Le 16e congrès annuel de La Riposte et Fightback s’est déroulé à Toronto durant la fin de semaine des 21-23 mai derniers. Venus autant de l’Ontario que du Québec, depuis Toronto jusqu’à Montréal en passant par Ottawa, Hamilton et Waterloo, plus de 70 personnes se sont déplacées pour l’occasion, un record pour l’organisation. À cette occasion, des camarades à l’Internationale nous ont fait parvenir leurs salutations révolutionnaires, venant du Maroc, des États-Unis, de Nouvelle-Zélande, d’Indonésie, de Grèce et d’autres sections européennes dont celle du Royaume-Uni.

Perspectives mondiales: La radicalisation des masses

Les camarades présents avaient la chance de recevoir Rob Sewell, l’éditeur du journal marxiste britannique Socialist Appeal, pour présenter, comme en 2014, les perspectives mondiales. Après avoir rappelé le contexte historique ayant mené à la crise du capitalisme, il a fait remarquer que toutes les tentatives faites par la classe capitaliste pour redresser la situation ont échoué. Il a également souligné que la reprise économique dont nous parle la bourgeoisie est la plus faible de l’histoire du capitalisme. Les économistes bourgeois avancent même l’hypothèse de « stagnation séculaire », ce qui exprime de manière frappante le fait que le capitalisme est dans un cul-de-sac. Rob a fait remarquer que jusqu’à maintenant les capitalistes du monde entier comptaient sur la Chine pour maintenir l’économie mondiale relativement stable, mais voilà que la puissance économique de la Chine aussi atteint ses limites. Le taux de croissance économique du pays est le plus bas observé depuis 25 ans. La Chine avait permis d’éviter que la crise de 2008 soit encore plus catastrophique que ce qu’elle a été; aujourd’hui, de sauveuse de l’économie mondiale, la Chine en est devenue la plus grande menace.

Rob a par la suite parlé des événements prouvant qu’il y a un sentiment anti-establishment qui se développe à travers le monde. Aux États-Unis, Donald Trump et Bernie Sanders sont, chacun à leur façon, le canal par lequel s’expriment la frustration et la radicalisation des masses. On voit la même chose au Royaume-Uni avec Jeremy Corbyn qui est devenu le nouveau chef du Labour Party alors que pratiquement tout l’establishment du pays et du parti croyait qu’il n’avait aucune chance. La montée de SYRIZA en Grèce et de Podemos en Espagne sont aussi des indications du fait que les gens en ont assez de la crise, et cherchent à rompre avec le statu quo. Ils sont de plus en plus nombreux à voir les contradictions du système, et la conscience de classe fait d’importants bons en avant. Aux États-Unis, presque la moitié des gens se considèrent membres de la classe ouvrière, soit une augmentation de 15% depuis 2000. Une majorité de jeunes Étasunien-nes préfère le socialisme au capitalisme, et des millions de jeunes sont enthousiastes à l’appel d’une « révolution politique contre la classe des milliardaires ».

Nous voyons bien qu’à travers le monde, les travailleur-euses et la jeunesse cherchent une alternative radicale à la crise. La classe ouvrière est plus forte que jamais, mais le leadership de celle-ci s’accroche au capitalisme comme jamais auparavant. Cette impasse va persister tant et aussi longtemps que les travailleur-euses n’auront pas résolu la crise du leadership révolutionnaire. Il est nécessaire de construire les forces du marxisme afin de résoudre cette contradiction. Rappelons qu’une révolution dans un seul pays peut changer toute la situation mondiale.

La lutte des classes au Canada: le calme avant la tempête

La présentation sur les perspectives mondiales fut suivie, pour une deuxième année consécutive, par celle de l’éditeur de Fightback, Alex Grant, sur les perspectives canadiennes. Ses premiers mots furent : « Bienvenue au Canada de Trudeau! » Ce qui résume bien la situation et le sentiment de lune de miel d’un trop grand nombre de Canadien-nes. En effet, il a été rappelé que Justin Trudeau et son parti ont été élus sur la base d’une image « anti-austérité » plus progressiste que celle des conservateurs et des néo-démocrates. Pour un temps, cette image projetée par Trudeau, accentuée par la présentation d’un budget déficitaire par les libéraux, aura pour effet d’atténuer la lutte des classes. Il faut malgré tout garder à l’esprit qu’inévitablement, les déficits des libéraux devront être payés à coup de mesures d’austérité. À cette étape-ci, les gens se radicalisent de manière atomisée, individuelle, mais tôt ou tard, des mouvements vont réapparaître sous les coups de la crise et de la rupture des illusions dans Trudeau.

