Le régime marocain détient plus de 500 prisonniers politiques, selon le président de l’Association marocaine des droits de l’Homme, Aziz Ghali. Parmi eux, les détenus du Hirak du Rif, le mouvement de Jaradah, des syndicalistes, des rappeurs, des blogueurs, un journaliste… Bref, tout le monde.

Comme l’appétit vient en mangeant, il ne se passe pas une journée sans que les médias sociaux rapportent l’arrestation de nouveaux militants ou de citoyens ordinaires dont le seul « crime », dans la majorité des cas, est d’avoir publié un post sur Facebook critiquant les conditions de vie ou les politiques de l’État.

Comme le gouvernement considère que l’arsenal juridique qu’il possède n’est toujours pas suffisant, il veut profiter des conditions de confinement pour faire passer la nouvelle loi 20-22, qui impose une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans (et/ou une amende de 5 000 à 50 000 dirhams) pour quiconque oserait publier sur les réseaux sociaux un appel au boycott de produits de consommation, ou « diffuser de fausses informations qui pourrait faire douter de la qualité ou de la sécurité… d’un produit quelconque ». « Même sanction pour l’incitation du public au retrait massif de l’argent des établissements de crédit et organismes assimilés»1. Ceci est une réponse au succès de la campagne de boycott de masse contre les entreprises monopolistiques (lait, essence, eau minérale…) et contre les banques, qui appartiennent à la famille royale et à son entourage.

Ce n’est pas un hasard si les Nations Unies ont désigné le Maroc comme l’un des premiers pays à avoir utilisé la pandémie pour imposer des lois répressives.2

Voilà le véritable visage du «  régime démocratique moderniste » que les mercenaires en Occident, journalistes, penseurs et académiques, vantent en échange des millions qu’ils reçoivent et des nuits rouges que le régime organise pour eux dans les bordels de Marrakech et d’autres lieux de tourisme sexuel, au menu desquels figure souvent la chair d’enfants mineurs.

Les prisons marocaines, une histoire d’horreur

Lénine a décrit l’État comme un « corps d’hommes armés », mais nous sommes certains que s’il avait étudié l’État marocain, il aurait plutôt parlé d’un corps de bandits, de criminels et de gangsters qui tiennent près de 40 millions de personnes par le bâton, les balles et les cellules.

60 ans après la soi-disant  « indépendance », le ministère marocain de l’Éducation ne compte encore que 12 universités, le ministère de la Culture ne compte que 40 espaces culturels, et le ministère de la Santé ne compte que 5 hôpitaux universitaires et 9 centres d’oncologie. Néanmoins, l’administration pénitentiaire possède déjà 82 établissements pénitentiaires, et le chef de l’administration a récemment vanté aux Marocains la construction de nouvelles prisons et l’extension des autres ; le ministre de l’Éducation ou de la Culture n’ont pas fait de semblables déclarations, car les universités et les théâtres ne figurent bien évidemment pas parmi les priorités du régime.

Les prisons marocaines ont une terrible réputation : les mauvais traitements, la torture et la famine y sont des pratiques quotidiennes. Les gardiens des prisons les considèrent comme une partie intégrante de leurs tâches, car la prison, pour l’État marocain, est une institution de destruction et de vengeance.

Il y a plus de 80 000 détenus se trouvent actuellement dans des conditions de surpopulation carcérale épouvantables. Le taux d’occupation des prisons dépasse les 300%3. Les autorités officielles elles-mêmes admettent que 44% des établissements pénitentiaires connaissent une « surpopulation importante » ; elles confirment également que l’espace moyen alloué à chaque détenu ne dépasse pas 1,8 mètre carré.

Comment ces misérables peuvent-ils appliquer « l’isolement social », « l’hygiène » et « la quarantaine »? Cela est impossible et les rend extrêmement vulnérables aux maladies physiques et psychologiques. Les prisons sont devenues un épicentre de propagation du coronavirus qui commence à infester les corps des détenus et également des employés. Dans ce contexte, l’administration a dû admettre l’infection de 318 personnes, chiffre que même les plus optimistes jugent trop faible.

Les prisonniers politiques sont en danger

Les conditions dans lesquelles vivent les prisonniers politiques sont bien pires. Le régime ne se contente pas de les emprisonner, mais veut les briser, physiquement et psychologiquement, pour éteindre, à travers eux, la flamme du défi et de la lutte dans la société. Dans ce contexte, Nasser Zafzafi, le symbole du Hirak du Rif, a réussi à faire passer un message audio à l’extérieur de la prison, dans lequel il dénonce les pratiques brutales contre lui et ses camarades, notamment la torture, le viol et l’isolement cellulaire. L’État a réagi en multipliant les attaques contre eux et en les dispersant dans plusieurs prisons. Zafzafi et plusieurs de ses camarades ont été contraints d’entamer une grève de la faim prolongée (presque un mois), suite à laquelle ils ont failli mourir.

La ténacité des prisonniers politiques rend le système fou. Il a peur d’eux et de la sympathie populaire qu’ils suscitent, et considère que leur soumission est une question de vie ou de mort. Le régime veut qu’ils demandent pardon et renient les positions qu’ils défendaient ; il veut pouvoir présenter publiquement ces meneurs, symboles et portes parole des masses en disant : « Voilà le sort de ceux qui me défient, il n’y a aucun espoir dans la lutte, je suis tout-puissant ».

Ainsi, après avoir condamné les dirigeants du mouvement du Rif à des années de prison ferme ( jusqu’à 20 ans), le régime les condamne maintenant à mort en les laissant à leur destin face au virus. Cela a créé une vague de colère généralisée dans la société et a mené au lancement de campagnes de solidarité sur les réseaux sociaux, appelant à leur libération immédiate. Le mouvement a commencé à prendre des proportions gigantesques malgré les conditions de confinement sanitaire.

