Les coupes en santé préparent la privatisation

La privatisation ne fera qu’accélérer l’effondrement des soins de santé.

  • Daniel DaRosa
  • mer. 18 déc. 2024
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Au cours du mois dernier, des articles ont été publiés dans tout le pays pour décrire les dures réalités du système de santé canadien. En Alberta, une femme ayant besoin d’imagerie médicale pour sa colonne vertébrale doit attendre 17 mois, ou payer plus de 700 dollars pour un examen privé. À l’Île-du-Prince-Édouard, des patients ont fait la queue à quatre heures du matin pour une clinique sans rendez-vous. En Colombie-Britannique, un service d’urgence a fermé pour la 19e fois cette année.

La situation est particulièrement grave au Québec. La nouvelle agence de santé publique, Santé Québec, a annoncé qu’elle allait procéder à des coupes budgétaires pour un montant de 1,5 milliard de dollars. Quelques semaines plus tôt, le ministère de la Santé avait même suggéré de retirer aux Québécois en bonne santé leur médecin de famille.

Tout cela est le résultat de décennies de coupes budgétaires, qui ont poussé les services de santé publique à leurs limites et créé un prétexte pour justifier la privatisation.

Un sondage réalisé en 2024 par Navigator montre que 90% des Canadiens estiment que le gouvernement a négligé les soins de santé pendant trop longtemps. Quarante-neuf pour cent ont déclaré que l’accès aux soins de santé s’est détérioré au cours des dernières années, et deux tiers ont connu des temps d’attente déraisonnables. La crise est indéniable et les travailleurs ont désespérément besoin de solutions. 

L’anxiété qui en résulte quant à l’état des soins de santé a créé un changement historique dans l’opinion publique. Alors qu’en 2019, 77% des Canadiens étaient fiers du système public (et le défendaient), ils ne sont plus que 48%. Le même sondage de Navigator montre qu’aujourd’hui, huit personnes sur dix sont favorables aux interventions chirurgicales dans le secteur privé si elles sont payées par l’État.  En 2023, près de 6 personnes sur 10 étaient favorables à la prestation de soins de santé au privé, soit le taux de soutien le plus élevé jamais enregistré au pays.

Face à un système en ruine, à de longues listes d’attente, à une bureaucratie labyrinthique et à des soignantes épuisées, il n’est pas étonnant que les travailleurs soutiennent n’importe quelle solution proposée. Leur santé et leur vie sont en jeu.

C’est exactement le genre de raisonnement sur lequel comptent les capitalistes. Ils sabordent les soins de santé publics et agissent ensuite comme s’ils n’avaient pas d’autre choix que de donner de l’argent à leurs amis du secteur privé.

En Ontario, Doug Ford a étendu le nombre de services pouvant être offerts par les cliniques privées. Danielle Smith, première ministre de l’Alberta, a annoncé son intention de louer des hôpitaux à des prestataires privés. La nouvelle agence Santé Québec a été créée pour gérer les soins de santé comme une entreprise, avec un conseil d’administration et une PDG.  

Le problème est qu’utiliser l’argent public pour payer des services privés n’est pas la même chose que financer un système public – en fait, cela finit par coûter plus cher. L’argent ne sert pas seulement à payer des services, il sert aussi à couvrir les profits des propriétaires privés. La privatisation est synonyme de profits au détriment des patients.

Le secteur privé n’est pas non plus à l’abri des pénuries de personnel et des retards dans les opérations chirurgicales. Un rapport récent sur la poussée de la privatisation en Saskatchewan commente :

« De toutes les stratégies mises à l’essai pour réduire les temps d’attente, c’est l’investissement dans l’expansion et la capacité du système public qui a le mieux réussi à réduire les temps d’attente. »

La crise des soins de santé découle du même problème que celui auquel est confronté l’ensemble du système capitaliste. La baisse de la productivité et une économie en difficulté signifient que les capitalistes et leurs politiciens cherchent à faire des coupes, en particulier dans les programmes sociaux.

La privatisation ne fera qu’accélérer l’effondrement des soins de santé. Ses effets deviendront plus évidents dans les années et les décennies à venir. Les gens seront de plus en plus malades et leurs problèmes médicaux chroniques s’aggraveront. Il n’y a pas d’issue sous le capitalisme, le choix est entre l’austérité et la privatisation. Dans les deux cas, ce sont les travailleurs qui y perdent leur santé et leur vie.