Photo : Joe Piette/Flickr

A l’aube du 1er avril, la classe ouvrière américaine a remporté une victoire historique. Elle a porté un coup très dur à Amazon, le deuxième plus gros employeur des Etats-Unis, propriété de Jeff Bezos, deuxième homme le plus riche du monde, et bastion de l’hostilité patronale aux syndicats.

Le centre de distribution JFK8, situé dans l’arrondissement new-yorkais de Staten Island, est devenu le premier site américain d’Amazon à se doter d’un syndicat, après qu’une majorité de 2654 voix contre 2131 a voté pour s’organiser au sein du tout nouvel Amazon Labor Union (ALU). Un vote similaire est encore en cours à l’entrepôt de Bessemer (Alabama). Cela se produit en même temps qu’une vague de syndicalisation chez Starbucks, qui marque une véritable révolution dans l’industrie des services.

Cette victoire syndicale à New York pourrait ouvrir une nouvelle ère offensive pour le mouvement ouvrier. Cette perspective ne pourra cependant se réaliser que par un travail conscient. La lutte pour une convention collective solide n’est qu’un début, d’autant plus qu’Amazon fera tout ce qui est en son pouvoir pour faire traîner les choses et épuiser la détermination des travailleurs syndiqués et de leurs sympathisants.

Il est important de souligner que la victoire à Staten Island s’est jouée à une faible marge, et que les résultats sont encore incertains à Bessemer. Des décennies de défaites et de propagande anti-syndicale ont eu un impact et les travailleurs sont encore nombreux à craindre pour leurs emplois et leur survie. Les dirigeants syndicaux doivent argumenter en faveur de la lutte, pas avec de belles paroles ou des appels nostalgiques aux grandes heures du syndicalisme, mais avec des victoires concrètes. Le centre JFK8 peut montrer la voie à l’ensemble de notre classe, par l’exemple d’une bataille victorieuse pour les salaires et les conditions de travail.

Mais à notre époque de crise du capitalisme, de telles victoires ne peuvent être arrachées que par des méthodes combatives de lutte de classes, et pas en poursuivant celles que défendent actuellement les directions syndicales, qui prônent la collaboration de classes et tentent de détourner la lutte vers la seule action judiciaire. Ce sont précisément les patrons qui ont développé ces tactiques pendant des décennies, pour contenir les luttes de la classe ouvrière dans des limites qui leur convenaient. Cette voie ne peut mener qu’à la défaite des travailleurs. Historiquement, les grandes victoires des travailleurs n’ont pas été faites en se pliant aux lois des capitalistes, mais grâce à la solidarité de classe et par des actions combatives qui attaquaient les patrons là où ça leur fait mal, au portefeuille.

A une époque, même les syndicats étaient illégaux, et il en allait de même pour tout type de grève. La classe ouvrière n’en a pas moins fait ce qu’elle devait pour survivre. Aujourd’hui encore, les grèves de solidarité, les grèves politiques, les grèves avec occupation, c’est-à-dire toutes les grèves qui ont un réel impact, qui arrêtent la production et repoussent les briseurs de grève, toutes sont interdites. Dans les années à venir, les travailleurs d’Amazon et Starbucks doivent montrer la voie, et marcher dans les pas de nos prédécesseurs héroïques, qui ont arraché la journée de huit heures et établi le CIO [1]. Les conditions de vie et l’avenir de chaque travailleur américain sont en danger. Nous devons prendre en main notre destinée, avec l’actuelle direction syndicale ou sans elle. Les dirigeants de l’AFL-CIO et des autres gros syndicats ont tout ce qu’il faut pour inverser la tendance au profit du mouvement ouvrier. Ils devraient être en train de préparer le terrain pour une action massive de solidarité et des campagnes chez Amazon et Starbucks, et une campagne nationale de syndicalisation dans tous les secteurs de l’économie. En dernière analyse, le mouvement ouvrier doit agir de façon indépendante pour défendre ses propres intérêts, pas seulement sur le front économique, contre des entreprises ou des capitalistes spécifiques, mais également sur le front politique. C’est la seule façon de faire face et de vaincre le pouvoir concentré des capitalistes, pour abroger toutes les lois anti-syndicales, et mener des politiques qui soient dans l’intérêt de tous les travailleurs, contre l’ensemble du système capitaliste.


[1] Le Congress of industrial organization est une confédération syndicale créée aux États-Unis en 1938 à partir d’une scission de l’AFL. Le CIO représente le mouvement du syndicalisme dit « industriel », qui vise à syndiquer tous les travailleurs, y compris les moins qualifiés, en opposition à l’AFL et son syndicalisme dit « de métier », plus conservateur et corporatiste et qui délaisse les travailleurs plus pauvres au profit des couches plus spécialisées et mieux payées des travailleurs. [NDT]