Le dirigeant du NPD fédéral Thomas Mulcair a subi une défaite historique alors que 52% des 1800 délégué-es qui ont assisté à la convention du 8-10 avril ont voté en faveur d’une nouvelle direction. C’est la première fois au Canada que le dirigeant de n’importe quel parti d’envergure perd lors d’une révision de la direction au sein de son parti. Comme la CBC l’a fait remarquer, « Pour mettre en contexte, la dernière fois qu’un dirigeant d’un des principaux partis fédéraux a perdu lors d’une révision de la direction, ce fut Joe Clark en 1983. Il avait reçu 67% d’appuis. » Il s’agit là d’une solide défaite pour la bureaucratie, celle-ci étant stoppée par une révolte de la base contre cet échec que fut le virage à droite du parti.

L’ambiance à la convention était la plus à gauche depuis des décennies. Quelques années seulement après avoir couronné Mulcair et avoir retiré les références au socialisme et à la propriété sociale de la constitution du parti, les choses ont pris un tournant complètement différent cette fois. Plusieurs membres étaient franchement furieux de la lamentable campagne électorale modérée du NPD lors des dernières élections, et contre la répression de toute voix de gauche authentique. Ceci, combiné à la montée de figures politiques telles que Jeremy Corbyn au Royaume-Uni et Bernie Sanders aux États-Unis, a ébranlé la croyance selon laquelle des politiques de gauche socialistes ne peuvent pas être populaires.

Sentant la colère dans les rangs et le désir pour des politiques socialistes, Mulcair a tenté de pencher vers la gauche. À la convention jeunesse tenue le jeudi avant le début de la convention principale, Mulcair a accepté pratiquement toutes les sévères critiques des délégué-es de l’aile jeunesse, et a déclaré qu’il était d’accord avec tous les points de la déclaration de l’exécutif de l’aile jeunesse publiée deux jours avant, qui en appelait à ce que Mulcair démissionne. De toute évidence, Mulcair « feelait le Bern » alors qu’il faisait référence à Bernie Sanders et parlait d’une « économie truquée ». Mais, c’était trop peu trop tard pour ces gestes faciles, et le mot « socialisme » dans la bouche de Mulcair puait l’hypocrisie et le manque de sincérité.

Même la présidente du parti Rebecca Blaikie, lors de son dernier discours, a tenté de défendre l’idée que « ma tâche serait incomplète si je ne prenais pas l’opportunité de corriger le bilan quelque peu, c’est-à-dire cette impression que le mot socialisme a été retiré de notre constitution lors de la dernière convention. Loin de là; nos principes socialistes démocratiques et sociaux-démocrates ont été affirmés… » Pour les délégué-es présents à la dernière convention, cette déclaration ridicule n’a pas aidé le parti, mais a plutôt servi à exposer leur effort tout sauf sincère.

Tandis que la convention approchait, la bureaucratie du parti a tout tenté pour sauver Mulcair. Les députés du NPD et les dirigeants syndicaux soutenant Mulcair se sont multipliés. Plusieurs dirigeants syndicaux sont, de manière antidémocratique, venus à la rescousse de Mulcair, sans consulter leurs membres qui étaient sans aucun doute avides de changement. Les syndicats ont envoyé des centaines de syndicalistes à la convention afin de soutenir Mulcair, mais cela ne fut pas suffisant. À la convention, une rencontre d’un caucus de travailleur-euses comportant plus de 280 délégué-es était divisé quant à la question de soutenir Mulcair ou non, malgré l’insistance de plusieurs dirigeants syndicaux, et sont donc demeurés neutres sur cette question.

Le débat sur le manifeste Un grand bond en avant

Outre la question de la direction, la seule autre question litigieuse lors de la convention fut le débat sur le manifeste Un grand bond en avant. Lorsque le débat a atteint la base, le manifeste est devenu un point de ralliement pour l’humeur anti-establishment dans le parti et il a été adopté avec plus de 60% d’appuis. Cela s’explique essentiellement par le fait qu’il n’y avait pas d’autres politiques significatives de gauche pour rallier les gens. Malheureusement, le manifeste Un grand bond en avant est très vague et contradictoire par moment. Il ne mentionne pas le capitalisme, ne dit pas le mot socialisme, et parle simplement de mettre de la pression sur les libéraux. Il serait extrêmement malheureux si ceci est le plus à gauche que l’humeur du parti puisse aller, puisque cela est beaucoup trop confus pour inspirer et mobiliser les masses comme Bernie Sanders l’a fait avec sa « révolution politique contre la classe des milliardaires ».

Tout compte fait, le nombre de délégué-es en faveur d’un nouveau leadership était beaucoup plus grand que prévu. La réaction à l’annonce des résultats du vote était en premier lieu plus de l’étonnement qu’autre chose, alors que les délégué-es n’avaient pas réalisé leur propre force. Lorsque l’on prend en considération que cette opposition n’était ralliée derrière aucun point focal précis, cela est encore plus significatif. S’il y avait eu une figure centrale préparée particulièrement à rejeter le capitalisme et l’austérité pour mener la charge contre Mulcair et la bureaucratie, alors ce vote aurait été plus grand encore.