À ce moment-là, les libéraux ont voulu surfer sur la vague et s’assurer que le mouvement soit canalisé vers des voies permettant de préserver le système. Dans ce contexte, un groupe de personnalités politiques, universitaires, médiatiques, etc., ont publié « l’appel de l’espoir » dans lequel ils ont sollicité « Sa Majesté », avec humilité et amour, pour qu’elle délivre une grâce générale aux détenus, à l’occasion de la pandémie, « pour asseoir une meilleure cohésion sociale » et « augmenter notre confiance et notre espoir en l’avenir ».

Quelle a été la réponse de « Sa Majesté »? Je ne voulais pas aborder cette question par respect envers les sentiments de ces messieurs dames, mais comme vous le demanderez certainement, voilà la réponse : elle leur a craché au visage, les traitant avec le mépris qu’ils méritent. Pour ajouter du sel à leurs blessures, « Sa Majesté » a accordé une grâce à 5 654 détenus, parmi lesquels il n’y a pas un seul prisonnier politique, mais 40 islamistes qui étaient détenus pour des affaires de terrorisme, ainsi qu’un parlementaire et un président d’une commune (arrêtés pour leur implication dans des affaires de corruption à hauteur de plusieurs millions), en plus d’un groupe de criminels dangereux, dont au moins 3 condamnés pour des affaires de meurtre et d’autres pour des affaires d’agressions et de vols à main armée.

Le régime est terrifié

Contrairement aux apparences, cette rage n’est pas la marque d’une confiance en soi de la part du régime, mais plutôt l’expression de son extrême terreur. Le régime sait très bien qu’il entre dans une période de révoltes plus importantes que toutes celles vécues jusqu’à présent. Il sait que tous les facteurs qui ont conduit au déclenchement du mouvement révolutionnaire, il y a 10 ans, existent toujours, et se sont même aggravés au centuple ; il sait qu’il est assis sur une montagne de poudre à canon. Cela le terrifie et l’oblige à se précipiter pour éteindre tout ce qui pourrait être une étincelle qui enflammerait la situation. Cela l’oblige aussi à faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher l’émergence de tout point de référence, qu’il s’agisse d’un jeune leader, d’un journaliste « têtu » ou d’un rappeur populaire…

Mais c’est une tâche impossible : les conditions objectives rendent inévitable l’émergence d’expressions de la colère accumulée. La crise économique actuelle est la pire depuis des décennies et continue de s’aggraver ; le chômage, la vie chère et la pauvreté ont atteint des niveaux sans précédent. Il existe un mécontentement massif bouillonnant sous la surface, et ce mécontentement doit s’exprimer à travers différentes formes, personnes et groupes. Aucune oppression ou prison ne peut arrêter ce processus inéluctable.

La constance des prisonniers politiques et leur rejet de toute capitulation constituent des exemples de lutte et de défi, une source d’inspiration pour la nouvelle génération de leaders qui émergeront naturellement du mouvement de masse. Le confinement va se terminer et les travailleurs retourneront sur leur lieu de travail, les jeunes dans leurs écoles et universités, et les manifestants dans les villes et les villages sortiront pour lutter à nouveau. Ils sortiront pour lutter avec plus de combativité et de conscience, contre l’austérité, le chômage, la répression et, bien sûr, pour la libération des prisonniers politiques.

Donnons à cette lutte le programme et la direction qu’elle mérite

Voici plusieurs leçons à tirer des expériences de la lutte pour la libération des prisonniers politiques au Maroc :

1- Le régime ne fait aucune concession, sauf lorsqu’un mouvement révolutionnaire le menace. Nous insistons donc pour que la lutte pour la libération des prisonniers politiques soit basée sur la mobilisation d’un mouvement révolutionnaire de masse dans les lieux de travail, les quartiers populaires, et les universités, contre la classe dirigeante et ses représentants politiques. Un mouvement qui relie la lutte pour la libération immédiate des prisonniers politiques à la lutte générale de la classe ouvrière et des étudiants, qui luttent pour la démocratie le droit à l’organisation et la liberté d’expression.

L’appel à la classe ouvrière internationale est indispensable dans cette lutte et la renforcera.

2- Le régime récupère vite tout ce qu’il a été contraint à concéder. Dès que le mouvement révolutionnaire reflue, le régime lance même une vengeance généralisée qui rejette le mouvement plusieurs années en arrière. Par conséquent, la seule garantie réelle, radicale et durable pour en finir avec les arrestations contre les militants ouvriers, les dirigeants des mouvements populaires et tous ceux qui luttent pour la liberté et la démocratie, c’est la lutte révolutionnaire dont le but ultime est de renverser le régime capitaliste dictatorial et de le remplacer par un régime socialiste dans lequel le pouvoir et les richesses seront entre les mains des travailleurs eux-mêmes. C’est alors seulement que la liberté sera garantie pour les travailleurs, les paysans et les masses en général, tandis que la prison deviendra le sort des tyrans et de leurs laquais, qui exploitent, répriment et pillent le Maroc.

Voilà la perspective pour laquelle les marxistes luttent. Si vous êtes d’accord avec nous, rejoignez-nous pour construire une direction révolutionnaire capable de la mettre en œuvre!

https://maroc-diplomatique.net/projet-de-loi-22-20-quid-des-droits-du-consommateur-marocain/

https://www.yabiladi.com/articles/details/92820/maroc-l-onu-pointe-nombre-d-arrestations.html

https://www.h24info.ma/maroc/coronavirus-quattend-le-maroc-pour-desengorger-les-prisons/