d’U.S. Steel s’est très clairement déroulée de cette manière. Les deux compagnies ont reçu des millions du gouvernement, mais cela ne les a pas empêchées de fermer et de relocaliser leurs installations. L’usine de locomotives Electro-Motive Diesel, appartenant à Caterpillar, a fermé à Londres, après que les leaders syndicaux se soient opposés à une offre qui aurait réduit les salaires des travailleurs-euses de 50% et sévèrement limité les bénéfices. Malgré des profits record de 83% en 2011, l’usine a été fermée après peu de négociations et 481 travailleurs ont perdu leur emploi. L’usine a été déménagée en Indiana, où le gouvernement a offert à la compagnie 30 millions de dollars pour leur investissement.

Au Québec, le Parti Québécois a encore montré qu’il est un bon ami des grandes entreprises. Dans un effort vain d’attirer l’investissement, le gouvernement a littéralement inondé les investisseurs de dons et d’exemptions fiscales. Un bon exemple est Ubisoft, le géant des jeux vidéo, qui a récemment annoncé qu’il investirait 373 millions de dollars dans la province pour les 7 prochaines années. Pour cela, le gouvernement péquiste leur donnera 9,9 millions de dollars. De plus, comme il investira plus de 300 millions de dollars, il sera éligible à une exemption d’impôts pour les 10 prochaines années. Ces emplois ne sont pas stables, car Ubisoft pourrait décider de quitter le Québec avec les poches pleines de l’argent des contribuables.

L’hypocrisie ne pourrait être plus claire, on voit bien qu’en ces temps où le PQ s’est engagé à hausser les frais de scolarité, augmenter les tarifs d’hydro-québec et couper dans le budget de tous les services sociaux de la province, leurs poches restent bien pleines quand vient le temps d’aider les grandes entreprises. On nous demande de payer, pendant que leurs amis des corporations négocient à leur avantage et reçoivent des cadeaux. Toutefois, ce genre de situation n’est pas limité au Québec. C’est un motif récurrent dans le pays, qui nous laisse croire que le futur économique du Canada sera sombre sous le capitalisme.

La fermeture à l’improviste de l’usine d’Aveos l’an dernier au Québec a causé la perte de 2600 emplois syndiqués. Chaque employé mis à pied a reçu 2000 $. Les directeurs et officiers d’Aveos, eux, ont reçu 5 millions chacun. Le reste des avoirs d’Aveos a été acquis par le manufacturier militaire américain Lockheed Martin, pour qu’ils puissent travailler sur les moteurs de jet CF34 et CFM56. Lockheed Martin a reçu 3 millions net et un prêt de 4 millions de la part du gouvernement du Québec. La compagnie a même reçu un prêt non garanti de 12 millions de la part du fond de solidarité de la FTQ ! Reverra-t-il un jour cet argent ?

Des situations similaires se sont produites avec la fermeture des usines d’Electrolux et de MABE, dans les dernières années au Québec. Ces deux usines représentent 2000 emplois syndiqués perdus. Dans le cas de l’usine d’Electrolux, c’était le deuxième plus grand employeur privé de la municipalité de l’Assomption, en banlieue de Montréal. Le gouvernement Libéral leur a donné 2 millions de dollars de financement, ce qui ne les a pas empêchés de déménager au Tennessee, où le taux de syndicalisation est plus bas et où des lois sur le « droit au travail » rendent la tâche plus facile aux employeurs quand vient le temps d’abaisser les salaires et bénéfices des employé-e-s travaillant en production. Dans la fermeture récente de MABE, le gouvernement leur avait accordé 1,9 millions. Malheureusement, les leaders syndicaux ont décidé de leur emboîter le pas en faisant des concessions. Le vice-président des communications du syndicat des travailleurs du secteur de l’énergie et des papeteries du Canada, Michel Ouimet, a dit « il y a 5 ans , nos membres ont concédé 25 millions de dollars en échange d’une sécurité d’emploi pour 5 ans et un accord de non-fermeture pour l’usine. Donc, ils ont fait leur part, et ils auraient probablement été prêts à en faire un peu plus, je ne sais pas, dépendant des négociations. »

