Au début de la propagation de la COVID-19, les patrons des entreprises demeurées ouvertes, notamment certaines usines, les épiceries et le commerce de détail en général, ont été forcés de concéder de maigres primes à leurs employés. Mais à peine le déconfinement complet est-il commencé qu’ils ramènent les travailleurs essentiels à leurs salaires de crève-faim. Depuis, certains travailleurs ont commencé à organiser une opposition. Ne laissons pas les grands patrons s’enrichir sur notre dos!

L’instauration des primes

Les primes COVID avaient été instaurées dans plusieurs milieux de travail, dont les épiceries, dès la fin mars, alors que le confinement s’installait au Québec. Pendant que des milliers de travailleurs devaient faire du télétravail ou étaient tout simplement mis à pied, les caissiers, commis et autres employés de plancher se tenaient au front, à côtoyer des milliers de clients. Avec un virus mortel qui rôdait et peu d’équipement de protection personnelle offert, ces travailleurs mettaient leur santé, voire leur vie, en danger.

L’idée de verser une prime pour travailleurs essentiels a donc fait son entrée. Elle a été présentée dans les médias comme un sacrifice fait par les grands patrons. On peut penser, par exemple, à une entrevue aux airs de publicité avec Éric Le Blanc, président du groupe Métro, à Tout le monde en parle. À un moment où il fallait tous se serrer les coudes, les généreux patrons reconnaissaient le dur travail de leurs employés de plancher. Une chance qu’ils sont là!

Mais la prime était-elle réellement une preuve de générosité? Au contraire. Avec le roulement plus élevé, les épiceries devaient attirer plus d’employés pour remplir les tablettes. À cela s’ajoutait la peur de contracter le virus. Une logique semblable s’appliquait dans les CHSLD et de nombreux autres milieux de travail. Pourquoi risquer sa vie en allant travailler pour gagner quelques pinottes? Concéder une petite prime servait simplement à attirer plus de main-d’oeuvre. Ainsi, pour les patrons, la prime COVID n’était pas une preuve de générosité, mais découlait plutôt d’une nécessité économique.

D’ailleurs, les profits des épiceries ont significativement augmenté durant la période de confinement. Ces profits ont-ils été généreusement partagés? Bien sûr que non. Qu’on nous épargne l’hypocrisie de considérer une petite prime de deux dollars de l’heure comme une preuve de la grandeur d’âme des actionnaires.

Et maintenant que le confinement est terminé, de plus en plus de patrons reculent sur les maigres primes accordées. Au revoir la prime COVID, ont déclaré les millionnaires à la tête de ces entreprises. D’autant plus qu’il a récemment été révélé que de nombreuses bannières ont coordonné la fin de leurs primes, bien qu’elles jouent sur les mots en affirmant qu’il s’agit de « décisions individuelles »… simultanées!

« Jobs d’étudiants » ou travailleurs essentiels?

La pandémie a eu le mérite de montrer qui fait vraiment fonctionner la société. Personne ne remarque si les patrons d’épiceries ou d’usines sont confinés à la maison. Mais qu’aurait-on fait sans les employés de plancher? Pourtant, les travailleurs de l’alimentation au Québec et au Canada sont presque systématiquement payés au salaire minimum et considérés comme des travailleurs non qualifiés, occupant des « jobs d’étudiants ».

La réalité est que le deux dollars de l’heure n’est même pas une prime de risque : pour la vaste majorité des travailleurs essentiels, c’est du rattrapage salarial! Le salaire minimum de 13,10 dollars de l’heure, ce n’est pas suffisant pour faire vivre une famille au Québec en 2020. Selon les calculs de l’IRIS, le « revenu viable » pour un ménage d’une personne seule à Montréal est de 27 948 dollars, ce qui correspond à un salaire d’environ 16 dollars de l’heure. Ainsi, même en ajoutant la prime COVID au salaire minimum, on se situe en bas d’un salaire viable!

L’hypocrisie des capitalistes a été révélée de façon flagrante pendant ces quelques mois où ils ont été forcés de reconnaître le travail des caissiers, préposées aux bénéficiaires, livreurs, etc. Les travailleurs les plus « essentiels », qui ont été célébrés comme des héros pendant les premiers mois de pandémie, sont aussi les moins bien rémunérés et les moins bien traités.

La prime COVID devrait non seulement être maintenue et rendue permanente, mais il faut aller plus loin. Tous les travailleurs méritent une vie décente, et d’autant plus ceux qui tiennent la société à bout de bras. Pour y arriver, nous devons revendiquer un salaire minimum de 20 dollars de l’heure, indexé au coût de la vie.

En plus, les dangers ne sont pas disparus, comme le montrent les éclosions récentes au Québec. Le nombre de cas a recommencé à augmenter dans la province. Il est bien possible qu’une deuxième vague se produise éventuellement. Il n’y a rien qui justifie le retrait des primes sauf la soif de cash des patrons. Dans cette situation, une véritable prime de risque est nécessaire : un double salaire devrait être versé aux travailleurs essentiels qui mettent leur santé en jeu pour nous nourrir, nous soigner et continuer à faire fonctionner la société.

La riposte s’organise

Heureusement, le retrait des primes ne se fait pas sans opposition : le 9 juillet dernier, les syndicats de l’alimentation de la CSN au Saguenay-Lac-Saint-Jean se mobilisaient pour revendiquer le retour de la prime COVID de deux dollars de l’heure. Ils exigent également que cette prime devienne une augmentation de salaire permanente. Cette mobilisation faisait suite à une mobilisation similaire des travailleurs de la transformation de la viande. Huit syndicats de ce secteur affiliés à la CSN avaient fait front commun à la fin juin pour revendiquer le maintien de la prime COVID. Ils avertissaient alors que ce n’était que la première étape d’une plus longue série de moyens de pression.

Le potentiel d’un mouvement et d’une victoire autour de cet enjeu existe. Les salaires et les primes insuffisantes touchent non seulement les travailleurs de l’alimentation, mais les employés de nombreux commerces de détail, les préposés aux bénéficiaires, les ouvriers de transformation de viande, etc. Cela concerne d’ailleurs de nombreux travailleurs non syndiqués, comme les employés de Dollarama qui ont obtenu le maintien de leur prime de trois dollars après une inspirante mobilisation en juin dernier. Les centrales comme la CSN pourraient jouer un rôle de direction pour l’ensemble de ces travailleurs afin d’obtenir le maintien des primes et des augmentations de salaire. Elles ont les ressources pour étendre la contestation en organisant des manifestations et des grèves.

L’organisation de grèves autour d’un tel enjeu n’est pas utopique. Partout à travers le monde, la pandémie a amené des travailleurs à faire la grève pour protéger leur santé et obtenir des concessions des patrons. En Italie, par exemple, au début de la pandémie, des grèves spontanées avaient éclaté pour s’opposer à la décision du patronat de permettre à de nombreuses entreprises non essentielles de poursuivre leurs activités. On a aussi vu des grèves aux États-Unis chez Amazon.

C’est uniquement avec un mouvement de lutte uni et combatif que les primes pourront être réinstaurées, bonifiées et même transformées en une augmentation de salaire permanente. Seule la lutte paie!