Dans la nuit du 26 au 27 novembre, le Service de Police de la Ville de Québec (SPVQ) a brutalisé des jeunes noirs à la sortie d’un bar. Une vidéo de l’intervention montre un policier pelletant de la neige avec sa botte au visage de l’un d’eux déjà plaqué au sol et recevant des coups. C’est un autre exemple choquant de la brutalité et du racisme inhérents au sein de la police. 

Gangstérisme de la police

Dans la vidéo rapidement devenue virale, on voit des policiers violemment arrêter Pacifique Niyokwizera, un jeune de 18 ans. Alors que ce dernier est déjà maintenu au sol face contre terre, des policiers le rouent de coups de poings. Un des policiers lui enlève son téléphone portable et le jette au loin. Un des policiers lui envoie de la neige au visage avec sa botte complètement gratuitement. On le voit se faire frapper à plusieurs reprises du genou par un des policiers. Les images montrent également des policiers trainer et plaquer une jeune femme dans la neige pour la restreindre.

Après l’avoir tabassé au point d’avoir le visage en sang, les policiers ont emmené Pacifique loin de la scène en voiture. Alors que lui et sa famille sont des réfugiés de l’Ouganda et vivent dans le quartier Limoilou depuis huit ans, les policiers lui ont notamment dit de « retourner à Montréal »! Ces propos sont un exemple criant du racisme crasse de la police, qui véhicule le préjugé stupide que les Noirs au Québec sont tous à Montréal.

Une fois éloignés de la scène, n’ayant aucune raison valable de le retenir, les policiers ont tout simplement relâché Pacifique. Il s’est retrouvé dans le froid sans manteau ni moyens pour rentrer chez lui, ayant perdu son téléphone et ses cartes lorsque les policiers l’ont plaqué au sol. Que Pacifique déclare ensuite « ne plus jamais voir la police de la même manière » ne représente une surprise pour personne. 

La même nuit, des policiers de la même escouade avaient brutalisé un homme lors d’une intervention dans un restaurant pas loin du bar. Cinq policiers ont été subséquemment suspendus avec solde – ce qui représente plus des vacances qu’une punition. Depuis, une quatrième vidéo montrant des agents de la SPVQ pousser violemment un homme contre un mur dans un autre restaurant en octobre dernier a fait surface. L’homme en question a subi une commotion cérébrale. Un des agents prenant part à cette intervention est un de ceux suspendus. Ces vidéos rendent ces agents difficiles à distinguer de petits gangsters en « power trip » qui tabassent le premier venu pour le plaisir. 

Deux poids, deux mesures

Trop souvent, aucune excuse n’est nécessaire à la police pour harceler, et dans ce cas brutaliser, les personnes noires en toute impunité. Par contre, chose curieuse, lorsqu’il s’agissait d’appréhender l’homme ayant tué plusieurs personnes à coup d’épée dans le Vieux Québec en novembre 2020, le SPVQ a trouvé les moyens de le faire sans le genre de violence qu’il a fait subir à Pacifique Niyokwizera.

Ce n’est pas la première fois que ce contraste saute aux yeux à Québec. En novembre 2017, l’extrême droite et les fascistes (La Meute, Storm Alliance, Atalante, et III%) faisaient front uni pour manifester dans la ville. Ceux-ci ont pu circuler et diffuser leurs messages violents sans entraves. Par contre, les contre-manifestants antiracistes qui se sont mobilisés pour contrer leur haine ont eu affaire avec l’escouade antiémeute. C’est un autre exemple qui rend on ne peut plus clair le double standard au sein du SPVQ et de la police en général.

Il suffit d’avoir les yeux ouverts pour voir le racisme prévalent au sein de la police. Or, le SPVQ insiste qu’il n’ y a pas de racisme systémique dans ses rangs. Ce refus de reconnaitre le fléau du racisme systémique est d’autant plus ridicule que le service de police est incapable de recruter même un seul policier noir. Bien que la présence de policiers noirs ne changerait en rien la nature raciste et violente du SPVQ (il n’y a qu’à regarder les États-Unis pour s’en convaincre), ce fait en lui-même demeure accablant.

Enquête indépendante?

Les politiciens des différents partis ont demandé une enquête pour que « la lumière soit faite » sur l’incident. Mais François Legault et la ministre de la Sécurité publique de la CAQ, Geneviève Guilbault, s’opposent pour l’instant à une enquête qui serait indépendante et affirment leur confiance dans la capacité de la SPVQ à enquêter sur elle-même. Sans blague!