Depuis des années, le refrain constant des petits groupes de gauche et des sectaires avait été que « la bureaucratie est trop forte » ou que « le NPD ne changera jamais », voire que « le NPD est un parti bourgeois », etc. Cette convention réfute clairement cette idée. La bureaucratie n’a pas tous les pouvoirs et la base du parti est en train de tester ses forces. Ce revirement a démontré la justesse de l’analyse des marxistes quand nous expliquions que le NPD, en dépit de Mulcair à sa tête, a encore de profondes racines dans la classe ouvrière donc que la pression des masses peut s’y refléter.

Y aura-t-il un Sanders canadien ?

Avec Mulcair défait, on peut maintenant se demander qui prendra la tête du NPD. Puisque le parti a changé les règles, le vote pour un nouveau chef ne pourrait avoir lieu que dans deux ans, avec Mulcair comme chef intérimaire. Une chose est cependant certaine ; étant donnée l’humeur générale lors de la convention, si Bernie Sanders obtenait un passeport canadien, il gagnerait la course à la chefferie avec une majorité écrasante. S’il existait un candidat se présentant comme au moins autant à gauche que Bernie Sanders, la bureaucratie serait sans aucun doute défaite. Puisque les éléments du parti les plus à la droite sont en train de tourner à gauche de manière opportuniste, une franche critique du capitalisme et un programme ouvertement socialiste deviennent nécessaires afin d’enthousiasmer et de mobiliser les travailleur-euses et la jeunesse, de gagner la direction du parti et de construire un mouvement de masse contre le gouvernement libéral.

Malheureusement, aucune personnalité d’importance n’est apparue avec un tel programme jusqu’à maintenant. Différents groupes se sont opposés aux hautes instances, le plus notable étant « Renouvelons le NPD » qui a réuni environ 100 personnes lors de sa soirée pub. « Renouvelons le NPD » a soutenu l’ancienne députée québécoise Élaine Michaud comme présidente du parti. Michaud a cosigné avec des militant-es une lettre critique où ils se sont cependant gardés de demander le départ de Mulcair. La candidate de l’establishment était Marit Stile, membre du conseil scolaire de Toronto. Mais la plateforme de Michaud était vague au point d’être impossible à distinguer de celle de Stile. Le vote a ainsi donné 65% pour Stiles, 30% pour Michaud et Barry Weisleder du Caucus socialiste fermant la marche à 5%. Il y avait beaucoup de choses louables dans la plateforme du Caucus socialiste, mais le soutien pour ces idées n’est pas reflété dans le faible 5% obtenu par leur candidat. Weisleder n’est pas beaucoup apprécié au sein du NPD et est même parvenu à s’aliéner beaucoup de ceux qui soutiennent le socialisme. Michaud aurait probablement remporté l’élection si elle avait fait des déclarations clairement socialistes. Ceux qui se considèrent eux-mêmes à gauche doivent prendre exemple sur Corbyn et sur Sanders ; vous devez être clairement socialiste et anti-establishment pour gagner. L’ambigüité mène à la défaite !

Beaucoup de gens au sein du parti ont mentionné la députée de 33 ans du Manitoba du nord, Niki Ashton, comme une candidate potentielle. Niki a participé à la dernière course à la chefferie avec une plateforme de gauche modérée et elle a refusé d’appuyer Mulcair en vue de la révision de la direction. Elle était une ardente supportrice de Bernie Sanders bien longtemps avant que ce soit à la mode et a été active dans sa campagne. Toutefois, pendant la dernière course à la chefferie, sa plateforme était très confuse et elle a échoué à devenir un point de ralliement contre Mulcair. Ce que Niki, ou n’importe quel autre honnête candidat de gauche, devrait faire est de placer ouvertement le socialisme au centre de leur campagne, avec une forte critique du système capitaliste, en appelant à une révolution contre la classe des milliardaires comme Sanders le fait aux États-Unis. Des politiques audacieuses telles que la gratuité scolaire pourrait mobiliser des centaines de milliers de travailleur-euses et de jeunes. Un appel à la nationalisation du pétrole, du gaz naturel et des pipelines, sous le contrôle des travailleur-euses et en suivant les meilleures pratiques environnementales, pourrait unifier à la fois des travailleur-euses du secteur pétrolier qui ont peur de perdre leur travail et ceux et celles luttant pour la préservation de la planète. Ces deux objectifs ne doivent pas être mutuellement exclusifs.

Par dessus tout, un authentique candidat socialiste doit dénoncer l’injustice du capitalisme dans lequel les riches abusent du système et font payer la note au reste d’entre nous. Le Nouveau parti démocratique, le parti travailliste du Canada, vient de changer de direction après un virage à droite ayant duré le temps d’une génération complète. La gauche a maintenant une opportunité d’aller de l’avant, et les marxistes de La Riposte et Fightback joueront leur rôle dans la lutte pour des politiques socialistes claires et sans concession.