« Il faut élire un gouvernement qui va mettre la hache (…) » a déclaré M. Éric Duhaime, ancien assistant de Mario Dumont à l’ADQ et cofondateur du Réseau Liberté-Québec (RLQ). Tout en parlant du besoin de mettre à la hache, il a rapidement mis en place ce qu’il pense avoir besoin d’être ajouté au billot. « Prenez par exemple les garderies à 7$. C’est le système le plus généreux en Amérique du Nord (…). »

Se présentant eux-mêmes comme un « organisme sans but lucratif visant à favoriser le réseautage de tous les Québécois qui partagent des idéaux de liberté et de responsabilité individuelles », le RLQ, lancé en septembre dernier, est une autre poussée de la droite afin de s’unir pour la grande tâche à venir : ouvrir grandes les portes à l’austérité et au démembrement de tous les gains acquis par la classe ouvrière depuis la seconde moitié du 20e siècle. 450 conservateurs, fédéralistes et souverainistes ont rempli une salle de bal d’un hôtel de Québec le 23 octobre dernier, à l’occasion de l’inauguration du RLQ. Tous sautaient enthousiastes sur leurs pieds pour ovationner à plusieurs reprises des conférenciers (comme Maxime Bernier, Ezra Levant et Tasha Kheiriddin) exposer leur vision d’avenir au Québec : réduire la taille du gouvernement (à savoir moins de programmes sociaux), réduire les interventions du gouvernement (à savoir moins de lois pour protéger les travailleurs, les secteurs marginalisés de la population et l’environnement). M. Bernier a par ailleurs terminé son discours enflammé avec une déclaration audacieuse que c’est un « nouveau chapitre dans l’histoire du Québec qui est en train de s’écrire ».

Les médias ont rapidement émis un parallèle entre le RLQ et l’ultraconservateur Tea Party aux États-Unis, le RLQ n’a pas semblé être gêné de cette comparaison. «Nous leur ressemblons dans le sens que nous voulons réunir les gens ensemble, nous sommes très « grassroots », We resemble them in the way we want to bring people together, we’re really grassroots », a dit Ian Sénéchal, l’un des six cofondateurs du RLQ.

En plus du RLQ, l’ex-ministre péquiste François Legault est à la tête de l’initiative du lancement d’un nouveau parti politique qui couperait sur la question nationale d’un point de vue de droite, un peu comme la moribonde Action Démocratique du Québec. Poussé par cette initiative, un sondage a été effectué à la mi-octobre le parti hypothétique de Legault, Force Québec, voulant évincer les Libéraux. Dans ce sondage, Force Québec recevait 30 pourcent des votes, le Parti Québécois recevait 27 pourcent et les Libéraux tout juste 25 pourcent. Les résultats de ce sondage ont suscité de nombreuses spéculations : assistons-nous à un changement vers la droite au Québec? Ou n’est qu’une reprise de la montée de l’ADQ d’il y a quelques années? Les résultats du sondage représentaient bien la frustration envers l’establishment politique sur deux fronts. D’une part, la classe ouvrière québécoise est fatiguée de ces mêmes vieilles politiques, que se soit avec les Libéraux ou les Péquistes. Comme avec la montée de l’ADQ, l’élection d’Amir Khadir de QS à l’assemblée nationale, l’élection de Thomas Mulcair du NDP à Outremont et la forte ascension du parvenu Projet Montréal aux élections municipales de l’année dernière ; la classe ouvrière au Québec essaie désespérément de trouver quelqu’un (n’importe qui) qui pourra résoudre les vrais problèmes auxquels elle fait face.

Une certaine portion de la classe dirigeante est aussi frustrée par la vieille méthode politique, mais pour de diverses raisons. À leurs yeux, ni les libéraux ni le PQ n’est capable de mettre de l’avant les mesures d’austérité et les attaques qui sont nécessaires à leurs assises. Le Parti Libéral au pouvoir avait une excellente opportunité de le faire au printemps dernier, mais les patrons ont estimé que le budget des libéraux n’allait pas assez loin. Le gouvernement a même reculé en imposant des frais pour les visites chez le médecin malgré les protestations publiques.

Bien que le RLQ (et dans une certaine mesure, Force Québec) se présente comme étant un mouvement et un parti « grassroots » (de base), leur élan vient véritablement de la classe capitaliste et leurs intérêts sont ceux des patrons, pas des travailleurs. Ils recouvrent d’un linceul leurs véritables intérêts par de la rhétorique démagogique, tout comme le tout nouvellement élu Rob Ford à la mairie de Toronto et son infâme « gravy train » (un emploi requérant relativement peu de travail pour un bon salaire et des avantages).

Pour le moment, les deux groupes, le RLQ et Québec Force, maintiennent toujours une distance l’un envers l’autre malgré la similitude de leurs programmes. François Legault n’était pas de la foule à la conférence du RLQ. Mais à la fin, l’objectif de ces deux mouvements est clair : une unité de l’aile droite, fédéralistes et souverainistes confondus, pour ouvrir de force les vannes aux coupures dans l’éducation, la santé, les garderies et de nombreux autres acquis sociaux. Ces deux mouvements sont l’expression la plus forte de cette section de la classe dirigeante du Québec qui reconnaît que la question de classe est plus importante que la question nationale, en particulier dans cette crise économique. « Laissons la question nationale de côté et concentrons-nous sur les coupures » nous disent-ils.

Le PQ tente faire de même, mais d’une manière plus délicate, car il doit manoeuvrer avec cette image de libérateur national qu’ils ont construite depuis plus de 50 ans. En réponse à l’initiative de Legault, la chef du PQ Pauline Marois a répondu : « Je ne crois pas qu’un parti politique au Québec peut laisser de côté la question nationale ». En outre, la question nationale a été l’arme la plus efficace de la classe dirigeante du Québec pour détourner l’attention de la classe ouvrière loin de la question de classe. Les hauts gradés du Parti Québécois ne peuvent pas risquer la destruction du parti en abandonnant ouvertement la question nationale. La semaine dernière (début novembre), un groupe de 50 jeunes souverainistes a envoyé une lettre ouverte récriminant les idées de Marois sur la souveraineté étant trop analogues à celles de l’ADQ.

La tendance au Québec n’est pas vers la droite, comme certaines personnes le craignent. Ce que nous voyons, c’est la classe dirigeante québécoise qui essaie de distraire et détourner laclasse ouvrière pendant qu’ils sont occupés à aiguiser leur hache. La situation est mûre pour un parti de gauche de se lever, qui représente les travailleurs avec un véritable programme et qui répond à la crise du capitalisme. Québec Solidaire doit être ce parti. La classe ouvrière doit prendre son marteau et briser cette hache capitaliste en morceaux et avec ce même marteau réorganiser la société en une qui est fondée sur les besoins humains et non le profit.