Le NPD a été un sujet important de la présentation et de la discussion qui a suivi. Au dernier congrès du parti, les membres ont voté en faveur de l’élection d’un nouveau chef à cause du virage à droite de Tom Mulcair et de la direction du parti, qui ont entrainé le parti dans une retentissante défaite électorale. Le parti va maintenant entamer une discussion sur le manifeste « Un grand bond vers l’avant », un symptôme d’un tournant à gauche dans le parti. Il est impressionnant de voir que des bureaucrates qui semblaient si puissants peuvent être renversés d’un claquement de doigts, sans que personne n’organise de révolte ouverte contre le leadership. Ces développements au NPD pourraient ouvrir la porte à un candidat de gauche pouvant enthousiasmer les travailleur-euses et la jeunesse, un peu à l’image de Jeremy Corbyn aux Royaume-Uni, et marquer le retour des politiques de classe au sein du parti.

Pour ce qui est du manifeste « Un grand bond vers l’avant », il joue un rôle contradictoire. Car si le vote en faveur d’une discussion autour du manifeste était un vote anti-establishment et reflétait le début d’un tournant à gauche, en le lisant on se rend compte qu’il est vague et qu’il n’apporte que très peu de réponses. Notre rôle est d’expliquer patiemment ses limites et de montrer la voie à suivre, de proposer des solutions concrètes aux problèmes soulevés dans le manifeste. On ne peut combattre l’austérité et lutter pour la préservation de l’environnement sans combattre le système capitaliste lui-même. Les entreprises privées, dont celles du secteur énergétique, doivent être mises sous le contrôle démocratique des travailleur-euses. C’est la seule façon d’unir les luttes ouvrières à la lutte pour sauver l’environnement.

Durant la discussion du lendemain matin, un des sujets abordés par un bon nombre des militants étant intervenus était le sujet de l’oppression, un sujet sur lequel un amendement a été ajouté au document sur les perspectives politiques. Il y est question des inégalités et de l’oppression dont sont victimes les personnes LGBTQ, les femmes, les Premières Nations et les autres minorités visibles. En tant que marxistes, nous nous opposons résolument à toutes les formes d’oppression, et luttons pour que la classe ouvrière s’unisse dans la lutte contre le système capitaliste qui maintient et alimente les oppressions. Dans la section « La lutte contre l’oppression » on peut maintenant lire:

« Il est du devoir de tous les révolutionnaires de lutter contre les attitudes et les comportements discriminatoires lorsqu’ils surviennent. Nous devons être à l’avant-garde de cette lutte. Mais, en dernière analyse, nous devons reconnaître que la seule façon de changer ces attitudes à grande échelle est précisément à travers la lutte unie. Dans la lutte commune, les gens commencent à se voir l’un l’autre sur la base de ce qu’ils ont en commun, au lieu de voir ce qui les divise. Et il est un fait que c’est seulement à travers une telle lutte unie de tous les travailleur-euses et les couches d’opprimé-es que nous pouvons transformer la société et mettre fin aux conditions sociales qui alimentent l’oppression que ces mouvements cherchent à combattre. »

Un des points les plus importants à retenir de la discussion sur la politique canadienne et québécoise, c’est que la jeunesse se politise et se radicalise de plus en plus. Ils sont des milliers à regarder ce qui se passe dans le monde, de Corbyn à Podemos, de Syriza à Black Lives Matter. La jeunesse cherche une alternative révolutionnaire et n’a jamais été aussi ouverte aux idées du marxisme. Au Québec, quatre années de lutte ont passé, et le mouvement a été défait. La jeunesse comme les travailleur-euses en ont assez de l’austérité, et cherchent des explications pour leurs défaites. La jeunesse québécoise, en particulier, est très radicalisée et c’est pourquoi nous devons accentuer notre travail auprès d’elle, et l’éduquer dans l’esprit des idées marxistes. Tôt ou tard, un mouvement apparaîtra et c’est pourquoi à l’étape actuelle, la tâche est de se préparer pour les luttes à venir.

