Pendant la soirée du 16 au 17 janvier 2023, les infirmières de l’urgence de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) ont fait un sit-in et ont courageusement refusé de travailler dans les conditions inacceptables et dangereuses que la direction leur imposait. L’explosion du temps supplémentaire obligatoire (TSO) et la surcharge de travail dus au manque de personnel sont devenus intolérables. Le plan de contingence qui a été décidé par la direction mettait quant à lui en danger les patients de l’urgence en surchargeant de façon critique le personnel soignant qui y voyait la qualité des soins fortement compromise et un risque élevé d’avoir un décès suite à des soins insuffisants.
Cela s’ajoutait à une pétition signée par 90% des infirmières de l’urgence qui demandait la démission de la cheffe d’unité à cause de l’ambiance toxique qu’elle provoquait.
Cela a provoqué une réaction de la part du gouvernement et de la direction qui disent de façon complètement hypocrite reconnaître la « difficulté de la situation » (Christian Dubé), sans pour autant apporter de solution concrète.
Effondrement du réseau de santé
Le réseau de la santé du Québec est dans une crise profonde et les conséquences sont graves. Elles se manifestent par des fermetures de lits, des retards dans les chirurgies, des urgences constamment débordées et même des urgences fermées par manque de personnel.
Certains blâment encore la pandémie pour les problèmes actuels, mais les problèmes sont connus depuis bien des années. D’ailleurs, les infirmières de l’HMR avaient déjà fait un sit-in en 2019 pour dénoncer l’utilisation abusive du TSO. Le problème n’a fait que s’empirer sans qu’aucune solution ne soit mise en place.
Au contraire, le gouvernement a encouragé la privatisation et a provoqué le départ de milliers d’infirmières vers les agences de placement avec sa gestion catastrophique du réseau de la santé, entre autres les arrêtés ministériels qui permettaient aux gestionnaires d’annuler des congés et des vacances sans préavis. L’utilisation du TSO a explosé depuis que la CAQ a été élue alors qu’elle s’était engagée à régler la situation. À Québec, le TSO a augmenté de 75% au cours des deux dernières années.
Propager la lutte dès maintenant
Dans ce contexte, ce n’est pas surprenant que le sit-in à HMR trouve un écho ailleurs. En effet, au même moment, les infirmières de l’Hôpital de Jonquière faisaient aussi un sit-in d’une quinzaine de minutes pour dénoncer leurs conditions de travail.
Aussi, la lutte à HMR a suscité une vague de solidarité par les autres infirmières. Par exemple, les infirmières de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé à Laval ont envoyé une lettre dans laquelle on peut lire : « [Nous] tenons à vous témoigner notre respect et notre support dans l’épreuve que vous traversez depuis déjà plusieurs mois. Il est primordial que nous fassions front commun face à l’adversité et c’est pourquoi nous sommes de tout cœur avec vous. »
Deux jours plus tard, le 19 janvier 2023, c’était d’ailleurs au tour des infirmières de la baie d’Hudson de faire un sit-in avec refus de travailler et menace de démission en bloc pour dénoncer les conditions de travail. L’arrêt de travail a été déclaré illégal par le Tribunal administratif du travail, montrant que les institutions étatiques ne sont pas de notre bord. Mais il est clair et net que les infirmières sont prêtes et déterminées à entrer en lutte, il ne leur manque qu’un plan d’escalade des moyens de pression.
Le lendemain du sit-in à HMR, la direction a annoncé que la gestionnaire pointée du doigt par les infirmières a été retirée de son poste à l’urgence. C’est un premier gain qui démontre à quel point les professionnelles en soin peuvent mettre de pression sur l’employeur si elles refusent de travailler. D’ailleurs, il est intéressant de noter comment personne n’a osé nommer les choses : refuser de travailler comme moyen de pression, c’est faire la grève. Or, le recours à la grève est tabou pour la direction de la FIQ depuis longtemps. Ce n’est pas pour rien que cette grève spontanée n’a pas été initiée par le syndicat.
La lutte n’est pas finie et il faut poursuivre le mouvement si on veut réellement améliorer les conditions de travail et éliminer le TSO. La FIQ doit lancer un appel à étendre les sit-ins avec refus de travail à toute la province, pour réclamer immédiatement la fin du TSO, une augmentation de salaires pour au moins égaliser celui des infirmières travaillant pour les agences, ainsi que l’autogestion par les infirmières elles-mêmes des horaires et des affectations de postes. À ceci s’ajoute le temps double pour les temps supplémentaires et l’instauration des ratios sécuritaires infirmières-patients dans tous les milieux de soins. Il n’y a jamais eu autant d’infirmières enregistrées au Québec, mais elles quittent vers les agences ou quittent tout court. Tant que de telles mesures urgentes ne seront pas mises en place, elles ne reviendront pas et la crise continuera.
Toutefois, vu l’entêtement du gouvernement, les sit-in et les menaces de démissions massives risquent de ne pas être suffisants. La direction de la FIQ doit abandonner son opposition à la grève et lancer une escalade des moyens de pression allant jusqu’à la grève générale.
Solutions socialistes pour le réseau de la santé
Mais ultimement, pour mettre fin à la détérioration constante du réseau de la santé, nous devons mettre fin à la privatisation des soins une fois pour toute.
Cela nécessite une nationalisation des institutions privées comme les GMF, cliniques médicales privées, résidences pour personnes âgées, etc., ainsi qu’un réinvestissement massif dans le réseau public afin d’améliorer les salaires et les conditions de travail. Pour abolir les agences de placement, il faut obligatoirement des améliorations significatives dans le réseau public. C’est la seule façon de mettre fin à l’exode des infirmières vers le privé.
Il faut rehausser massivement les salaires et les indexer annuellement au coût de la vie. La FIQ demande 6% d’augmentation pour compenser les pertes dues à l’inflation en 2022 et 4% d’augmentation sur trois ans. Ces demandes actuelles du syndicat sont particulièrement faibles lorsqu’on considère qu’elles étaient de 21,6% sur trois ans lors des négociations de 2020, bien avant le début de la vague inflationniste. C’est insuffisant. Comme mentionné précédemment, les augmentations devraient au minimum viser un salaire équivalent à celui des infirmières travaillant pour les agences, dont la normale est située entre 65 et 75 dollars de l’heure.
Mais nous ne pouvons pas faire confiance à la CAQ pour réaliser ces améliorations. Les infirmières et les autres professionnelles de la santé devraient avoir le pouvoir de contrôler leur milieu de travail et de prendre les décisions pour régler les problèmes de surcharge une fois pour toute.
La gestion capitaliste du réseau de la santé, les coupes budgétaires, les attaques contre les travailleurs de la santé et l’ouverture de plus en plus importante au privé sont les causes principales des mauvaises conditions de travail et cela est visible pas seulement au Québec, mais aussi dans le reste du Canada, aux États-Unis et en Europe. Partout, les gouvernements préparent la privatisation des systèmes de santé en les sabotant, et cela entraîne une détérioration des conditions de travail pour le personnel de la santé.
La lutte contre le TSO et pour de bonnes conditions de travail dans la santé fait partie de la lutte générale contre la privatisation et contre le capitalisme.