Le système Miller et l’exploitation sexuelle : impunité pour les riches

Une enquête de Radio-Canada a dévoilé les dessous d’un véritable réseau d’exploitation sexuelle mis sur pied par un homme d’affaires pédophile québécois, Robert G. Miller. Pour ajouter au scandale, le SPVM avait commencé une enquête en 2009, mais n’a jamais porté d’accusation. Cette histoire d’horreur rappelle que sous le capitalisme, les riches sont au-dessus des règles et ont tous les moyens pour éviter la justice, même pour les crimes les plus sordides.

  • Patrick Lepage
  • lun. 13 févr. 2023
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Photo : asbed.com

Une enquête de Radio-Canada a dévoilé les dessous d’un véritable réseau d’exploitation sexuelle mis sur pied par un homme d’affaires pédophile québécois, Robert G. Miller. Pour ajouter au scandale, le SPVM avait commencé une enquête en 2009, mais n’a jamais porté d’accusation. Cette histoire d’horreur rappelle que sous le capitalisme, les riches sont au-dessus des règles et ont tous les moyens pour éviter la justice, même pour les crimes les plus sordides.

Un véritable réseau d’exploitation

Les faits ont eu lieu entre 1994 et 2006. Miller, fondateur de la compagnie multinationale Future Electronics, produisant des composantes électroniques, et l’un des hommes les plus fortunés du Québec, achetait les services sexuels de filles parfois aussi jeunes que 14 ans. Une dizaine de femmes se sont confiées à l’émission Enquête de Radio-Canada. Six d’entre elles affirment avoir eu des relations sexuelles avec l’homme d’affaires alors qu’elles étaient mineures. 

Plusieurs hommes travaillaient pour Miller, notamment pour louer des hôtels, assurer le transit des filles vers sa chambre, gérer les enquêteurs sur son dos, préparer des enveloppes d’argent, bref un travail bureaucratique bien élaboré était lié à cette exploitation sexuelle. 

Les filles qu’il exploitait faisaient aussi du travail de recrutement pour lui, car il en voulait toujours des nouvelles, allant même à demander spécifiquement des filles « inexpérimentées ». Cette envie de nouveauté de l’agresseur était vue comme une échappatoire pour les victimes, car en en recrutant de nouvelles, elles n’avaient plus à coucher avec cette ordure.

Miller s’est servi de sa fortune pour ses petits caprices; il louait une chambre d’hôtel à l’année et a pu faire rénover la salle de bain pour qu’elle réponde à ses envies.

Les employés de l’hôtel se doutaient bien qu’il y avait quelque chose de louche. Donna Loupret, ancienne directrice de l’hôtel Intercontinental, a confronté Miller sur l’âge des filles qu’il invitait. Elle affirme avoir voulu agir, mais se sentir totalement impuissante.

Un enquêteur privé s’est mis sur son cas en 2006 à la demande de l’ex-femme de Miller. Ayant eu vent de l’affaire, deux personnes chargées de la sécurité de Miller sont venues voir l’enquêteur : « On va vous donner 300 000 dollars pour cesser l’enquête et nous donner ce que vous avez recueilli. » L’enquêteur s’est rendu à la police pour dénoncer cette tentative d’acheter son silence. 

Ce cas rappelle celui de Jeffrey Epstein, l’homme d’affaires pédophile dont le réseau d’exploitation sexuelle desservait les hautes sphères de la bourgeoisie internationale et avait pu opérer impunément pendant des années.

L’extrême richesse des hommes d’affaires comme Miller et Epstein leur donne beaucoup de pouvoir. Ils peuvent se permettre de hausser le ton, d’user d’intimidation et d’acheter le silence de leurs victimes, le tout appuyé par leur statut social, pour garder le brouillard sur les faits. D’ailleurs, l’une des victimes a bien réalisé ce pouvoir que peut donner l’argent : « L’argent, ça m’écœure encore. Ça peut blesser, ça peut détruire. Ça peut acheter le silence. » Pas étonnant alors que ces gens se croient tout permis.

Le système capitaliste est fondé sur l’exploitation, le privilège et la compétition la plus vicieuse. Tous les coups sont permis pour arriver au sommet, et une fois arrivé, le pouvoir monte à la tête et l’argent ouvre toutes les portes. La morale perverse de la classe dirigeante ne fait que refléter la perversité du système capitaliste lui-même.

Inaction du SPVM

Pour rajouter une couche de scandale à cette histoire, les journalistes  de Radio-Canada ont aussi révélé que le SPVM avait lancé une enquête sur l’homme d’affaires, avant de tout laisser tomber. En effet, en 2009, Mme Loupret avait contacté l’escouade d’Exploitation sexuelle des mineurs du SPVM. Après avoir su qu’une enquête avait été ouverte, elle a sauté sur l’occasion pour partager son témoignage et ainsi rendre justice aux victimes.

Le SPVM est éventuellement allé à la rencontre des victimes, mais ce sont elles qui ont été traitées comme des criminelles. Une femme affirme que les enquêteurs l’ont menacée de l’arrêter pour avoir participé à un réseau de prostitution juvénile si elle refusait de parler.

Une autre victime témoigne également de cette attitude hostile de la police : « Ils nous ont presque traitées comme des criminelles, dit-elle. Il fallait faire des empreintes digitales, prendre nos photos : profil, face. Quand t’agis comme ça avec des victimes, c’est hyper intimidant. » Comme si cela n’était pas assez, la police a même laissé l’avocat de Miller assister à ces interrogatoires! 

Une des victimes a cependant tout révélé aux policiers en espérant mettre Miller derrière les barreaux, mais sans succès. Inexplicablement, le SPVM a mis fin à l’enquête en 2010.

Ceci illustre encore une fois à quel point le système de justice bourgeois est totalement décrépit. Un homme avec de puissants moyens financiers, qui a littéralement mis sur pied un réseau d’exploitation sexuelle, s’en sort sans soucis, sans même avoir affaire avec la police. Les victimes, par contre, qui ont vécu l’enfer, devaient se défendre de ne pas être des criminelles devant cette même police. 

Comme quoi la bourgeoisie peut toujours s’en sortir devant un système de justice qui ne sert absolument pas l’intérêt des victimes. D’ailleurs, une victime dit que même si une enquête avait lieu aujourd’hui, elle ne collaborerait pas avec le SPVM, le lien de confiance étant rompu.

Le traitement de ce cas par le système de justice n’est pas sans rappeler l’histoire de Gilbert Rozon. On se rappellera que les accusations sur Rozon à la fin des années 90 avaient été abandonnées pour ne pas nuire à ses affaires. Par contre, détruire l’intégrité des victimes ne semble pas trop déranger les représentants de la justice bourgeoise. Dans ce système d’injustice, il y a ceux qui ont de l’argent, et les autres. 

Il n’y a pas de véritable justice sous le système capitaliste. Ce système est moisi jusqu’à sa moelle. Seule une transformation socialiste radicale, allant au fondement du système économique et retirant aux capitalistes leur pouvoir, mettra fin à la débauche impunie des riches et puissants, et créera les conditions pour en finir avec ces horreurs une fois pour toutes.