La TMI au Canada grandit et se prépare

La discussion sur comment construire l’organisation révolutionnaire au Canada fut animée par Farshad Azadian, qui est depuis à peine quelques semaines travailleur à temps plein pour l’organisation et pour qui une campagne de financement a débuté à la fin avril. Farshad a amorcé la présentation en soulignant le succès de nos différents clubs étudiants sur les campus. Le travail se développe pour une première fois à Hamilton et à Waterloo, et les camarades montréalais ont maintenant mis fermement pied sur trois campus universitaires de la ville. Le travail au sein du mouvement ouvrier a également commencé à Toronto, avec une présence lors des réunions du Labour Council de la ville.

Farshad a souligné le développement impressionnant de nos forces au Québec. Le congrès l’a montré par le fait qu’il y avait le plus grand nombre de francophones et d’interventions en français pour un congrès de la Tendance marxiste internationale au Canada. Le mouvement au Québec a subi des défaites causées à la fois par l’opportunisme des directions syndicales et par l’ultragauchisme des leaders étudiants. Il y a toutefois un potentiel immense au Québec, avec une jeunesse radicalisée qui cherche des explications pour les récentes défaites. Les camarades ont donc décidé de changer le nom du journal francophone La Riposte pour La Riposte socialiste, ce qui permettra d’afficher de manière plus audacieuse nos couleurs, et de pouvoir connecter davantage avec les masses radicalisées, et particulièrement la jeunesse.

Farshad a aussi rappelé le succès de l’école marxiste hivernale ayant eu lieu à Montréal en février dernier, qui fut la plus réussie jusqu’à maintenant avec 110 personnes présentes. Il a fait remarquer que nous serons bientôt en 2017, une année au cours de laquelle nous devrons défendre bec et ongles la révolution russe de 1917, ce qui passe avant tout par l’étude de la théorie et de l’histoire par les camarades eux-mêmes.

Le lundi, troisième et dernière journée, le camarade Donovan Ritch a commencé en présentant sur le sujet des finances et de la presse. Il a parlé de l’embauche de Farshad qui nous permettra d’accroître notre travail auprès de la jeunesse via les campus universitaires, et qui entraînera une amélioration de notre presse par son implication encore plus grande au sein du comité éditorial de Fightback. Donovan avait de bonnes nouvelles pour nous, faisant remarquer que nous avons réussi à doubler notre budget national au cours des trois dernières années. Grâce aux cotisations des membres et des sympathisant-es de l’organisation, nous envisageons d’augmenter le salaire de nos travailleur-euses. Ce fut une nouvelle accueillie avec enthousiasme par les gens dans la salle. Donovan a annoncé également que nous avions dépassé notre objectif financier pour l’appel du congrès de plus de 5000$ et ce, grâce, en partie, à l’appel financier de la veille animé par Marco La Grotta et Julien Arseneau. Cet accomplissement montre l’esprit de sacrifice dont les camarades font preuve, ce qui est absolument nécessaire si nous voulons construire les forces du marxisme.

Le congrès 2016 s’est terminé avec le chant de l’Internationale, francophones et anglophones chantant en cœur comme c’est la tradition lors de chaque congrès de la Tendance marxiste internationale. Cette fin de semaine a rappelé à chacun des camarades que notre travail est plus important que jamais, que nous devons continuer à augmenter notre niveau d’éducation et à travailler auprès de la jeunesse et des travailleur-euses radicalisés. C’est notre tâche de construire une organisation révolutionnaire et c’est ce que nous nous engageons à faire. Nous invitons toutes celles et tous ceux sont intéressés à lutter pour un monde meilleur à nous joindre pour la construction de La Riposte et de la Tendance marxiste internationale!