Plus de 200,000 étudiants québécois ont fait la grève jeudi le 10 novembre, pour protester contre l’augmentation des frais de scolarité mise en œuvre par le gouvernement Libéral. Le Premier ministre Jean Charest propose d’augmenter les frais d’éducation universitaire de 1,625$, sur une période de cinq ans, soit la plus grande augmentation des frais de scolarité de l’histoire de la province. Combiné à la hausse antérieure imposée par le gouvernement Charest, cela correspond à une augmentation de 125% des frais que les étudiants québécois devront payer afin d’avoir accès à l’université. Cette annonce suscite une vive indignation chez les québécois, comme la grève étudiante en témoigne.

Dans les jours et les semaines ayant précédé la grève de jeudi dernier, les étudiants du Québec se sont réunis sur leurs campus respectifs et ont tenu des assemblées générales pour prendre la décision d’aller en grève. La plupart des associations étudiantes, autant anglophones que francophones, ont voté en faveur de la grève, souvent presqu’à l’unanimité.

L’opposition à la grève provenait essentiellement des gens de la droite politique, minoritaires et isolées du reste de la population étudiante. Dans certains cas, les associations étudiantes principales des universités n’organisaient pas de vote par rapport à la grève ; l’organisation était prise en main par les associations de faculté. Étant donné les attaques répétées contre l’accessibilité à l’éducation pour les jeunes issus de la classe ouvrière, ils et elles sont à la recherche d’une manière concrète de s’opposer aux coupures draconiennes du gouvernement.

L’attaque du gouvernement est si grave, qu’elle a permis d’éliminer les conflits qui ont affaibli le mouvement étudiant par le passé, contribuant notamment à l’échec de la dernière grève étudiante en 2007. Même les campus qui sont normalement exempts d’activisme étudiant ont voté massivement en faveur de la grève. Par exemple, 99% des étudiants ont voté en faveur de la grève au Collège Vanier ; le même résultat a été obtenu au Collège Dawson. Les étudiants en arts et science à Concordia (qui représentent  près de 40% de la population étudiante de l’université) ont également voté (presque) unanimement pour la grève. Seule une poignée de dissidents, parmi les centaines d’étudiants présents, ont voté contre la grève à McGill. À l’UQAM, centre traditionnel de la tendance plus radicale du mouvement étudiant québécois, les étudiants ont voté en faveur de la grève à l’unanimité pour la première fois depuis des décennies. Les facultés et les associations traditionnellement passives de l’Université de Montréal ont également voté pour la grève.

Des campus à travers la province, mais particulièrement ceux de Montréal, ont été fermés pour la journée. Les étudiants ont commencé à piqueter au lever du soleil à 7h00, arrêtant toute activité. Au Collège Dawson, les étudiants ont poursuivi la tradition de grève établie par les marxistes pendant la lutte de 2007, occupant les bureaux de l’administration. Ceci a forcé l’administration à garantir aux étudiants que personne ne serait pénalisé pour avoir manqué des cours ce jour là. Le syndicat des professeurs de Dawson a déclaré son soutien pour les étudiants et a refusé de traverser le piquet de grève; au lieu de cela, ils ont fourni des vêtements imperméables et de la nourriture aux étudiants. La détermination des étudiants et le soutien des professeurs ont fermé l’école pour la journée. Cela doit être vu comme une leçon pour l’ensemble du mouvement : avec les travailleurs contre eux, le gouvernement et l’administration ne disposent d’aucun moyen pour faire fonctionner l’école.

Ultimement, si nous voulons parvenir à empêcher l’augmentation des frais de scolarité, le mouvement étudiant devra recueillir davantage de soutiens dans la population. Il va falloir se considérer comme faisant partie du mouvement ouvrier en général, ne luttant pas uniquement pour des questions étroites concernant les étudiants, mais bien contre l’entièreté de la politique d’austérité budgétaire livrée par les partis politiques capitalistes.

Vers 14h00, des étudiants de partout dans la province ont converge vers la Place Émilie-Gamelin à Montréal. Des autobus venant de douzaines de villes ont rassemblé les étudiants ensembles, leur donnant un avant-goût de la force du mouvement. À son plus haut point, la manifestation rassemblait près de 30,000 personnes. Le soutien à la cause des étudiants est fort dans la société, avec toutes les grandes associations syndicales étant publiquement en faveur à la lutte des associations étudiantes. Ces appuis s’ajoutent à une longue liste de 130 organismes communautaires qui supportent également la grève. La démonstration massive a causé un bouchon de circulation pendant que les étudiants marchaient en direction du bureau de Jean Charest près de McGill.

Ce n’est pas une coïncidence si le mouvement a rejoint autant d’étudiants, au moment même où le reste du mode réagit à l’austérité budgétaire exigée par le système capitaliste. Des mouvements de masse et des révolutions se multiplient partout dans le monde. Des millions de gens prennent conscience des injustices du système. L’humeur des étudiants est extrêmement optimiste, et on peut facilement comprendre pourquoi. Peu importe où on regarde, nous voyons nos frères et sœurs dans différents pays se dresser contre les mêmes injustices, donnant un sentiment que la grève étudiante au Québec n’est que le début ; les étudiant(e)s sont prêts à aborder le prochain semestre avec une humeur combative. Il faut se souvenir que la dernière grève étudiante qui s’est soldée par un succès, en 2005, a vu près de 244,000 étudiants en grève.

Cependant, elle n’a atteint cette apogée qu’en cinq semaines après son lancement et n’a initialement pas impliqué toutes les associations étudiantes. Cette fois ci, le mouvement a commencé avec près de 210,000 étudiants en grève. Les quelques écoles et associations qui ont négligé de tenir des votes de grève ne feront pas la même erreur un deuxième fois. L’unité du mouvement, visible à travers le fait que plusieurs écoles organisent des manifestations conjointes (indépendamment de leur allégeance à l’ASSÉ, à la FEUQ/FECQ ou à la FCEE) à définitivement montré sa force. Si nous pouvons préserver cette unité et aller vers une action conjointe pour le prochain semestre, nous avons une réelle chance de battre ce nouvel assaut du gouvernement contre notre niveau de vie.