Les patrons s’attaquent à nos « héros »

Alors qu’au début de la pandémie, les travailleurs essentiels étaient acclamés comme des héros, ils font maintenant face à des coupes et des lock-out. On assiste à une vague d’attaques contre les droits syndicaux et les conditions de travail décentes dans tout le pays. Avec l’augmentation du coût de la vie, ces attaques créent une situation insupportable pour la classe ouvrière. Le défi auquel nos héros sont confrontés aujourd’hui n’est pas seulement de combattre la pandémie, mais aussi de combattre les patrons.

  • Renu Brar
  • jeu. 20 mai 2021
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Crédit: CTV

Alors qu’au début de la pandémie, les travailleurs essentiels étaient acclamés comme des héros, ils font maintenant face à des coupes et des lock-out. On assiste à une vague d’attaques contre les droits syndicaux et les conditions de travail décentes dans tout le pays. Avec l’augmentation du coût de la vie, ces attaques créent une situation insupportable pour la classe ouvrière. Le défi auquel nos héros sont confrontés aujourd’hui n’est pas seulement de combattre la pandémie, mais aussi de combattre les patrons.

Les patrons profitent de la pandémie

Des dizaines de milliers de travailleurs à travers le Canada ont perdu leur emploi à cause de la pandémie et beaucoup d’autres peinent à joindre les deux bouts. La menace latente de l’insécurité d’emploi a contraint nombre d’entre eux à faire profil bas pour ne pas aggraver leur situation. Malheureusement, les capitalistes sont arrivés à la conclusion inverse et voient dans la pandémie une occasion rêvée de briser les syndicats et de niveler les conditions de travail vers le bas.

Partout au Canada, on constate une tendance croissante aux lock-out. Au début de cette année, des centaines de travailleurs syndiqués de Molson Coors, Fenner Dunlop et Elements Casino Flamboro ont été mis en lock-out à quelques jours d’intervalle. Au même moment, les travailleurs du plus grand concessionnaire automobile de Terre-Neuve-et-Labrador se sont également retrouvés sur le carreau. À l’autre bout du pays, les répartiteurs et les téléphonistes de la compagnie de taxi Kelowna Cabs ont été mis en lock-out alors que la direction tentait de faire adopter un contrat ayant pour effet de transférer les emplois de répartiteurs vers des marchés du travail moins coûteux à l’étranger.

En ce moment, plus de 200 travailleurs de l’entreprise THK Automotive à St-Catharines font face à un lock-out. Ils ont été mis en lock-out le jour suivant l’expiration de leur convention collective, avant même toute tentative de négociation. Comme dans le cas de la lutte chez Molson, les patrons de THK ont veillé à ce qu’il y ait suffisamment de stocks dans les semaines précédentes pour que les affaires continuent pendant que les travailleurs sont en lock-out.

Cette semaine encore, 830 travailleurs syndiqués de Reliance Home Comfort, une entreprise de réparation de maisons, ont été mis en lock-out. Les travailleurs de Nellie’s Shelter ont été menacés de lock-out par la direction s’ils refusaient des coupes brutales dans leurs congés de maladie et leurs avantages sociaux, entre autres.

Tout en publiant des tweets sur leur soutien aux travailleurs de première ligne, les capitalistes sont déterminés à briser les reins de leurs propres travailleurs. En plein milieu d’une pandémie et d’une crise économique, les lockouts sont particulièrement cruels, mais ils semblent être devenus la méthode préférée des patrons pour briser les syndicats et imposer des coupes.

Une tendance similaire à la casse des syndicats s’est manifestée dans le secteur public. Tout récemment, les libéraux fédéraux ont imposé le retour au travail de centaines de débardeurs du SCFP 375 et ont forcé la fin de leur grève contre le travail précaire et les horaires de travail exténuants.

Quelques mois après le début de la pandémie, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a déposé une loi qui suspendait les droits de négociation collective des travailleurs de la santé. Cette mesure s’ajoutait à un projet de loi antérieur du gouvernement Ford qui gelait les augmentations salariales du secteur public à un pour cent.

