Depuis près de deux mois, le mouvement de solidarité avec la Palestine fait face aux calomnies et au mépris de la presse, de l’État et de ses institutions. Malgré cela, les manifestations contre le nettoyage ethnique de Gaza par Israël se poursuivent et l’opinion publique ne fait que se ranger plus fermement du côté des Palestiniens.  

En réaction, la classe dirigeante intensifie sa répression des militants pro-palestiniens.

Les exemples les plus évidents se sont produits à Toronto, où la police a arrêté des manifestants lors de sit-ins pacifiques devant des bureaux de députés, et a attaqué physiquement un sit-in devant la Banque Scotia. Le 22 novembre, tôt le matin, la police de Toronto a effectué une série de descentes chez des militants, pénétrant dans leurs maisons et menottant les résidents. Quel crime justifiait de telles tactiques? La pose d’affiches sur la façade du magasin Indigo dénonçant le soutien financier actif de sa PDG Heather Reisman à l’armée israélienne, le IDF. 

La police sévit également dans d’autres villes. Par exemple, à Calgary, le militant Wesam Khaled a été arrêté pour incitation à la haine après avoir scandé « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre » (« From the river to the sea, Palestine will be free ». L’accusation a été abandonnée par la suite, en reconnaissance de la faiblesse du dossier contre Khaled. 

Ces attaques juridiques contre le mouvement de solidarité avec la Palestine s’ajoutent aux attaques de la presse, des administrations scolaires et des employeurs. Alors que la pression monte, nombreux sont ceux dans le mouvement qui s’inquiètent. Que faire?

Ce que nous ne devons pas faire, c’est nous excuser ou reculer. Depuis le début, nous avons vu des personnalités de gauche faire des déclarations de solidarité avec la Palestine, puis reculer face aux dénonciations médiatiques et politiques, comme ce fut le cas de l’ancienne députée néo-démocrate Sarah Jama et du président du SCFP ontarien Fred Hahn. 

Plus récemment, il y a eu le cas de McGill, où l’association étudiante, le SSMU, a voté massivement en faveur de l’adoption d’une politique pro-palestinienne. En réponse, un étudiant isolé, soutenu par le groupe sioniste B’nai Birth, a obtenu une injonction du tribunal pour empêcher l’entrée en vigueur de la politique. L’exécutif de l’association étudiante de McGill a immédiatement plié. C’est une erreur. 

Nous ne devrions jamais nous excuser pour quelque chose que nous n’avons pas fait (être antisémite) ; ni, d’ailleurs, pour quelque chose que nous avons fait et qui est tout à fait dans notre droit (comme démontrer notre solidarité avec la Palestine). 

En outre, le désaccord entre le mouvement de solidarité avec la Palestine et les partisans d’Israël n’est pas un débat rationnel entre deux camps raisonnables. Il ne s’agit pas d’une simple divergence d’opinion qui peut être résolue en respectant les règles de la « société civile démocratique ».

Les médias, l’État et la loi ne sont pas neutres. Ils existent pour servir les intérêts de la classe dirigeante canadienne. Quatre-vingt-dix pour cent du temps, ils peuvent agir avec un certain degré d’indépendance pour préserver l’apparence de neutralité, de sorte que lorsque cela compte vraiment, ils peuvent d’autant plus efficacement accomplir leur travail de défense des intérêts de l’impérialisme canadien. Et la guerre d’Israël contre Gaza est particulièrement importante pour les impérialistes.

Comme le montrent les actions ridiculement disproportionnées des policiers de Toronto et de Calgary, leur objectif n’est pas de faire respecter la loi. Que les militants aient enfreint la loi ou pas n’a pas d’importance, l’objectif est de harceler et d’intimider les manifestants, de démoraliser et de désorganiser le mouvement. 

Israël est un allié de l’impérialisme occidental trop important pour que le Canada l’abandonne. Par conséquent, le seul moyen pour la classe dirigeante de contenir la colère et le mécontentement social croissants incarnés par le mouvement palestinien est de le réprimer. Nous pouvons nous attendre à ce que tous les outils dont disposent les impérialistes, y compris la loi, soient utilisés à cette fin. Et nous ne pouvons pas gagner en jouant selon leurs règles.

Le mouvement palestinien doit s’opposer à toutes les tentatives de répression.

La faiblesse invite à l’agression. Les concessions ne satisferont pas l’autre camp, elles ne feront que lui prouver que ses attaques fonctionnent. Nous l’avons vu avec Sarah Jama – elle s’est excusée pour sa déclaration initiale du 7 octobre, mais cela ne l’a pas empêchée d’être expulsée du caucus du NPD ou d’être régulièrement attaquée dans la presse de droite. 

La meilleure défense, c’est l’attaque. Chaque fois que le mouvement palestinien est attaqué, cela peut être utilisé pour exposer l’hypocrisie de l’État et des médias capitalistes, ainsi que pour rallier des appuis et mobiliser davantage de personnes. 

C’est ce qu’ont fait les camarades de Socialist Appeal en Grande-Bretagne, lorsque leurs photos ont été mises en ligne par la police londonienne, accompagnées d’accusations sans fondement de « harcèlement racial aggravé ». Ils se sont rendus au poste de police, non pas pour coopérer, mais pour défier la police. Ils ont exigé de voir les preuves de leurs « crimes » – il n’y en avait pas – et ont soutenu que les accusations étaient une attaque politique, tout en publiant des articles ​​ l’incident sur les réseaux sociaux. Finalement, les charges ont été abandonnées et la police leur a présenté ses excuses.

Un autre exemple est celui des syndicats étudiants de l’Université York. L’administration de l’université a menacé de dissoudre les syndicats étudiants s’ils ne revenaient pas sur leur déclaration de solidarité avec la Palestine. Plutôt que de céder, ils ont organisé un rassemblement d’urgence pour mobiliser les étudiants et défier l’administration. Cet exemple pourrait être facilement suivi à McGill, où la participation au vote sur la politique pro-palestinienne a été la plus élevée de l’histoire de l’association étudiante.

Par ces méthodes, chaque attaque peut se retourner contre les impérialistes canadiens qui appuient Israël. La confiance du public dans les médias et les institutions est déjà faible, et chaque attaque risque de les discréditer davantage. Ils disent qu’en défendant Israël, ils défendent la démocratie au Moyen-Orient. Mais où est la démocratie au Canada, où est la liberté d’expression lorsque des manifestants pacifiques sont violemment arrêtés? Où est la presse juste et impartiale lorsque des dizaines de milliers de personnes manifestant contre le nettoyage ethnique sont soit ignorées par les médias, soit accusées d’antisémitisme? 

La lutte pour la libération de la Palestine est une lutte contre l’impérialisme occidental dans son ensemble. Par conséquent, lorsque nous prenons la défense des Palestiniens, nous ne devons pas être pris au dépourvu par les tentatives de répression, il faut plutôt s’y attendre. Nous devons être prêts à défier la répression – si nous prenons notre lutte au sérieux, il n’y a pas d’autre façon de réagir. Toute autre attitude revient à se résoudre à la défaite. En restant fermes, nous renforçons le mouvement, nous donnons l’exemple aux autres et nous convainquons un plus grand nombre de travailleurs et de jeunes à nous rejoindre : pas seulement pour la Palestine, mais pour toutes les luttes contre l’oppression et l’exploitation qui viendront tôt ou tard.