Tous les partis, allant de Québec solidaire au Parti libéral en passant par le Parti québécois, ont rejoint la parade pour demander une enquête indépendante menée par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). Le député de QS Sol Zanetti a déposé une motion à l’Assemblée nationale pour demander une enquête indépendante sur les relations entre les personnes racisées et le SPVQ. Sans surprise, le gouvernement de la CAQ a refusé la motion.

Il faut toutefois dire que même dans le cas où elle serait menée par le BEI, les chances qu’une enquête aille au fond du problème demeureraient minces. Comme on l’a souligné précédemment, la majorité des enquêteurs du BEI sont des anciens policiers et les plaintes déposées mènent rarement à des conséquences. De plus, les conclusions des enquêtes du BEI ne sont pas divulguées publiquement. Le BEI ne représente pas une menace à l’impunité des policiers; il n’est ni indépendant des corps de police, ni transparent au public. Québec solidaire, défendant l’idée d’une enquête indépendante, ne se distingue malheureusement en rien des partis de l’establishment.

Des représentants du Parti libéral et du PQ ont aussi demandé que les policiers portent des caméras corporelles. Il est à noter que la présidente de la fraternité des policiers supporte aussi cette mesure pour prétendument avoir un enregistrement des interventions du début à la fin. Là encore, ce n’est que de la poudre aux yeux et une façon de prétendre qu’il y aurait un « avant » de l’intervention qui justifierait les actions des policiers. Dans les enregistrements vidéo de l’arrestation on peut d’ailleurs entendre un policier demander à la personne qui filme d’arrêter la caméra parce que « ça sert à rien ». Effectivement, davantage de preuves vidéos ne mettront pas fin à la brutalité policière : comme le souligne l’American civil liberties union, « un examen exhaustif de 70 études empiriques sur les caméras corporelles [aux États-Unis] a constaté qu’elles n’avaient pas eu d’effet systématique ni statistiquement significatifs de réduction de l’utilisation de la force par la police ».

Davantage d’enquêtes et de preuves de la brutalité n’y changeront rien. Les crimes de la police sont connus et exposés depuis longtemps. Le problème n’est pas avec la transparence, mais avec la police elle-même. 

À un problème systémique, solution systémique

Le maire de Québec, Bruno Marchand, lui aussi, continue à réaffirmer sa confiance envers le SPVQ. Mais face à l’accumulation d’incidents de brutalité policière, il invoque l’idée que « un ou quelques policiers nuisent à l’ensemble de l’image » du SPVQ. Pourtant, alors même que la culpabilité des cinq policiers impliqués dans ces interventions brutales crève les yeux, la présidente de la fraternité des policiers se dit « pour le moins surprise » de la décision de les suspendre. Quand la plus haut placée de la fraternité minimise les événements et se surprend qu’il y ait des conséquences pour les policiers impliqués, cela montre la banqueroute de cette notion que le racisme et le profilage racial viendraient de quelques « pommes pourries » seulement. 

De nouvelles enquêtes sur la police ne serviront qu’à redire ce que tous savent déjà : la police est une institution profondément raciste et violente. Des programmes de diversité pour embaucher des policiers issues des minorités visibles ne sont pas non plus une solution à ces fléaux. Comme l’ont démontré la vague de manifestations de BLM, les méthodes de la classe ouvrière, telles que les manifestations de masse et les occupations, sont les plus efficaces pour lutter contre le racisme et la violence de la police. Une marche est prévue ce samedi en appui à Pacifique dans la ville de Québec. Cela constitue la bonne direction à prendre. La gauche et le mouvement ouvrier doivent répondre à cet appel.

Pour une solution définitive, il faut aller à la source du problème. Le racisme et la brutalité dans les institutions de l’État sont un reflet de la nature du système qu’elles servent à maintenir en place, le capitalisme. La police est le bras armé de l’État. Sa brutalité sert à défendre la minorité des exploiteurs contre la masse des travailleurs qui font rouler la société. Le capitalisme se maintient en place aussi en divisant les travailleurs sur des lignes arbitraires telles que la race ou la religion. Comme l’a dit Malcom X : « Il n y a pas de capitalisme sans racisme. » La lutte contre ces fléaux doit donc être reliée à la lutte contre ce système pourri. Pour démanteler la police et en finir avec le racisme, il faut démanteler le capitalisme.