Compte tenu de l’inflation, le gel des salaires signifie en fait que des milliers de travailleurs essentiels sont confrontés à une réduction de salaire. Alors que l’inflation officielle tourne autour de 2%, le prix des produits de première nécessité tels que la nourriture et le logement explosent bien au-delà des chiffres officiels.

Depuis la pandémie, l’inflation officielle des loyers en Ontario a été d’environ 5%. Selon les prévisions du printemps 2021 de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, les prix des logements devraient augmenter de 10 à 17%. Les prix des aliments devraient également monter en flèche avec des augmentations de 4 à 7%. Pendant que les capitalistes imposent des coupes pour réaliser des profits, la classe ouvrière est confrontée à une situation impossible où elle ne peut satisfaire ses besoins les plus fondamentaux.

Les patrons et les politiciens semblent croire que les travailleurs sont trop affaiblis par la pandémie pour se défendre et qu’ils accepteront les coupes. Ce qu’ils ne réalisent pas, c’est que ces attaques peuvent devenir la goutte d’eau qui fait déborder le vase et provoquer une lutte. Il y a déjà de nombreux cas de travailleurs qui font grève à travers le Canada et qui ripostent aux attaques.

Les travailleurs ripostent

Sans surprise, ce sont les travailleurs de la santé de première ligne qui ont été à l’avant-garde de cette lutte croissante.

Au milieu de la pandémie, le Parti conservateur uni de l’Alberta a licencié des milliers de travailleurs de la santé. En réponse, les infirmières ont débrayé dans le cadre d’une grève sauvage massive.

Les infirmières de Sarnia-Lambtonare sont actuellement en grève contre la direction des Infirmières de l’Ordre de Victoria du Canada qui a tenté de faire passer un contrat prévoyant une augmentation salariale de zéro pour cent.

Les travailleurs d’ORNGE Ambulance ont également voté récemment à 94% en faveur d’une grève contre le gel des salaires à 1%. Un travailleur d’ORNGE a parfaitement résumé l’hypocrisie du gouvernement en disant : « Je pense à Doug Ford qui se rend au siège d’ORNGE et qui qualifie nos membres de héros, qui parle de la façon dont ils risquent leur vie chaque jour pour assurer notre sécurité, et pourtant il présente une loi scandaleuse qui plafonne leurs augmentations de salaire à un pour cent. »

Des centaines de travailleurs sont actuellement en grève dans une usine de Nestlé à Toronto pour lutter contre la disparité de traitement dans les salaires et les retraites.

Les travailleurs sociaux de WoodGreen Communities Services ont récemment remporté une victoire sur la direction et obtenu le rétablissement d’un jour de travail à distance en organisant efficacement une pétition et un rassemblement pour informer la communauté.

Dans un magasin Indigo de Mississauga, la direction a licencié les concierges et transféré les tâches de nettoyage aux travailleurs au salaire minimum. En réponse, les travailleurs ont organisé avec succès une campagne de syndicalisation et ont même entraîné la syndicalisation de plusieurs autres magasins Indigo.

Se préparer à la lutte

La vague de lockouts fournit une leçon importante : les patrons n’ont aucune intention de négocier. Au lieu d’agir de bonne foi, ils tentent d’affamer les travailleurs par le biais de lockouts. 

Chaque lock-out qui réussit à imposer des reculs envoie un message. Aux patrons, cela montre que les lock-out sont efficaces. Du côté des travailleurs, cela crée une démoralisation supplémentaire dans une situation déjà difficile.

En revanche, chaque victoire contre les attaques contre les droits syndicaux démontre que les travailleurs peuvent faire grève et gagner. Alors que les luttes se multiplient, les syndicats doivent se préparer dès maintenant à s’unir et veiller à ce qu’aucun piquet de grève ne soit franchi. Si les travailleurs en grève sont laissés à eux-mêmes, les patrons peuvent simplement attendre que les fonds syndicaux soient épuisés ou qu’une loi de retour au travail soit imposée.

Aucun lieu de travail ne peut résister seul à ses patrons. Des grèves de solidarité enverraient aux patrons le message que les syndicats ne permettront pas de rabaisser les conditions de vie des personnes les plus essentielles et les plus vulnérables de la société. Les travailleurs ne doivent pas être abandonnés à leur propre sort alors qu’ils mènent un combat commun contre un ennemi commun.