Plus de cinquante personnes se sont réunies à l’Université de Toronto, le 8 juin dernier, pour écouter deux militants étudiants québécois. Nichola R. et Mohamed B. fréquentent l’Université du Québec à Montréal et participent à La Riposte, penchant francophone du journal Fightback. Ils étaient invités par Fightback et les Toronto Young New Democrats à venir parler aux étudiants, travailleurs et autres curieux de leur expérience au sein d’un des mouvements les plus étendus de l’histoire du Canada. Les conférenciers ont partagé leurs apprentissages et développé sur la théorie et les méthodes qui pourraient servir à construire et étendre le mouvement étudiant à travers le pays au complet.

Ils ont tous deux analysé l’histoire du mouvement étudiant au Canada. D’abord, l’exemple de mai 68 en France, où la contestation des étudiants s’était répandue à la classe ouvrière, fut crucial non seulement pour le Québec, mais pour la résistance étudiante à travers le monde. L’étude des mouvements étudiants des années 70, 80 et 90 a permis de mieux expliquer la situation actuelle dans la province. Pour ce qui est du Québec, l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), généralement considérée comme la tête de file du mouvement étudiant, fait ouvertement la promotion d’une culture étudiante du syndicalisme de combat. De plus, la grève a été historiquement considérée comme un outil efficace contre l’État. Ces éléments aident à situer un éventuel mouvement étudiant au Canada anglais dans son contexte afin de mieux comprendre comment le rendre efficace.

Il a aussi été question de la répression policière par le gouvernement Charest. Mohammed et Nichola ont vu et subi les tactiques brutales utilisées par la police québécoise lors des seize dernières semaines. Les intervenants ont donc proposé des moyens de résister à la violence étatique et de comprendre les problèmes à la racine de cette injustice. Par exemple, ils ont soulevé que l’autodéfense contre l’État ne peut fonctionner par initiatives individuelles, et doit être discutée et organisée démocratiquement par les syndicats et groupes étudiants.

Les conférenciers expliquèrent aussi l’importance d’une analyse marxiste des évènements pour les comprendre et développer des solutions au sein du mouvement. D’abord, ils ont rappelé que les mesures d’austérité qu’on tente de mettre en place dans le présent cadre capitaliste affectent tous les secteurs de la société, pas seulement les étudiants. Étant donnée l’intransigeance du gouvernement Charest, il est vital pour le mouvement de s’étendre à la classe ouvrière. Les syndicats étudiants devraient envoyer des délégations dans les usines et lieux de travail ; voilà une des principales leçon de mai 68, qui avait transformé un mouvement étudiant en la plus grande grève générale des pays capitalistes développés. Les étudiants doivent parler à leurs parents, amis et familles, qui subissent eux aussi les coupes et l’austérité. La grève étudiante a mis une pression formidable sur le gouvernement Charest : Imaginez donc l’effet d’une grève des étudiants et des travailleurs à l’échelle du Canada?, les deux conférenciers ont-ils demandé au public. Seule l’implication d’une plus large partie de la société permettra la victoire des étudiants.

Nichola a aussi mis l’accent sur l’importance du rôle joué par les regroupements de syndicats étudiants en fournissant à leurs militants l’encadrement et les outils nécessaires à la mobilisation d’une grande partie de la population étudiante. Plus particulièrement, la CLASSE organisait des assemblées générales et des rencontres entre les étudiants plusieurs mois avant le début de la grève. Étant donné que la CLASSE constitue véritablement une organisation de masse, cette initiative a aidé à concerter les forces en lutte contre la hausse des frais de scolarité au Québec. Nichola et Mohammed ont ensuite soutenu que les étudiants ontariens se doivent de faire entendre leurs voix et de faire pression sur la direction de la Fédération Canadienne des Étudiants et Étudiantes (FCEE) pour qu’elle défende la gratuité scolaire et se prépare à participer à l’organisation d’un mouvement de grève en Ontario et dans le reste du pays. Des intervenants dans l’auditoire expliquèrent alors que le dossier progressait, particulièrement à Toronto. Par exemple, les leaders étudiants de Toronto avaient déjà, dans les jours précédents, fait des sorties publiques et mentionné la nécessité d’une éducation gratuite. Les conférenciers ont alors commenté ces développements, et demandé à ce que la pression soit maintenue. Ils saluèrent aussi l’initiative de la « Lettre ouverte à la FCEE », qui avait alors déjà fait le tour du pays et amené différents syndicats étudiants à répondre. La lettre a en effet inspiré les étudiants non seulement du Canada Anglais, mais aussi du Québec, qui voient enfin un véritable geste de solidarité de leurs camarades du reste du pays. Nichola a expliqué que les associations étudiantes ontariennes possèdent des ressources et du pouvoir, et que les étudiants ont donc le devoir de faire pression sur leurs leaders pour que ces groupes fassent leur devoir de représenter (et de se battre pour) les revendications de leur base syndicale.

Les questions et commentaires enthousiastes des auditeurs ont bien démontré qu’ils ont apprécié la présentation de Mohammed et Nichola. La collecte subséquente a permis d’amasser près de 100 $ pour financer leur transport de Montréal à Toronto. Il y a un sentiment d’urgence chez les Ontariens pour le début d’un mouvement – à la fois pour aider leurs frères et sœurs du Québec, mais aussi pour défendre leurs propres droits. Impliquez-vous dans Fightback et joignez vous au mouvement!