L’une des idées centrales du capitalisme est que les profits exorbitants des corporations sont justifiés par le fait que les entreprises prennent le « risque », car elles pourraient perdre leur investissement. Ça ne prend pas un génie pour s’apercevoir que cela n’a pas été le cas dans aucun des exemples que nous avons mentionnés. Les travailleurs-euses sont ceux-celles qui paient le prix des échecs d’entreprises réputées « trop grosses pour échouer » quand les gouvernements tentent de les réchapper avec l’argent des impôts et des taxes. En retour, les patrons gardent tout et les travailleurs ne reçoivent rien.

En Ontario, au Québec, et partout ailleurs au Canada, l’investissement privé est au ralenti ou carrément inexistant. Des milliards dorment dans les comptes des multinationales qui sont réticentes à investir dans des marchés incertains et trop saturés. L’an dernier, la Banque du Canada estimait que plus de 500 milliards de dollars de profits corporatifs dormaient dans des coffres de banque à accumuler la poussière. Un bureau d’enquête mandaté par le gouvernement de l’Ontario a récemment prouvé que malgré une décennie de politiques favorables à l’investissement de la part des Libéraux d’Ontario, les entreprises refusent d’investir dans des emplois, de la technologie, ou d’autres « outils de productivité ». Ils collectent l’argent du gouvernement et l’enferment dans leurs comptes de banque. Cela démontre que même les capitalistes ne croient plus au capitalisme. Pourquoi le devraient-ils ? Qui voudrait investir alors que les marchés s’effondrent et que les perspectives de croissance sont mauvaises ?

Le capitalisme est un cul-de-sac; les gouvernements et les leaders syndicaux doivent cesser de soutenir un système dépassé. Au lieu de jeter l’argent des travailleurs-euses dans les poches des patrons, pourquoi ne pas nationaliser ces usines ? Dans plusieurs cas, l’argent qui est remis à ces entreprises dépasse leur valeur marchande ! Si les capitalistes ne souhaitent pas faire rouler ces usines, qu’ils laissent les travailleurs-euses faire leur travail. Plusieurs de ces compagnies sont incroyablement productives et pourraient être mises à bon usage si elles s’attelaient à la tâche de combler les besoins de la société…

Au lieu de faire des concessions volontaires et de pousser les gouvernements à assister financièrement les entreprises privées, le leadership du mouvement ouvrier devrait organiser des campagnes de défiance massive aux fermetures d’usines. En réponse aux fermetures d’usines, les travailleurs-euses ont déjà démontré qu’ils étaient prêts à lutter pour sauver leur niveau de vie, et ont d’ailleurs donné l’exemple dans ce domaine à plus d’une reprise. Suivant la vague de fermeture d’usines d’il y a quelques années, les travailleurs-euses de plusieurs usines d’Ontario ont instinctivement occupé les usines sans aucun ordre direct des leaders syndicaux. Imaginez ce qui pourrait se passer s’il y avait une campagne massive sur les planchers d’usine pour sauver des emplois syndiqués par des occupations, et des demandes que ces usines soient nationalisées et placées sous le contrôle démocratique des travailleurs-euses et de leur communauté ? Nous avons travaillé pour ces compagnies pour des décennies, leur avons fait faire d’exorbitants profits, et c’est de cette façon qu’ils nous remercient ? Si les patrons veulent faire leurs bagages et partir, nous travaillerons dans ces usines pour le bien de la société !

Tous ces exemples sont un signe clair que ce système brisé continuera à s’empirer tant que nous ne trouverons pas un autre système économique pour le remplacer. Ces exemples démontrent aussi le besoin de nationalisations et d’un système socialiste comme seul moyen d’arrêter le cercle vicieux des pertes d’emploi, de la dette et de la souffrance pour la classe ouvrière.